On le sait, le déficit de la Sécurité sociale devrait dépasser 20 milliards d’€ à la fin de l'année, et atteindre 30 milliards l'année prochaine. Avec la crise et son chômage, le déficit de recettes, impressionnant, nous inquiète tous. Gérard Cornilleau, économiste, est directeur adjoint au département des études de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Pour lui, le déficit de la Sécurité sociale n'est pas une surprise et n'a pas vocation à être comblé ni par une réduction des dépenses, ni par une augmentation des prélèvements.
La Commission des comptes de la Sécurité sociale a annoncé un déficit 20,1 milliards d'euros pour 2009, soit le double du déficit de 2008. Est-ce une surprise ?
Ce n'est pas du tout étonnant. Nous sommes dans une récession grave avec une dépression économique comme on n'en a probablement pas vu depuis que la comptabilité nationale existe. C'est donc très naturellement que les recettes de la protection sociale diminuent et provoquent un déficit. Mais c'est un déficit conjoncturel. Il n'est absolument pas structurel, et il n'a donc pas vocation à être comblé.
Il doit plutôt être financé par l'emprunt. Sinon, on renoncerait au rôle de stabilisateur automatique de l'économie que joue la protection sociale. D'ailleurs, on peut faire remarquer que les gouvernements européens ont argué de ce que la protection sociale en Europe était suffisamment élevée pour refuser des plans de relance plus importants.
Tout prévisible qu'il soit, ce déficit n'est-il pas dangereux pour la protection sociale française ?
Ce qui est grave c'est la conjoncture, la crise financière et ses conséquences sur l'économie réelle. Ça ne veut pas dire que les difficultés de financement de la protection sociale ne sont pas graves, mais cela veut dire qu'il ne faut pas se tromper dans le diagnostic au risque d'appliquer des remèdes totalement inappropriés, comme une augmentation des prélèvements ou des tentatives de réduire les dépenses.
Roselyne Bachelot, la ministre de la santé, a fait valoir que la protection sociale a joué son rôle d'amortisseur dans la crise. Est-ce exact ?
Elle a tout à fait raison. Au rôle d'amortisseur social, il faut aussi ajouter celui d'amortisseur économique. C'est aussi parce que ce secteur n'est pas concerné par la récession et que ses dépenses continuent d'augmenter, qu'il n'ajoute pas à la récession économique générale. Il est tout à fait clair que si les dépenses de santé étaient contraintes à diminuer en 2009 ou en 2010, cela ajouterait à la récession. Cela ferait grimper le chômage et ça ne serait bon pour personne, ni du point de vue social ni du point de vue économique.
Eric Woerth, ministre du budget, a annoncé qu'il comptait s'appuyer sur la "lutte contre les abus" en matière d'arrêts maladie pour faire baisser les dépenses. Est-ce un poste qui pèse sur le déficit de la Sécurité sociale ?
Ce qui est frappant, c'est que les indemnités journalières ont tendance à augmenter quand l'activité économique est sur une pente favorable, et à baisser quand l'activité économique est moins favorable. Il y a deux interprétations possibles. On peut penser qu'il y a des abus, comme le fait M. Woerth, ou on peut penser au contraire que lorsqu'il y a du chômage, il y a plus de gens qui ne se soignent pas... Cette période de récession peut entraîner des restrictions de consommation de soins qui peuvent d'ailleurs être dommageables sur le long terme.
En réalité, aujourd'hui, le niveau des arrêts maladie a augmenté, mais il n'est pas à un niveau historiquement haut. Ce qui augmente, ce sont les arrêts plus long pour des gens plutôt plus âgés, ce qui laisse penser qu'en réalité c'est le résultat du vieillissement de la population. Si les gens ne peuvent pas partir à la retraite ou en pré-retraite et qu'ils sont malades, cela fait augmenter le nombre d'arrêts maladie. Des études de la CNAM vont dans ce sens. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas de contrôle, mais ils existent déjà, notamment sur les arrêts de longue durée.
(Source : Le Monde)
On peut aussi aller plus loin => La Sécu est excédentaire !!!
Notre Sécurité sociale est avant tout victime de nombreux très mauvais payeurs dont, en premier, l'Etat.
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