Vous n'avez pas pu y échapper : pour son grand raout annuel, le Club des élites des pays les plus riches de la planète s'est réuni à Cannes, terre de festival et de paillettes, sous la houlette de not’ Président tout fiérot tandis qu'à Nice, fief de son ami Estrosi, le petit peuple manifestait sa désapprobation :
Composé du G7 (l'ensemble des dirigeants de la France, des États-Unis, du Royaume-Uni, de l'Allemagne, du Japon, du Canada et de l'Italie) et adjuvé par les 12 pays émergents (Afrique du Sud, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Mexique, Russie et Turquie), un vingtième siège a été réservé à l'Union européenne (représentée par l'ultralibéral José Manuel Barrosso et le très consensuel Herman Van Rompuy) tandis que le FMI (personnifié par not’ Madame la marquise Christine Lagarde), la Banque mondiale et l'OCDE ont complété le banquet. Dès mercredi soir, le menu s'est exclusivement composé de Tragédie grecque et de Crise de la zone euro… et il a peu varié jusqu'au vendredi.
G-vin, cru 2011
Un G20 pour - presque - rien ? Ce n'est pas moi qui le dit, mais La Tribune. Ce qui devait être l'un des principaux sujets du sommet — établir un «plan d'action pour la croissance et l'emploi» — a été traité… avec le contenu propre aux décisions de ce genre d'instance : pas de contraintes, mais des "engagements". Les mesures de régulation financière — lutte contre les paradis fiscaux, taxe sur les transactions financières et contrôle des produits dérivés, contrôle des bonus et autres "rémunérations folles" distribués par les banques, etc… — ont été reléguées au second plan. Quant à l'aide aux développement des pays pauvres, carrément, on oublie !
Cette fois-ci, le feuilleton grec et les déboires européens — accusés d'avoir pollué le G20 — furent d'excellentes excuses afin de justifier son inertie, qui est pourtant habituelle. Quoiqu'il arrive, le G-vain porte bien son nom : jamais rien de concret ni de contraignant ne s'y décide. Année après année, tout le monde en est convaincu et en plaisante, avec la politesse du désespoir.
Une institution illégitime et sciemment incompétente
Comme le pointe Naomi Klein, le G20 n'a été créé par aucun processus légal ou démocratique. Il ressemble à un corps gouvernemental alors qu'il n'en est pas un. Ainsi autoproclamé depuis 1999, il est totalement illégitime et n'a aucun pouvoir… sauf celui qu'on lui accorde. Pour entretenir l'illusion, les médias y sont convoqués en masse (à Cannes, 3.500 journalistes nationaux et internationaux accrédités), et ça marche. Ce club de dirigeants, dont le poids représente 85% de l'économie mondiale, se réunit en fanfare avec ses affidés pour nous convaincre qu'ils œuvrent à enchanter nos vies. Or, comment peut-on croire que ceux qui régentent aussi mal le monde — y semant chômage, précarité, pauvreté, famine et destructions — auraient envie de l'améliorer, voire de le changer ? En réalité, ces vampires se réunissent pour comparer leurs stratégies afin de faire supporter le prix de leurs politiques et des crises qu'ils génèrent par les pays les plus vulnérables.
Le G20, méga-show des super-puissants, est donc une monstrueuse imposture dont les coûteux sommets sont sponsorisés par des "partenaires officiels", comme pour les Jeux Olympiques ou les Coupes du monde : voir la liste ici. On y trouve notamment Véolia, Air France, Renault, la SNCF… la Caisse des Dépôts… et la Société générale, alors que les banques sont au cœur de la tourmente de la crise de la dette. La Tribune s'étonne, et rappelle «qu’à l'occasion du dernier sommet européen, ce sont les banques qui ont empêché pendant plusieurs heures que soit signé le plan d’aide à la Grèce».
80 millions d'euros gaspillés
La facture d'un tel spectacle jure avec la rigueur budgétaire que les Etats imposent à leurs citoyens. En effet, pour accueillir les quelque 3.000 participants issus de 33 délégations de pays et d'organisations internationales, il a fallu lâcher «environ 20 millions d’euros», dit-on officiellement. Sachant que les précédents sommets du G8 et du G20 à Toronto ont coûté 770 millions d'euros, on est en droit de penser que les estimations du ministère des Affaires étrangères sont très en dessous de la réalité.
Le Canard Enchaîné, qui se trompe rarement, n'y va pas avec le dos de la cuillère et estime la facture totale à «80 millions d’euros. Dont 25 millions pour la seule sécurité des 33 chefs d’Etat et de leurs suites. Et encore, sans compter les salaires, heures sup’, frais de déplacement et de bouche des 12.000 policiers, pandores et soldats. Soixante unités de CRS et de gendarmes mobiles – 120 hommes chacune – sont ainsi déployées sur la croisette. Un record. [...] Les organisateurs du G20 ont fait appel aux gentils donateurs, plus ou moins privés… Montant de la collecte : 2,6 millions d’euros. Air France, la SNCF ou la Caisse des Dépôts ont été priés de cracher au bassinet. La palme d’or du don revient sans conteste à la Société Générale. Parmi les sponsors privés, elle est la seule banque à avoir mis – “modestement”, précise l’Elysée – la main au portefeuille. Elle espère, en retour, une recapitalisation ? Cette manne privée sert notamment à offrir des cadeaux aux hôtes de la France. Les chefs d’Etat recevront, entre autres, des stylos Dupont. Les rares premières dames présentes – elles ne seront que huit – auront droit à un sac Hermès et à une verroterie de luxe»...
Maintenant, il ne reste plus qu'à attendre le montant de la facture écologique en tonnes de CO2.
Le G20, foyer de corruption
Pour terminer, je signale que Transparency International vient de publier son dernier classement annuel. En haut du podium des pays les plus corrompus : la Russie, la Chine, le Mexique (où se tiendra la prochaine mascarade), l'Indonésie et les Émirats Arabes Unis, tous membres du G20.
Considérée comme bon élève, mais à la limite du premier tiers des pays les plus vertueux, la France est 11e sur les 28 pays étudiés. Les Pays-Bas, qui ne font pas partie du G20, obtiennent la meilleure note.
Sur ce, je vous laisse méditer.
SH
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