Chercheur à l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES), animateur du Réseau d’alerte sur les inégalités et membre du collectif ACDC, il répond aux questions de L'Humanité :
Le projet gouvernemental visant à systématiser les sanctions à l’encontre des chômeurs refusant deux «offres valables d’emploi» vous étonne-t-il ?
Pas vraiment, cela se situe dans la continuité d’une pression croissante sur les chômeurs, accentuée notamment depuis un décret en 2005 qui a élargi la gamme des sanctions applicables. Dans un contexte de chômage massif, de sous-emploi et de précarité, cette logique vise à faire croire que le comportement des chômeurs est une question centrale. Ce diagnostic déplace les responsabilités de la persistance du chômage en France sur les chômeurs eux-mêmes. Or, il est totalement faux de dire que les chômeurs s’installent durablement dans l’inactivité. Toutes les enquêtes montrent par exemple que la principale préoccupation des RMIstes est de retrouver un travail, quitte à ce qu’ils y perdent de l’argent. Le discours actuel sur les trappes à chômage ne tient pas la route, et il est bon de rappeler qu’aujourd’hui moins de la moitié des chômeurs perçoivent une indemnisation. Pour la majorité d’entre eux, la question n’est donc pas de s’installer durablement dans l’inactivité, car cela ne leur procure aucun moyen d’existence. Le problème aujourd’hui, c’est qu’il n’y a pas suffisamment d’emplois pour tous.
Quelles sont les conséquences du renforcement des sanctions sur le marché du travail ?
Forcer des personnes à accepter au bout de 6 mois des emplois rémunérés un tiers de moins que leur précédent salaire est un puissant mécanisme de pression à la baisse sur les salaires. Cela va accentuer la concurrence entre chômeurs et salariés sur le marché du travail, en particulier pour les emplois les moins qualifiés. En fixant aux chômeurs des normes totalement dégradées de rémunération, cela va dévaloriser le travail. Dans la plupart des pays européens, il y a une pression à la baisse sur les salaires depuis une vingtaine d’années, qui se traduit par le fait qu’une partie décroissante des revenus va au travail. Un des leviers pour influer sur ce partage est justement de faire pression sur les chômeurs.
Comment réduire en France la part de chômage subi ?
Il faut proposer aux chômeurs de vrais emplois. On peut avoir un système de droits et d’obligations, mais encore faut-il qu’il n’y ait pas disproportion entre ces deux éléments. Abaisser le niveau des salaires ne résoudra pas la question de l’emploi en France. Ne serait-ce que parce que cela fait baisser un des moteurs de la croissance économique, qui est la consommation des ménages. Je ne pense pas que de s’appuyer sur la baisse sans fin des salaires pour stimuler l’emploi soit un bon outil de politique économique. La politique selon laquelle le chômage serait la conséquence d’un coût de la main-d’œuvre trop élevée a été invalidée par toutes les expériences d’exonération de cotisations sociales qui ont été menées depuis une quinzaine d’années.
(Source : L'Humanité)
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