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On se souvient du député UMP de la Creuse Jean Auclair qui, le 2 février 2005, avait déclaré à l'Assemblée nationale : «Mais ils ne veulent pas travailler, les chômeurs. Etre payés à ne rien faire, c’est cela qui les intéresse !» Suite aux vives réactions suscitées par ses propos nauséabonds, il fut obligé de présenter ses excuses quelques jours plus tard...
Trois ans après, alors qu'un nouveau président de la République s'est fait élire sous le signe de la haine du chômeur et du RMIste, il est même étonnant que peu de saillies analogues n'aient été relevées depuis un an.
Le vice et la vertu
Quand on se penche sur le palmarès de Serge Dassault, on songe à l'allemand Peter Hartz, ancien DRH de Volkswagen et initiateur de la sinistre réforme de la gestion du chômage qui porte désormais son nom. Inculpé en novembre 2006 de 44 chefs d'accusation dont l'abus de confiance, tandis qu'il serrait drastiquement (et dramatiquement) la ceinture aux privés d'emploi de son pays ainsi qu'aux salariés de son groupe, Monsieur Hartz s'en payait une bonne tranche avec ses amis... Comme quoi les plus grands chantres de la vertu portent souvent en eux la graine des tortionnaires corrompus.
On pense aussi à Jean-Paul Bolufer, l'ancien directeur de cabinet de la ministre du Logement Christine Boutin, qui bénéficiait de certains avantages locatifs tout en envoyant les CRS contre des mal logés (les familles de la rue de la Banque ou les Don Quichotte) et élaborant un texte vertueux sur la bonne attribution des logements sociaux en Ile-de-France.
Baron provocateur
Ce n'est pas la première fois que Serge Dassault se distingue par ses «idées saines» et ses propos diffamatoires. Il a déjà insulté les Français qu'il accuse régulièrement d'être paresseux. Dans ce contexte que nous jugeons malsain, il est utile de rappeler certaines petites choses :
• Avant de se retrouver sans travail, le chômeur était un salarié qui, comme les autres, a dûment cotisé à l'assurance chômage. De la même façon qu'un malade peut aller chez le docteur et se faire rembourser tout ou partie de ses soins par la Sécu ou qu'un retraité touche une pension grâce à l'assurance vieillesse, le chômeur répondant aux critères exigés par l'Unedic peut percevoir une allocation quand il perd involontairement son emploi. De la même façon qu'on ne se permet pas de dire que les malades ou les retraités vivent aux crochets de la société, on n'a pas le droit de dire que le chômeur en cours de droits vit aux crochets de l'Etat.
• Une récente étude de la DARES et de la DREES a montré que les chômeurs sont, à une écrasante majorité, prêts à de lourdes concessions pour retrouver le chemin du travail. Les «faux chômeurs», c'est-à-dire ceux qui s'inscrivent à l'ANPE sans vouloir en retrouver, ne représenteraient pas plus de 2% des demandeurs d'emploi.
• Monsieur Dassault n'ignore certainement pas qu’en quelques décennies, avec la massification du chômage, l'accès aux allocations n'a cessé de se restreindre : aujourd'hui, on sait que plus d'un chômeur sur deux n'est pas indemnisé par l'Assedic et que le montant moyen des allocations est de 800 € par mois. Parallèlement, tandis qu'on réduisait d'autant les allocations en montant et en durée, se sont développés des dispositifs de contrôle et de sanctions. Si la coercition a eu une incidence certaine sur la baisse des chiffres du chômage amorcée depuis fin 2005, il est parfaitement malhonnête de dire que la restriction régulière des droits des chômeurs a eu un impact réel sur le recul du chômage en France depuis un quart de siècle.
• Mieux le chômeur est indemnisé, mieux il peut chercher un emploi. Au delà de la situation de chacun (âge, diplôme, métier, parcours…), il serait intéressant de produire des données chiffrées comparatives sur les revenus de ceux qui ont retrouvé rapidement du travail et ceux qui n'en retrouvent pas. Car quand il faut choisir entre «chercher du boulot et remplir le frigo», surtout actuellement où les prix du logement, de l'énergie et de l'alimentation flambent, grand est le dilemme.
• Pour ceux qui croient que, s'il y a des chômeurs, c'est à cause des allocations et qui trouvent que, justement, moins les allocations sont longues et plus vite les chômeurs se remettent au boulot, il faut leur rappeler que 80% des emplois actuellement disponibles sont dans le champ de la précarité (CDD, intérim, services à la personne…). Le problème majeur qui devrait inquiéter tout le monde, c'est la dégradation planifiée de l'emploi en France et sa rareté organisée.
En critiquant les «assistés», actuels bénéficiaires de la prime pour l'emploi ou futurs bénéficiaires du RSA, Monsieur Dassault assoit l'escroquerie intellectuelle consistant à faire croire que s'il y a des chômeurs et des pauvres, c'est à cause des aides, trop généreuses selon lui. Mais si ces aides semblent pour certains plus intéressantes que le travail, c'est parce qu’aujourd'hui le travail ne paie plus (Monsieur Dassault ne sait pas ce que c'est que de vivre avec un Smic, encore moins avec un RMI et à ses yeux, la «valeur travail» se limite à son coût). S'il y a toujours des chômeurs et des pauvres, c'est parce qu'il n'y a pas assez d'emplois dignes de ce nom pour tous.
• En parlant des «assistés», personne n'ignore que le plus gros client du groupe Dassault est… l'Etat français. L'entreprise Dassault doit une grande partie de sa prospérité à l'argent public. Les vrais bénéficiaires de l’«assistanat» ne sont pas ceux que Monsieur Dassault désigne, nous ne le savons que trop bien ici.
En outre, Monsieur Dassault est maire et sénateur : en sus de ses revenus annexes, il oublie qu'il est aussi de ce fait grassement rémunéré par les contribuables. En fonction des destinataires de ses largesses, les caisses de l'Etat ne sont pas vides pour tout le monde...
• Monsieur Dassault perd la mémoire (à 83 ans, ce n'est pas «anormal») : se souvient-il du nombre de valeureux travailleurs qu'il a licenciés au nom de la compétitivité, bien aise que l'assurance chômage existe pour le dédouaner des économies qu'il a réalisées sur sa masse salariale ?
DÉMISSION !
Ce qui intéresse Monsieur Dassault et ses confrères de l'UMP, c'est de favoriser la dérèglementation du travail et d'obliger les chômeurs démunis à accepter des emplois déclassés, précaires et sous-payés. Il sait de longue date que le chômage est une aubaine car il fait baisser l'ensemble des salaires et affaiblit la contestation sociale : alors, pourquoi en rajouter ? Pour les victimes de ce libéralisme économique sauvage dont il est le laudateur, à l'humiliation de perdre son emploi s'ajoute l'humiliation d'entendre les insinuations offensantes d'un patron-parlementaire qui n'est ni représentatif de l'ensemble des Français, ni obligé d'exercer une activité vu son statut et son âge fort avancé.
Pour des raisons évidentes, Monsieur Dassault ferait bien de démissionner et prendre sa retraite. Pour des raisons évidentes, il devient urgent de réformer le Sénat.
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