Nicolas Rousseau, 33 ans, doctorat en physique, est spécialisé en semi-conducteurs, puces et circuits intégrés. Jeune, il a fait preuve de mobilité avec un CDD de deux ans en Allemagne. Nicolas est au chômage depuis son retour à Montpellier en 2005. "A l'ANPE, se rappelle-t-il, on a défini mon profil, mais quelqu'un qui est trop formé est un ovni, ils savent qu'ils risquent de ne pas lui proposer beaucoup d'offres." Sur sa fiche, Nicolas a inscrit : travail en recherche et développement, chercheur, et, même, responsable de production, disponible pour un emploi de Toulouse à Marseille. Pas d'offres.
Depuis, il a ajouté la corde de l'enseignement à son arc. L'ANPE vient donc de lui proposer un emploi de professeur à Nîmes, à 60 kilomètres. Une annonce prometteuse, "un an à 1.800 € par mois". En fait, ce sont 500 € de moins qu'affiché, et cela se termine le 4 juillet. "J'ai refusé, dit-il, si j'acceptais, je ratais mon examen, dans un mois, pour devenir instituteur."
Fabrice Le Saouter a été conducteur typographe pendant vingt ans. C'était il y a longtemps. Depuis, cet homme de 54 ans a exercé bien des métiers. Il a nettoyé des bidons de lait, accompagné des malades en fin de vie, distribué des médicaments à l'hôpital de Vannes (Morbihan), "sans aucune formation". Après avoir rejoint l'association AC! Agir ensemble contre le chômage, il en a été permanent durant six ans.
Licencié pour raisons budgétaires, il a trouvé un emploi de surveillant dans un collège privé de son village, à Saint-Jean-Brévelay. Il espère que le contrat qui s'achève en août sera prolongé. Il touche 574 € net par mois pour un mi-temps. Soit une cinquantaine d'euros en moins que ce qu'il avait avec l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et un complément de revenu minimum d'insertion (RMI). Avec les aides au logement, il paye 123 € par mois de loyer. L'eau, l'électricité, le téléphone lui coûtent près de 200 €. L'ANPE lui a proposé d'autres emplois. Peu, il est vrai. "Gérer une association théâtrale, mais je n'avais pas les compétences de gestionnaire, raconte Fabrice. S'occuper de handicapés mentaux, mais sans formation particulière, ou encore distribuer des annuaires à Pontivy, un job de quelques jours et à trente kilomètres. Avant, les annuaires, je les fabriquais."
Christine Samuel vit à Manosque (Alpes-de-Haute-Provence). Elle a connu six années de chômage et a vécu avec l'ASS. Elle a accepté un contrat d'insertion pour être "assistante de direction" et travaille chez EDF, dans une usine hydroélectrique sur la Durance, où elle met en place un service d'archivage. Aujourd'hui, Christine regrette et assure qu'elle n'acceptera plus un tel contrat. "A 54 ans, je vais au travail en stop, je tire des chariots d'archives toute la journée, mon allocation logement a été réduite de 25% et, surtout, avec mon petit salaire, j'ai perdu la couverture maladie universelle (CMU) parce que je dépasse le plafond", explique-t-elle. Christine, en dépression depuis six ans, dépensait près de 200 € par mois en médicaments. Christine dit ne plus pouvoir se soigner.
Nour-Eddine Ouali est au RMI - 394 € par mois plus une allocation logement de 250 € - depuis deux ans. Avec sa formation de comptable, ce Montpelliérain de 49 ans a surtout connu des emplois de magasinier et n'a pas reçu d'offre depuis un an. Bien qu'il ait occupé un poste de gérant dans la restauration rapide, aucune proposition ne lui a été faite dans ce secteur en tension.
"Je suis dans la catégorie «senior», ce n'est pas la peine. L'entretien mensuel à l'ANPE dure 10 minutes, ils ne me proposent plus rien", constate Nour-Eddine. Ils lui ont "imposé", dit-il, un coaching par un organisme privé pour rédiger son CV, se présenter à un entretien d'embauche. C'est "un peu tard", constate-t-il, amer. Il vient d'avoir une proposition d'une agence d'intérim : agent magasinier à Uzès, à 90 km. "Mais sans voiture, pour trois mois, ce n'est pas la peine", estime-t-il.
(Source : Le Monde)
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