Pleumartin (86). «Je n’ai plus rien à manger. Aidez-moi !». Il est 8 heures du matin ce jour de mars 2009. Sans aucune ressource depuis plusieurs mois Jean (prénom modifié), 59 ans, ne sait plus quoi faire. Il enfourche son vélo et décide de s’en remettre au maire de Pleumartin. L’élu raccompagne son administré chez lui. Au chômage depuis plusieurs années, Jean ne touche plus les Assedic. Dans les documents qu’il consulte, l’édile ne tarde pas à découvrir que le chômeur a négligé de retourner des documents de mise à jour de ses droits. Une bagatelle en regard du reste. Célibataire sans enfant, Jean est, en effet, criblé de dettes.
Deux ans plus tôt, un démarcheur appartenant à une société d’Angoulême a convaincu l’homme d’équiper sa très modeste maisonnette d’une alarme dernier cri. Coût de cet équipement pas vraiment nécessaire pour sécuriser une habitation d’à peine 40 m2 : 5.000 €. Apport personnel de l’ancien manutentionnaire : 45 €. La société de crédit Financo se charge de prêter le reste… «Sans se soucier des capacités de remboursement !», fulmine le maire. Quelques mois plus tard, le même démarcheur repasse. «Vous devriez abandonner le chauffage électrique et installer une pompe à chaleur». Jean se laisse séduire et signe pour une pompe à 9.114 €. L’apport personnel du chômeur est de 14 €. Le reste, comme dans le cas de l’alarme, est financé par la même société de crédit. Une société qui prend soin de faire souscrire à Jean une assurance spéciale DIM (Décès, Invalidité, Maladie). Montant pour le chômeur : 2.114 € de plus ! Avec les agios Jean doit aujourd’hui régler quelque 15.500 €.
«Abus de faiblesse et d’ignorance»
Le maire de Pleumartin s’étrangle en racontant par le menu l’histoire de son administré. Et ne cache pas sa colère lorsqu’il détaille le volet purement bancaire de la mésaventure. Alors que Jean affiche un découvert de près de 1.000 €, l’agence locale du Crédit Agricole a fait ouvrir à son client un Plan d’épargne logement (PEL). A raison d’un versement mensuel de 45 € directement ponctionné sur son compte courant, quitte à creuser un peu plus le découvert et à générer des agios supplémentaires. «Ce sont des méthodes de voyous !», s’offusque l’élu qui énumère quelques autres opérations financières.
En fin de semaine dernière, soutenu par le maire de sa commune, Jean s’est rendu à la gendarmerie pour déposer une plainte pour «abus de faiblesse et d’ignorance» visant la société d’Angoulême. En attendant une possible mise sous tutelle de son administré, le maire «souhaite tirer la sonnette d’alarme afin de montrer se qui se passe au fin fond des campagnes». Et d’espérer que cette affaire aura «une vertu préventive».
L’installateur prêt à démonter et à rembourser
Sollicité, le gérant de la société fait valoir que Jean a signé une déclaration sur l’honneur dans laquelle il indique que «le démarcheur est passé à une heure raisonnable…[qu’il] n’a senti aucune pression…[qu’il est] sain d’esprit…[qu’il] comprend parfaitement le français». Concernant le financement, il plaide la bonne foi : «J’ai transmis toutes les pièces, avis d’imposition, bon de commande à la société de crédit Financo et j’ai eu son accord». Le gérant, qui jure ne pas avoir réalisé «une vente de voyou», se dit prêt à étudier un démontage et un remboursement des installations. «Je ne suis pas à une vente près. Si la solution passe par-là parce qu’effectivement ce monsieur est dans une merde noire, on fera le nécessaire !».
De son coté, le Crédit Agricole a annoncé que les «frais consécutifs au Plan d’épargne logement vont être annulés». Le directeur de l’agence de Pleumartin a rajouté que d’autres frais seraient également effacés pour un montant dépassant les 200 €. Sur un total qui pourrait atteindre 800 €.
(Source : La Nouvelle République – Jean-Jacques Allevi)
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