Qu’il s’agisse du Forum économique mondial qui vient de réunir 700 experts à Dubaï pour un sommet sereinement intitulé «Post-Crise» ou bien du sommet spécial du G8 étendu au G20 qui a lieu à Washington, tout se passe comme s’il fallait ne prêter le pouvoir de décision qu’aux riches. Jusqu’au dernier moment — et cela est formulé sans scrupule —, le critère de qualification pour s’asseoir à cette table, c’est d’être une puissance économique mondiale ou bien d’être un nouveau riche (Inde, Brésil, Chine…).
Plus tard, un jour, dans une enceinte qui reste à déterminer — les Nations dites «unies», probablement —, les pays pauvres ou les pauvres tout court n’auront plus qu’à avaliser ce qui aura été décidé dans l’urgence par les pays riches, ou à ramasser les restes. Ainsi, début décembre à Doha, une conférence de l’ONU sur le financement du Développement risque fort de faire les frais de dépenses engagées maintenant ailleurs...
On sait depuis longtemps que les cinq puissances qui décident de la guerre et de la paix au Conseil de sécurité de l’ONU sont les cinq plus grands vendeurs d’armes de la planète (Chine, Etats-Unis, Fédération de Russie, France et Royaume-Uni). De la même manière paradoxale, on continuerait donc de voir les pays prédateurs des richesses planétaires décider entre eux de solutions à une crise financière dont les conséquences économiques et sociales sont pourtant ressenties par tous dans le monde.
Qui plus est, les pays riches décideraient seuls également d’une réforme de ces institutions de Bretton Woods (Banque mondiale et Fonds monétaire international) qu’ils ont dominé sans vergogne jusqu’à présent, pour le plus grand malheur de pays pauvres et endettés. Avec pour but principal de «refonder le capitalisme mondial», l’Union européenne, encore présidée quelques semaines par la France, rate un coche. C’est une chose de forcer la main de George W. Bush sur la dénonciation de certains errements du capitalisme financier. C’en est une autre de prendre le devant des crises dans leur ensemble et de remettre en question le modèle économique néolibéral.
Les absents ont peut-être raison
Car la vague d’espoir symbolique suscitée par l’élection de Barack Obama vient maintenant se conjuguer au sentiment d’iniquité provoqué par l’aide soudaine et massive aux banques alors que l’argent manquait pour d’autres urgences. Fort heureusement, tout n’est pas joué. L’ombre portée, en son absence remarquable, par le président américain nouvellement élu, peut rendre relativement mineures les conclusions de ce sommet spécial de Washington. Et donner le temps aux autres absents de faire valoir leurs réponses.
Parmi eux, donc, les gouvernements des pays pauvres. Mais aussi, à l’heure où états et gouvernements retrouvent une fonction politique véritable et un rôle de régulation, d’autres acteurs de la gouvernance globale ou locale qui devraient effectuer un retour en force ou une montée en puissance.
Cette crise financière vient en effet marquer la victoire — un peu triste certes et posthume selon certains — de ce qu’il est convenu d’appeler la société civile et même d’un altermondialisme que l’on avait vite enterré. Depuis des années, c’est de là que viennent les signaux d’alarme ou des propositions souvent disqualifiées d’emblée, comme si médias et gouvernements des pays riches continuaient de mettre en pratique le fameux «There is no alternative» («il n’y a pas d’alternative») de Margaret Thatcher.
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