Mercredi 8 juillet, nous avons été invités dans ses locaux de l'avenue de Ségur afin de "dissiper les zones d'ombres" sur son dispositif flambant neuf => Compte-rendu à (re)lire ici...
Notamment, il nous avait certifié que tout demandeur disposant d'un petit bas de laine ne risquait rien (les montants déclarés étant évalués selon les barèmes fixés par le décret sur le "train de vie" des RMIstes - patrimoine, voiture, bijoux, œuvres d'art, etc…) et que nous ne prenions pas le chemin de l'Allemagne avec un "Hartz 4 à la française" : pas question d'amputer le RSA d'une personne qui a un compte sur livret...
OR, C'EST TOTALEMENT FAUX. Pour preuve le cas d'une "ex-RMIste" qui nous signale avoir déclaré en toute honnêteté quelque 10.000 € d'économies, et qui vient de recevoir un courrier de la CAF lui précisant que son RSA "socle" sera désormais rabotté de 28 € : "forfait logement" déduit (53 €), elle touchera donc 371 € par mois au lieu de 399 !
Pourtant, ce précieux matelas lui permet de compléter son budget de misère. D'ailleurs, beaucoup de personnes aux minima sociaux sont obligées de procéder ainsi. En effet, quand le montant du RMI et de l'APL couvrent tout juste le prix du loyer et de l'électricité, comment faire face aux dépenses imprévues (frigo qui tombe en panne, par exemple…) ou, tout bonnement, se nourrir ? Que cet argent utilisé avec parcimonie provienne d'une vie antérieure — car, avant de devenir chômeurs de longue durée, les personnes aux minima sociaux avaient, elles aussi, un emploi et une situation — ou d'un héritage/don de la famille, il sert surtout à ne pas finir à la rue.
Martin Hirsch ne maîtrise pas son sujet : il a omis de préciser que les intérêts d'épargne versés par les banques — sauf pour les livrets "non imposables" comme le LEP ou le Livret A — sont considérés comme "ressources", et donc décomptés du RSA (dans le cas de notre "ex-RMIste", c'est 336 € à l'année… un vrai luxe !). Impossible d'y échapper avec le croisement des fichiers et le nouveau système de déclaration pré-remplie des impôts où leur montant figure : la CAF est ainsi renseignée automatiquement. C'est d'ailleurs pourquoi sa déclaration de ressources annuelle a été supprimée.
Quant à la déclaration de l'épargne disponible en elle-même, l'opacité règne. Selon l’article R262-74 modifié par le décret n°2009-404 du 15 avril 2009 - Art. 2 :
L'évaluation forfaitaire du train de vie prévue à l'article L. 262-41 prend en compte les éléments et barèmes suivants : .../...
10° Capitaux : 2,5% du montant à la fin de la période de référence.
Or, aucun texte de loi ne précise qu'un LEP, un LDD ou un Livret A font (ou ne font pas) partie des "capitaux" mentionnés à l’article R.262-6 du Code de l'action Sociale et des Familles !
Moralité : Ne déclarez rien !!!
On l'a compris : pour les intérêts des comptes d'épargne, considérés comme "ressources", le fisc se charge de remonter les sommes, elles-mêmes communiquées par les banques. C'est automatique, il n'y a plus rien à faire. Mais alors, pourquoi obliger les allocataires à déclarer en sus le montant de leur "épargne disponible" ?
Dans un précédent article sur le formulaire RSA, nous dénoncions l'intrusion dans la vie privée et le flicage accru dont fait montre ce nouveau questionnaire. Intrigués par cette obligation de tout déclarer, de la solidarité familiale aux aides extra-légales et associatives, nous avons jugé qu'il outrepassait sa fonction et avons saisi la CNIL.
En France, le secret bancaire — tant défendu par les "libéraux" qui, selon eux, garantit un droit fondamental : celui du respect de la propriété et de la vie privée des individus (mais pour les libéraux qui nous gouvernent, le secret bancaire est à géométrie variable quand il concerne… les pauvres) — est un secret professionnel comme un autre, selon l'article L.511-33 du Code monétaire et financier, mais avec une restriction importante : certaines administrations ont automatiquement accès aux informations qu'elles demandent. Il s'agit de l'administration fiscale, des services des Douanes, de la Banque de France, de la Commission bancaire et de l'Autorité des marchés financiers. On peut donc dire que, par chez nous, le secret bancaire ne correspond pas à un fort respect de la vie privée, puisque des administrations de plus en plus nombreuses possèdent un droit d'accès direct sans contrôle judiciaire aux informations détenues par les banques. Mais quand la justice, dans le cadre d'une procédure pénale, met son nez dans les informations visées par le secret bancaire, ses motifs se limitent à la lutte contre la fraude fiscale et le blanchiment d'argent.
En ce qui concerne le RSA, le formulaire déborde largement, puisqu'il ne s'agit pas de dépister ces deux phénomènes mais que le demandeur déclare son "patrimoine" et ses "ressources". Or, l'état du compte bancaire (à la base fluctuant) et l'existence de livrets d'épargne (pour les petits chanceux qui survivent avec), hormis leurs intérêts, ne sont pas des "ressources à déclarer" et, de ce fait, ces questions ne devraient donc pas figurer sur un formulaire de demande d'allocation.
La réponse cynique de la CNIL est éloquente : «Dès lors que les personnes concernées déclarent elles-mêmes les sommes qu'elles ont placées afin d'obtenir une allocation, le secret bancaire ne peut être invoqué», nous écrit-elle. Ce qui signifie que le système tient debout parce que les gens sont bien élevés, c'est à dire respectueux et obéissants...
Aujourd'hui, on découvre que Martin Hirsch nous a menti : lentement mais sûrement, nous allons bien sur le chemin de l'Allemagne où les comptes des Hartzi sont surveillés et, au moindre mouvement créditeur, les allocations suspendues. Petit à petit, l'oiseau du contrôle social des pauvres fait son nid.
Désobéissons !
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