Selon lui, pour mettre en application le principe d'une sanction en cas de refus de deux offres dites «raisonnables», encore faudra-t-il que le nouveau service public de l'emploi, issu de la fusion entre l'ANPE et les Assedic, propose vraiment deux offres à chaque chômeur. Ce qu'il aura bien du mal à faire car cet objectif va se heurter à deux limites.
Quantité insuffisante. «D'abord, dit-il, il faut savoir que si, auparavant, les entreprises avaient l'obligation de déclarer leurs offres d'emploi à l'ANPE, dans la réalité elles ne l'ont jamais fait. De plus, depuis quelques années, l'ANPE a perdu le monopole de cette collecte, puisque les agences d'intérim en particulier peuvent proposer désormais des annonces en CDI.
Bref, l'ANPE n'a jamais eu accès à la majorité des offres, la plupart des embauches se faisant pas d'autres biais, en particulier le bouche-à-oreille, les candidatures spontanées et surtout internet.
En gros, l'ANPE collecte actuellement entre 250.000 et 300.000 nouvelles offres d'emploi chaque mois, ce qui ne recouvre pas l'ensemble des propositions. En particulier, beaucoup d'annonces concernant les cadres lui échappent», constate-t-il.
Mauvaise qualité. «La deuxième limite de l'objectif concerne la qualité des offres, poursuit Frédéric Reynès. En général, les employeurs ne déposent une offre à l'ANPE qu'en dernier recours, quand les autres voies de recrutement n'ont pas fonctionné. Ce qui explique que 20% des nouvelles propositions offertes chaque mois par l'ANPE concernent l'hôtellerie et le bâtiment, des secteurs en pénurie de main-d'œuvre.
De plus, l'ANPE récolte également beaucoup d'offres à temps partiel, mal rémunérées ou avec des conditions de travail difficiles, considérées par les demandeurs d'emploi comme de mauvaise qualité. Il risque donc d'y avoir un problème d'inadéquation entre ces offres et les projets professionnels, voire les qualifications des demandeurs d'emploi», conclut-il.
Seule solution : la coercition. Hélas sur ce dernier point, pour pallier au constat qui veut que l'ANPE soit finalement le "bas de gamme" des pourvoyeurs d'offres, le projet de loi relatif aux «droits et devoirs des demandeurs d'emploi» adopté hier en Conseil des ministres est volontairement resté flou sur la nature de l’«offre raisonnable», aucune distinction n'ayant été faite entre le CDI et les autres formes de contrat. Ainsi, un CDD ou une mission d'intérim seraient jugés tout aussi valables bien qu'en France, le CDI à temps plein soit encore — mais plus pour longtemps — la norme. De même, par la fixation de seuils dégressifs, les prétentions salariales des chômeurs sont désormais bridées.
Là est bien le danger : pour atteindre des objectifs certes irréalistes, le service public de l'emploi devra mettre les bouchées doubles. Et comme il ne pourra pas agir rapidement sur l'aspect quantitatif du problème en élargissant son champ de collecte, il devra s'appuyer sur son aspect qualitatif en agissant par la menace, tâche ingrate qui lui sera facilitée par ce nouvel outil que vient de concocter le gouvernement...
Ainsi, la future «France Emploi» pourra tout aussi bien s'appeler «la Française des Jobs» !
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