Conscients que cet état de fait pourrait leur coûter quelques points de popularité dans les sondages, Luc Chatel, le secrétaire d’Etat à la Consommation, et Eric Woerth, le ministre du Budget, ont adressé la semaine dernière une lettre commune à la Fédération Française des Télécoms demandant aux opérateurs une meilleure lisibilité sur la tarification des numéros spéciaux. Certes, il ne s'agit que d'une lettre non contraignante, mais c'est un premier pas.
Du 3949 au 0 892, des numéros Azur aux Indigo, il existe un grand nombre de numéros dits spéciaux, tous à des tarifs différents, variables du simple au quintuple selon que l’on appelle d’une ligne fixe classique France Télécom, d’une box (téléphone par Internet) ou d’un mobile (Orange, SFR ou Bouygues). Avec à la clef des mauvaises surprises pour les consommateurs qui se retrouvent avec des factures de téléphone ahurissantes.
Des surtaxes intégrées dans les forfaits ?
S’appuyant sur un rapport du Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGIET), le gouvernement demande aux opérateurs d’intégrer sans tarder les appels vers les numéros surtaxés dans les forfaits (de mobiles comme de fixes). Et d'inclure de façon systématique un message vocal en début de communication précisant le coût de l'appel.
De nombreux demandeurs d’emploi se font piéger en appelant le Pôle Emploi, cette nouvelle structure née de la fusion ANPE-Assedic. Depuis janvier, les chômeurs doivent en effet composer un numéro unique, le 3949, pour joindre un conseiller. Outre la «déshumanisation évidente de ces centres d’appel», les demandeurs d’emploi se plaignent du prix de la communication. Pour faire simple, si vous appelez d’un poste fixe France Télécom, l’appel coûte 11 centimes (un prix forfaitaire quelque soit la durée de la communication). Mais si vous appelez d'une box ou d’un portable, la facture devient très salée. En appelant d'un mobile Orange (le seul opérateur qui a accepté de nous répondre), il faut compter par exemple une surtaxe de 37 centimes la minute s'ajoutant au coût classique de la communication (le tout comptabilisé hors forfait).
«Cette situation n’est pas acceptable», écrivent Luc Chatel et Eric Woerth dans leur lettre adressée aux opérateurs. «Alors que les services publics et les entreprises font des efforts financiers importants pour diminuer le coût des appels en faveur des usagers et des consommateurs, ils sont actuellement détournés par certains opérateurs de communications électroniques fixes et mobiles.»
Les opérateurs mis sous pression
Pour le gouvernement, le coupable a donc trois noms : Orange, SFR et Bouygues. «Quand les gens vont choisir leurs forfaits de téléphone mobile, ils ne pensent pas à regarder les conditions de tarification pour les numéros spéciaux», fait-on remarquer au cabinet de Luc Chatel.
Pour l'heure, les opérateurs n'ont pas donné suite à la demande du gouvernement. La Fédération Française des Télécoms, qui regroupe l'ensemble des opérateurs (à l'exception de Free), assure qu’«un groupe de travail a été mis en place sur le sujet». Chez Bouygues, on se borne à dire que «des négociations sont en cours», tandis que Orange fait remarquer que l'appel vers un numéro spécial depuis un mobile présente un coût pour l'opérateur. «Si ce n’est pas le consommateur qui paie ce surcoût (dit "airtime" dans le jargon), qui va payer ?»
Le gouvernement mise sur la pression médiatique pour faire flancher les opérateurs. «Et s’ils ne jouent pas le jeu, on les obligera par la loi. Voilà tout», conclut-on au cabinet d'Eric Woerth. En attendant, le racket continue.
(Source : Libération)
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