Cela devient banal à dire : le recours au chômage partiel explose en Suisse, preuve que la récession s'installe. Au point que le Conseil fédéral a décidé, le 11 février, d'assouplir l'accès à ce dispositif et d'en prolonger la durée maximale de douze à dix-huit mois afin «d'éviter que les entreprises ne soient contraintes de licencier du personnel lors d'une phase conjoncturelle difficile», assure-t-il dans son communiqué. Et l'ensemble des institutions politiques de reprendre cet argument. De l'administration aux syndicats en passant par les partis, en particulier le Parti socialiste, le credo ambiant est : «Le chômage partiel plutôt que les licenciements.»
Vraiment ? La réalité est plus subtile, et une étude réalisée en 2004-2005 à la demande du Secrétariat d'Etat à l'économie conclut, à l'inverse, que le chômage partiel «n'a pas eu l'effet stabilisateur escompté» [sur l'emploi] et même que «le chômage partiel pousse au démantèlement de l'emploi en période de faiblesse conjoncturelle». Cette recherche est la troisième du genre, après celles publiées en 1989 et 1998. Les deux premières crises alors analysées étant différentes, les résultats ne sont pas comparables, avertissent les auteurs. Mais pour la récession de 2001-2003, analysée par les chercheurs a posteriori en 2004 et 2005, soit après la décrue de chômage partiel, le bilan est accablant.
Effet d'aubaine
L'hypothèse de départ était pourtant bienveillante. Les auteurs postulaient que «les indemnités pour réduction d'horaires ont une influence positive sur la conservation des effectifs». Au final, la meilleure conséquence attribuée au chômage partiel est «d'étaler le démantèlement de l'emploi» et de «diluer dans le temps les effets négatifs des licenciements», notent-ils. Alors que le dispositif est officiellement prévu pour inciter les entreprises à conserver leurs employés au moyen d'une aide financière partielle sur les salaires, les deux professeurs ont remarqué l'inverse : ce sont les entreprises qui ont préalablement décidé de maintenir leur personnel qui demandent les indemnités et bénéficient ainsi d'un «effet d'aubaine».
Réduction d'effectifs
Les auteurs sont arrivés à ces conclusions négatives par deux chemins différents. D'une part, une enquête sur les réactions effectives des entreprises durant et après la récession a révélé un «résultat aussi étonnant qu’incontestable», à savoir qu'entre 2001 et 2003 les indemnités de réduction d'horaire «n'ont pas permis de maintenir davantage le personnel à son poste, mais la grande majorité des entreprises qui ont recouru au chômage partiel ont même réduit leurs effectifs». La comparaison effectuée avec les deux premières études de 1989 et 1998 montre aussi «que les répercussions négatives des fléchissements conjoncturels sur l'emploi se sont aggravées avec le temps».
Une analyse économétrique confirme d'autre part la première conclusion et la renforce. «Le chômage partiel non seulement n'exerce aucun effet positif sur la propension des entreprises à conserver leur personnel d'une manière générale, il a même une influence négative à cet égard», écrivent les chercheurs. Ils enfoncent encore le clou : «Il semble même que d'utile instrument qu'il était, dans les phases de diminution temporaire de travail, pour assurer la soudure avec des temps meilleurs dont la perspective demeurait intacte, le chômage partiel soit progressivement devenu un élément parmi d'autres d'une stratégie d'entreprise visant à adapter l'effectif du personnel à un volume d'occupation en baisse sur le long terme.» Et de conclure laconiquement : «Le chômage partiel n'a pas atteint son objectif.»
Néfaste à moyen terme
Fin connaisseur de la réalité du chômage partiel, le chef du Service de l'emploi du canton de Vaud relativise le diagnostic de l'étude. «Si le chômage partiel n'existait pas aujourd'hui, nous aurions déjà essuyé des milliers de licenciements», affirme Roger Piccand, «il permet au contraire à une entreprise connaissant des difficultés conjoncturelles passagères de garder les compétences de ses collaborateurs». Le fonctionnaire plaide donc pour un jugement moins catégorique. A ses yeux, l'indemnisation pour réduction d'horaire est «un instrument parmi d'autres» pour la régulation de l'emploi.
Il délimite d'ailleurs sérieusement sa portée. «Si la crise est courte et que l'entreprise connaît un passage à vide momentané, la bouffée d'oxygène du chômage partiel est bienvenue. Mais dans une crise longue, il peut devenir néfaste, une entreprise ne peut tourner au ralenti trop longtemps car cela crée un sentiment d'insécurité.» C'est pourquoi la demande de réduction d'horaire est temporaire et doit être renouvelée tous les trois ou six mois. «Chaque renouvellement est l'occasion de tirer un bilan avec l'employeur», assure M. Piccand. «Selon la situation, le degré de chômage, l'évolution du carnet de commandes, on discute s'il faut poursuivre le chômage partiel ou passer à d'autres mesures.»
(Source : Le Courrier)
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