Monsieur E. n’avait jamais été au chômage jusqu’ici : père de 5 enfants, il a enchaîné sans interruption des emplois en cuisine et dans la confection, pendant des années. Et puis la soi-disant «crise» : d’ouvrier mal payé dans les secteurs en tension, on se retrouve chômeur.
Oubliées toutes les années cotisées, l’assurance chômage est une aumône, un cadeau qu’il faudrait mériter !
Chercher du boulot, Monsieur E. ne fait que ça, de la manière la plus simple qui soit : se présenter chez les patrons.
Difficile de comprendre la logique Pôle Emploi quand on ne l’a jamais connue : aussi quand le conseiller propose, après deux mois de chômage, une orientation sur une association privée d’aide au retour à l’emploi, Monsieur E. s’imagine trouver un endroit avec d’autres offres que celles de l’ANPE. Il accepte.
Convoqué à son premier rendez-vous dans une banlieue déserte qu’il ne connaît pas, il se perd et arrive trop tard. Il ne s’imagine pas que ce simple incident est en lui-même passible de radiation et le classe immédiatement dans les suspects de Pôle Emploi, sur le fil du rasoir.
Le voilà contraint de se justifier par écrit. Pour une obscure raison, on ne lui donne pas un second rendez-vous vers cette structure mais on l’oriente vers une autre association d’insertion. Il s’y rend mais, à sa grande surprise, il se réalise qu’il n’y a pas spécialement d’offres d’emploi accessibles dans cette association et qu’il s’agit plutôt d’«ateliers» de «formation à la recherche d’emploi».
Pour Monsieur E., les choses paraissent simples : chercher du boulot, il sait faire. Mais c’est en décrocher un qui est complexe. La dernière offre à laquelle il a répondu était un emploi de cuisinier dans une chaîne d’hôtel. Il s’est rendu sur place le lendemain de la diffusion de l’annonce par Pôle Emploi : il y avait déjà des dizaines de candidats devant lui.
Alors Monsieur E., en toute logique, ne voit pas l’intérêt de cette association.
Radiation de quinze jours pour refus d’action d’insertion.
A laquelle s’ajoute une radiation de deux mois car un autre chômeur, Monsieur T., a mal effectué son pointage mensuel. Nous les accompagnons à l’agence Pôle Emploi de Créteil.
(...) La directrice n’est en elle-même pas impolie ou agressive. Mais voilà, nous ne voulons même pas entendre parler de «devoirs», de «démarches mal faites», de «réexamen détaillé du dossier». Monsieur E. est ouvrier, les boulots les plus durs, il les a faits ; maintenant il n’y en a plus, alors qu’on lui verse ses allocations, sans interruption ni harcèlement, point barre. Et ni Monsieur T., ni les allocataires qui l’accompagnent ne se privent de vider leur sac sur les actions d’insertion bidon, sur les opérateurs privés qui s’en mettent plein les poches, sur les radiations qui pleuvent sans arrêt.
La directrice inscrit rétroactivement et annule les radiations, très rapidement.
Mais voilà, l’expression de la colère se diffuse : une autre chômeuse vient exiger elle aussi une réinscription. Depuis deux mois, elle appelle le 3949 pour s’entendre répondre que sa réinscription est validée, qu’elle va recevoir un courrier, et celui-ci n’arrive jamais. Elle n’a jamais compris pourquoi son dernier pointage n’a pas été pris en compte.
Son dossier est vide, dit l’ordinateur de la machine à précariser, et la directrice semble trouver que ses déclarations sont sujettes à caution. Mais voilà, une précaire qui vient d’arriver, intérimaire, prend sa défense : elle a été désinscrite d’office le mois dernier parce qu’elle avait déclaré une mission à temps plein, et c’est la deuxième fois qu’on lui fait le coup depuis la fusion ANPE-ASSEDIC bien qu’elle en ait longuement parlé avec son conseiller.
La directrice rétablit alors la première allocataire dans ses droits.
A la sortie, pas les moyens d’aller fêter tout ça au resto, évidemment, mais tout le monde se sent mieux ! La précaire en intérim nous fait tous bien rire en nous demandant si on est une colonie de vacances de chômeurs, et si on organise des visites guidées des Pôle Emploi d’Ile-de-France tout l’été. Et c’est vrai qu’au bord de cette avenue ultra polluée, dans cette zone de bureaux étouffante et moche, nous nous sentons quand même presque en congés, après cette expression collective de notre ras-le-bol.
En congé des petites humiliations quotidiennes, de ce cauchemar toujours recommencé des démarches qu’il faut trouver la force de faire seul, alors qu’elles ne servent plus à rien. En congé de l’angoisse permanente qui étreint les précaires isolés, les assaille le matin dès que la conscience du frigo vide et celle des administrations à affronter revient.
Nous savons qu’à plusieurs, tout sera moins compliqué.
Le collectif RTO
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