C'en est presque risible. D'abord, le lieu de ladite convention a été finement choisi puisqu'elle s'est déroulée à La Mutualité, plutôt prisée par la gauche pour ses traditionnels meetings. Ensuite, son slogan — «Innovons pour la justice sociale !» — exulte de cynisme quand on regarde, impuissants, avancer ce véritable rouleau compresseur qu'est la politique de destruction sociale menée depuis un an par ses instigateurs.
Pour relater l'événement, Le Figaro titre «L'UMP veut concilier justice sociale et libéralisme», remarquable oxymore qui ne dupe plus grand monde. "Paquet" fiscal, franchises médicales, suppressions de postes massives dans la fonction publique, allongement de la durée de cotisation pour la retraite, "toilettage" du Code du travail, "modernisation" du marché du travail, individualisation de son temps et abolition de sa durée légale, fermeture de 63 conseils de Prud’hommes, offre "raisonnable" d'emploi et renforcement du contrôle des chômeurs… la liste est longue car non exhaustive !
«Le grand débat sur le nouveau modèle social français, fondé sur la valeur travail, va se dérouler aujourd'hui, ici à l'UMP», a lancé Marc-Philippe Daubresse, délégué général de l'UMP et organisateur de la journée. La revoilà, cette fameuse "valeur travail", antienne de Nicolas Sarkozy qui a servi de cache-sexe à son coût (si élevé), à sa flexibilisation (programmée) et à sa précarisation (organisée). Mais il était question de rendre hommage aux «salariés modestes, qui gagnent difficilement mais dignement leur vie»...
Après avoir tiré à boulets rouges sur le Parti socialiste en guise d'échauffement, place fut faite au Haut commissaire aux solidarités actives. Devant un parterre de cravateux peu habitués à prêter attention aux thèmes de la pauvreté ou de l'exclusion, le falot Martin Hirsch endossa une fois de plus son rôle de caution sociale : Charity Man plaida la cause de son «RSA qui fait si peur», usant d'un humour potache (niches à chihuahuas, niches à Saint-Bernard…) pour capter l'intérêt d'un auditoire en pleine digestion qui a — Dieu merci ! — échappé au knackis de Pierre Gosnat, servis le jour même à l'Assemblée nationale par des communistes.
Grand sujet du colloque, le RSA et les 2,5 milliards d'€ nécessaires à sa mise en œuvre ont occupé une bonne partie du "débat". Jamais on n'avait autant chipoté sur une si petite somme. Faut-il vraiment plafonner l'ensemble des 486 niches fiscales qui ont permis, l'année dernière, à 150 millionnaires et quelques milliers de contribuables «très riches» d'échapper à l'impôt ? D'ailleurs, les ministres Christine Lagarde et Éric Woerth sont contre... Comment va-t-on «dégager» tout cet argent ? Avec les dents ? On pouvait entendre les oursins se battre dans les poches de ces messieurs.
Ensuite, le perfide Xavier Bertrand a fait mine de s'en prendre aux "stock options", "golden parachute" et autres «salaires extravagants», appelant les entrepreneurs qui en bénéficient à «retrouver le chemin de la décence» tandis que le secrétaire général de l'UMP, Patrick Devedjian, proposait un «plancher fiscal» pour les «très hauts revenus». Puis Marc-Philippe Daubresse a même osé parler de «bouclier social» (pour les pauvres), en opposition au «bouclier fiscal» (pour les riches) dans ces termes : il est indispensable de «donner à l'électorat ouvrier et aux cadres moyens un signal qui compense celui envoyé lors de l'adoption du bouclier fiscal. Cet électorat est aujourd'hui le seul à bouger, de l'extrême droite à l'extrême gauche. Et c'est lui qui nous a fait défaut aux municipales»... On voit tout de suite qu'il est surtout question d'appâter le gogo plutôt que de mieux répartir les richesses dans ce pays.
Mais «pour distribuer de la richesse, il faut d'abord en produire», a souligné le sénateur de l'Essonne qui n'est autre que… Serge Dassault. Imparable !!! Comme si, en France, des richesses, il n'y en avait pas (ah mais oui, c'est vrai : les caisses sont vides !!! Enfin, pas pour tout le monde…).
On se demande si les représentants de FO (Bernard Devy), de la CFDT (Laurence Laigo et Jean Kaspar) et de la CFTC (Joseph Thouvenel), qui étaient conviés à ce grand barnum, y ont trouvé leur compte. La CGT, ayant compris qu'elle y ferait tapisserie, s'est abstenue, économisant ainsi quelques sacs à vomir.
Une fois sorti de là, le Premier ministre François Fillon, invité sur le plateau de France 2, a déclaré avec sa morgue habituelle que «l’affaire du coup de pouce» au Smic réclamé par des syndicats en raison de l'inflation était, résolument, «une très mauvaise idée». Une revalorisation de 0,9%, ça ira bien comme ça. Pour les patrons du CAC 40 (+ 58% en 2007) ou l'argent de poche du président (+ 19% en attendant 2008), vous repasserez. Ainsi va la droite.
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