Hier, je regardais une très pédagogique Arte-Thema sur la crise financière : deux documentaires de bonne facture illustrant la nouvelle tourmente qui agite notre monde occidentalisé. Puis, pour clore cette soirée, fut donnée la parole à Olivier Ferrand qui, en dix minutes, résuma avec limpidité les ressorts de la crise des subprimes et, magistralement, dénonça un système économique et financier sans morale ni avenir, axé sur la quantité pour certains au détriment de la qualité pour tous.
a) L'immoralité se refile comme une patate chaude
A la base, des financiers irresponsables et véreux qui créent des produits dangereux — les fameux prêts hypothécaires à taux variables — et demandent à leurs commerciaux de les fourguer massivement à des clients-pigeons. Ces vendeurs savent que leur marchandise est pourrie mais s'ils ne l'écoulent pas, ils perdent leur emploi. Très rares sont ceux qui vont préférer renoncer à ce job plutôt que de vendre des saloperies, surtout à des pauvres. Tous les autres se disent «c'est pas grave, j'obéis à mon patron et j'empoche les coms, après moi le déluge» (première patate chaude).
Puis ces banquiers refourguent leurs crédits «titrisés» à droite et à gauche en se disant «c'est pas grave, dans le tas on n'y verra goutte» (deuxième patate chaude), avec la complicité des agences de notation qui ferment les yeux sur leur contenu (troisième patate chaude) et induisent tout l'édifice en erreur. On connaît la suite : plus d'un demi-million de homeless expulsés de leurs logements aux USA et l'immobilier qui s'effondre, des villes fantômes où s'installent pillage et délinquance, puis un effet boule de neige à tous les niveaux de la finance internationale, y compris jusqu'au tréfonds de notre «économie réelle».
b) Les pompiers sauvent les incendiaires, mais pas les victimes
Rassurez-vous, ce n'est pas comme en 29 dont on a, paraît-il, tiré les leçons ! Pour sécuriser le système, on a maintenant des banques centrales et nationales qui peuvent renflouer les dettes à grands coups de milliards (la FED à Bear Stearns, la Banque d'Angleterre à Northern Rock, etc…). On remarque en passant que le capitalisme crache en permanence sur l'Etat et sa soi-disant ingérence, mais quand il s'est foutu dans la merde, il est bien content que l'Etat vienne l'en sortir.
Trois fois hélas ! L'intérêt général, aux yeux de ces «pompiers» de la finance, c'est que la machine puisse continuer à tourner, pas que le petit peuple s'en sorte : c'est là qu'on mesure le fossé de plus en plus immense entre l'«économie réelle» et l'économie spéculative. Car au lieu de filer le pognon à tous ces propriétaires devenus SDF pour qu'ils rachètent leur bien (ce qui aurait aussi sauvé le système financier + évité une grave crise immobilière + évité que des centaines de milliers de gens ne se retrouvent à la rue et deviennent des «assistés»), on cède des milliards à une poignée d'enfoirés qui, même s'ils ont été plus ou moins «vertueux» dans cette affaire, vont pouvoir, une fois la crise passée et jusqu'à la prochaine, continuer à jouer les apprentis sorciers — c'est-à-dire «innover» afin de dégager un maximum de profits en un minimum de temps — en toute impunité !
Ainsi, les policiers américains (qui n'ont pas le choix : avec ou sans Taser, ils font aussi leur job…) distribuent des avis d'expulsion à la pelle. Et après, on va s'étonner que les peuples ne croient plus aux bienfaits de la mondialisation, de l'économie de marché, et fassent même preuve de défiance envers leurs élites et leurs instances dirigeantes ?
Pour en revenir à ce qu'il se passe actuellement contre les chômeurs, je vous laisse faire des parallèles : il suffit d'intervertir les protagonistes. Et, au final, ce sont toujours les mêmes qui souffrent, toujours les mêmes qui arnaquent ou tyrannisent, toujours les mêmes qu'on épargne. Toujours les mêmes responsables, les mêmes complices et les mêmes victimes.
And I say to myself : What a wonderful world...
SH
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