Après les chômeurs fraudeurs, les malades qui abusent : Nicolas Sarkozy ressort les bons vieux spectres qui ont contribué à le faire élire. Alors que sa politique, comme celles qui l'ont précédée, contribue au démantèlement de la protection sociale et de notre système de santé — cette immense manne financière de 200 milliards d’€ par an qu'il aimerait voir un jour tomber aux mains du marché —, il continue à faire semblant de vouloir y remédier tout en stigmatisant ses acteurs.
Des «pénalités plancher» contre les fraudeurs. «J’invite l'assurance maladie à intensifier la lutte contre les gaspillages, les abus et les fraudes», a-t-il déclaré. Selon lui, l'assurance maladie «doit s’appuyer sur de nouveaux instruments pour s'attaquer aux fraudes. Un mécanisme de pénalités plancher sera institué à compter de l'an prochain, sur le modèle de celui en vigueur pour lutter contre le travail illégal».
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Une «politique d'intéressement» du personnel médical et paramédical. Après le bâton, la carotte : «Pourquoi ne pas permettre aux hôpitaux qui sont à l'équilibre, grâce aux efforts de tous leurs personnels, de redistribuer une partie des excédents à leurs salariés au travers d'une politique d'intéressement ?» Saisissant l'occasion pour dénoncer les 35 heures «qui ont profondément désorganisé l'hôpital», le chantre des heures sup’ exonérées de cotisations sociales oublie qu'il doit toujours quelque 25 millions d'heures supplémentaires à son personnel hospitalier...
Sarkozy dénonce «ceux qui sont contre les franchises» médicales, «contre le financement du plan Alzheimer, contre l’ouverture de nouveaux lits de soins palliatifs, contre l’argent qu'on va donner au plan cancer»... Ainsi, il stigmatise tous ces ingrats qui osent dénoncer sa politique de santé, aussi injuste que néfaste. Et de justifier : «Aujourd'hui, l’assurance maladie assure le financement de trois quarts des dépenses de santé. Dans quinze ou vingt ans, la part de la santé dans la richesse nationale pourrait se rapprocher de 15%. A l'exemple d'autres pays, nos dépenses de santé - 200 milliards d'euros aujourd’hui - vont s’accroître de plusieurs milliards d’euros d’ici 2025. Ces dépenses supplémentaires seront-elles employées à bon escient ? Elles sont inéluctables. Serons-nous capables de maintenir la solidarité nationale au niveau qui est le sien aujourd’hui ? C’est aujourd’hui qu’il faut poser la question parce que demain, il sera trop tard», a-t-il argué.
Grâce à la culpabilisation des populations sur le coût de la santé et les faux déficits de la Sécurité sociale, cette dégradation est pourtant parfaitement orchestrée.
Le pseudo «trou de la Sécu» n’existe que parce l’Etat organise le tarissement des cotisations sociales en favorisant :
• une politique qui maintient le chômage de masse et les bas salaires,
• le déséquilibre de la répartition des richesses qui, en 25 ans, a vu la part des revenus du travail et des cotisations sociales baisser de 9,3 points de PIB tandis que les profits, eux, se sont envolés !
• des exonérations de cotisations patronales successives (227 milliards de 1991 à 2007, 32 milliards en 2008), non intégralement compensées et vainement dénoncées chaque année par la Cour des comptes,
• l'accumulation des dettes (Etat, employeurs, compagnies d'assurance…) à son encontre.
De plus, les grands décideurs du sort de l'assurance maladie sont des hommes qui ont des liens solides avec les compagnies privées, de Xavier Bertrand (ex AXA) qui a confié à la Sécu le soin d'assumer généreusement le coût des primes d'assurance des praticiens libéraux depuis 2006 (20 millions d’€ par an) à Frédéric Van Roekeghem, ex AXA et actuel directeur de la CNAM, qui s'est notamment illustré en proposant de remettre en cause la prise en charge des ALD, puis de sanctionner certains bénéficiaires de la CMU.
Pourtant, à Bletterans, Nicolas Sarkozy a poussé le bouchon en jouant les candides : «Si on veut dépenser plus, il faut trouver des recettes. Je suis vraiment à l'écoute de ceux qui veulent me donner des idées». Mais les solutions, IL LES CONNAÎT et — comble du cynisme — n'est surtout pas prêt à écouter ceux qui tentent de les lui rappeler. Son discours, bien rodé, est 100% emblématique des orientations programmées.
Qui veut tuer la Sécurité sociale solidaire ? LA RÉPONSE EST ICI
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Commentaires
Si on met en rapport le fait que la France a une des meilleure productivité du monde, on a sans doute trouvé une des raisons de ce triste record.
La dégradation des conditions de travail et l'intensification de celui-ci ont une influence sur les comptes de la Sécu. L'intensification du travail ne rapporte pas un sou de plus aux salariés pour la plupart. Et quand cela leur rapporte quelque chose (participation) je ne suis pas sûr que cela soit à la hauteur de l'effort supplémentaire fourni.
Est-ce que par conséquent les employeurs (les vrais bénéficiaire de l'intensification du travail avec les actionnaires) ne devraient-ils pas verser davantage d'argent à la Sécu ? Les actionnaires ne devraient ils pas être mis à contribution pour la même raison aussi ? Répondre | Répondre avec citation |
La semaine dernière, la venue du pape à Lourdes lui avait fourni l'un de ses épouvantails favoris : il a pu focaliser l'attention médiatique sur son fumeux concept de "laïcité positive". A l'instar d'un George W. Bush en 2004 ou d'une Sarah Palin cette année lors des élections présidentielles américaines, Nicolas Sarkozy aime agiter l'opinion sur des thèmes religieux, moraux ou sociétaux pour mieux cacher les vrais sujets que sont la pauvreté, le pouvoir d'achat ou le déficit de l'Etat. Le pape étant parti, il fallu au Président trouver autre chose…
Quelque soit le sujet, Nicolas Sarkozy a eu aussi besoin de boucs-émissaires. Depuis 72 semaines, il a attaqué les chômeurs, les RMIstes, les seniors, les instituteurs, les militaires, les sans-papiers, les retraités, les jeunes ou les banlieues. Vendredi, il a présenté son plan de réforme de santé. Il a choisi son angle favori : la traque aux fraudeurs à l'assurance-maladie. Comme si l'équilibre des comptes de la Sécurité Sociale passait par là. Il y a 6 mois déjà, pour réduire les droits et indemnités des chômeurs, il avait stigmatisé les fraudeurs. Pour la Sécu, même méthode inique : il réclame des "pénalités plancher" contre les fraudeurs à l'assurance maladie.
Son paquet fiscal de l'été 2007 a creusé le déficit de la Sécu, mais chut ! C'est un secret. Les défiscalisation s des heures supplémentaires coûtent 150 millions d'euros par mois aux comptes sociaux. Chut !!!
Surpris par des sondages très rapidement exécrables, le président français a compris la leçon. Il s'est enfermé dans sa tour d'ivoire : celle des copains et des grands discours. Petite différence avec son prédécesseur Jacques Chirac qui alliait hauteur et immobilisme, Sarkozy mêle agitation et incompétence.
(Source : Marianne) Répondre | Répondre avec citation |
Les scénaristes américains sont doués pour le suspens. Mais leur talent ne doit pas tout à l'imagination. Prenez ces moments d'intense émotion où le héros arrive mourant à l'hôpital. On ne sait pas s'il va survivre. Et là, au lieu de l'amener au bloc en toute hâte, l'infirmier lui réclame sa carte bancaire pour s'assurer de sa solvabilité…
A côté, les séries françaises ronronnent. Tout le monde se doute que notre héros, qu'il soit riche ou pauvre, sera admis et soigné dans un hôpital public. Mais réjouissons-nous : dans quelques années, les séries françaises seront aussi palpitantes qu'aux Etats-Unis. Avec un peu de chance, on fera même grimper la courbe des infarctus. Notamment parce que les malades au bord de l'arrêt cardiaque auront mis un certain temps à trouver un hôpital qui veuille bien les admettre.
Au nom de la "culture du résultat" et d'une conception managériale de l'hôpital public, le président de la République souhaite en effet "responsabiliser " les établissements de santé. Comment ? En rendant public un tableau qui les classera selon des "indicateurs simples" comme le "taux d'infection" et le "taux de mortalité". "Je veux des résultats concrets", a-t-il prévenu.
Les hôpitaux qui obtiendront un bon score seront récompensés, les autres sanctionnés. Pour obtenir de bons points (entendez : des budgets), les hôpitaux publics devront donc veiller à ne pas admettre trop de malades susceptibles de trépasser, comme les victimes d'un carambolage sur l'autoroute, sous peine de faire chuter leur classement au tableau d'honneur.
Loin des discours censés mettre un peu de raison dans la foi en l'utralibéralisme , celui tenu sur la "réforme des soins" montre que le président tient à appliquer une grille de lecture commerciale au monde médical. L'hôpital y est envisagé comme une entreprise, et la santé publique comme une marchandise.
Notamment lorsqu'il explique : "Je ne vois pas pourquoi une politique d'intéressement, à laquelle je crois tant dans le secteur privé, ne s'appliquerait pas dans le secteur hospitalier". Il menace de sanctionner les hôpitaux en déficit, mais propose d'intéresser le personnel hospitalier en cas d’"excédents" : "Pourquoi ne pas permettre aux hôpitaux qui sont à l'équilibre, grâce aux efforts de tous leurs personnels, de redistribuer une partie des excédents ?"
Mais de quels excédents parle-t-on ? A quoi ressemblera l'hôpital public si son personnel est censé réfléchir en termes de profits, voire refuse les mourants pour rester compétitif ?
Pour faire des profits, faut-il souhaiter plus de malades, augmenter les tarifs, faire de l'abattage ? Dans l'hypothèse absurde où le personnel médical travaillerait 24 heures sur 24 sans tuer trop de malades, que signifie de vouloir redistribuer les profits ainsi engrangés au personnel ?
Y a-t-il trop d'argent dans les caisses de l'Etat que l'on puisse s'en passer ? D'ailleurs, au fond, que signifie cet "intéressement" ? Suffirait-il que les équipes hospitalières travaillent plus ou soient plus motivées pour que les hôpitaux publics soient excédentaires ?
Comme souvent avec les déclarations du président, tout est dans ce que les Américains appellent le subtext (le sous-texte) : le sens caché d'une phrase. Tout comme les franchises médicales, l'intéressement est une façon non avouée de désigner les personnels hospitaliers et les malades comme étant corresponsables des déficits de santé, pour mieux faire oublier qu'ils sont surtout imputables au désengagement de l'Etat et à ses priorités budgétaires.
Pourtant, le président l'admet lui-même, les difficultés que rencontrent les hôpitaux publics français - parmi les meilleurs au monde - tiennent surtout à l'augmentation de la demande : le vieillissement de la population va de pair avec un surcroît de consultations, d'hospitalisation s, et donc un besoin grandissants en lits.
Or, que fait l'Etat ? Sous prétexte de faire des "économies d'échelle", il a passé l'essentiel de ces dernières années à supprimer des lits et à fermer des services. Loin d'être ralenti depuis la crise de la canicule et loin des mises en gardes du Syndicat des urgentistes de Patrick Pelloux, ce phénomène s'est accéléré depuis que les hôpitaux sont passés d'un système de dotation globale - qui permettait une certaine souplesse dans la répartition des financements entre les différentes activités - à un système de tarification par activité.
Jadis, un chef d'établissement hospitalier était responsable de son établissement et s'organisait de façon à proposer toute une palette de soins coordonnés. Aujourd'hui, il reçoit ses ordres de la part de technocrates travaillant pour des pôles de santé régionaux, dont l'obsession est de faire des économies d'échelle et non d'offrir un service public de proximité. Le plan Hôpital 2007 a foncé dans cette voie.
Officiellement, il était question d'accompagner cette réorganisation sur un mode entrepreneurial par un plan de relance ambitieux en termes d'équipement et d'infrastructures . Mais, d'après les syndicats, la construction de nouveaux équipements et bâtiments s'est faite aux deux tiers grâce à des autofinancement s, c'est-à-dire en prenant sur les budgets des hôpitaux, qui ont dû sacrifier des activités moins rentables ou supprimer du personnel pour s'ajuster.
Les critères d'évaluation du président ne disent rien de ces "équilibres"-là. Il existe des transparences absurdes qui ressemblent à des écrans de fumée. Répondre | Répondre avec citation |