Scandaleux ! Lamentables ! Indignes ! Illégitimes !
Mais qui sont donc ces gens, prétendument censés défendre les intérêts des travailleurs et qui, à force d'atermoiements, s'aplatissent au final, offrant leur collaboration déguisée à ce gouvernement alors que les Français ont massivement répondu à l'appel de mardi et sont à côté des starting-blocks ?
Quels intérêts défendent-ils en vérité ? A l'instar de nos politiciens, où est passé leur courage ? Quelle éthique collective du courage nous transmettent-ils ? Aucune !
Mieux que je ne l'exprimerais moi-même, voici un extrait du texte prémonitoire publié ce matin par le blogueur Philippe Sage, que je vous invite à lire en entier :
« Alors ainsi, "camarade", tu crois vraiment qu’en marchant dans les rues armé de quelques banderoles et slogans, tu vas faire plier le gouvernement ? Non mais tu plaisantes ? Automne 1995, t’en souvient-il, c’était quand même autre chose, ç’avait de la gueule, bon sang ! Le message était clair, il disait : non, non et NON ! Trois semaines et demi de grèves, de manifs, avec paralysie partielle de l’économie : pas de train, pas de métro. Gros ramdam, itou, à La Poste, dans l’Education Nationale, chez France Télécom, et même au fisc ! Du 24 novembre au 14 décembre 1995, n’ont rien lâché, ça n’a pas débandé, et résultat : le 15 décembre le gouvernement Juppé battait en "retraite". Gagné !
Mais là, c’est de la roupie de sansonnet ! C’est de l’ordre du carnaval ! T’auras que dalle avec tes journées à la petite semaine. Et qu’on ne vienne pas me dire que paralyser un pays c’est de la dictature, de la "prise d’otage" et tout le tralala à Pernaut ! Foutaises ! Car c’est oublier, justement et encore, cet automne 1995 où dans une "France paralysée", les salariés se parlaient à nouveau et s’entraidaient.
[...] Jean-foutre, va ! … Imposteurs et compagnie ! … Continuez comme ça, avec vos défilés-promenades, votre carnaval, votre "service minimum", vos grève(tte)s - non reconductibles - dont réellement personne ne s’aperçoit tant elles sont vaines, sans espoirs, sans éclats ni panache. Mais ne venez pas nous dire, demain, que nous aurions gagné sur je ne sais quel point, je ne sais quelle pénibilité, ah non ! Ne venez surtout pas nous dire que youpi, on a vaincu ! Y’a quand même des limites, présumés "camarades", au foutage de gueule ! »
TRAHISON
Il l'a sentie venir, Philippe Sage, tandis qu'il rédigeait son billet sans connaître encore le résultat des tergiversations syndicales de cet après-midi... Car, réunis depuis 15 heures au siège de la CGT à Montreuil, six organisations sur huit — CGT, CFDT, CFTC, CFE/CGC, FSU et Unsa — ont décidé, vers 18 heures, d'une nouvelle «journée de grèves et de manifestations»… le 23 septembre. Or, c'est le 15 que le vote en première lecture aura lieu à l'Assemblée nationale. C'est donc d'ici au 15 septembre qu'il faut poursuivre sans mollir, accentuer la mobilisation (comme en 1995 si ce n'est davantage car, à côté de Sarko, Chirac et Juppé, c'était du nanan) ! Et tant pis si c'est dur à cause de la crise : demain sera mille fois pire si on ne fait rien aujourd'hui.
Mais ces frileux imposteurs, au lieu de jouer leur rôle de locomotive sociale, se contentent d'appeler «à faire du mercredi 15 septembre, jour du vote par les députés du projet de loi, une journée forte d'initiatives et d'interpellations des députés, des membres du gouvernement et du président de la République dans les départements et les circonscriptions». C'est tout. De grève générale, de rapport de force à activer, de bras de fer à tenir au nom de l'avenir de nos concitoyens, il n'est nullement question. Que du saupoudrage, de la courte vue, du compromis… et de la lâcheté.
Quant aux députés de droite, même interpellés massivement, ils voteront le texte puisqu'ils sont majoritaires et fidèles à Sarkozy, tous unis contre le salariat ! Si certains, cet été, ont eu des états d'âme à propos des Roms, en cette rentrée cruciale ils n'en auront aucun envers les travailleurs, car détruire un peu plus leurs droits sociaux est inscrit dans leurs gènes. Il n'y a que la peur de la rue qui puisse les faire céder (l'histoire l'a prouvé avec le CPE en 2006, le CIP en 1994, sans oublier Mai 68) et le reste n'est que broutille, petite poussière sur leur veston.
Le 15 septembre, l'affaire sera donc à moitié entendue. Alors, appeler à faire grève et manifester le 23… c'est une plaisanterie, ou quoi ?
A son tour, à partir du 5 octobre, le Sénat examinera le texte en seconde lecture pour un vote définitif quelques semaines après. Nos sénateurs, eux aussi majoritairement de droite et qui n'auront aucune raison d'être intimidés par la rue (où il n'y aura personne), vont s'exécuter. En novembre — adieu veaux, vaches, cochons —, l'affaire sera pliée.
Le gouvernement joue avec les syndicats, qu'il méprise. On comprend pourquoi.
Ou plutôt non : le gouvernement méprise le peuple qui l'a malencontreusement élu, profite d'un semblant de démocratie et jouit d'avoir des collaborateurs aussi improbables. Syndicats et politiques ont fini par se rejoindre au sein d'une même caste dont la devise est la suivante : Peu importe d'avoir des couilles tant qu'on a le pouvoir.
Et des couilles sans l'impulsion syndicale, le peuple, dindon de la farce, saura-t-il en avoir ? Il paraît qu'en réalité aucune grève générale n'a jamais pu être décrétée par les syndicats et que toutes sont toujours parties de la base, les syndicats ayant ensuite pris le train en marche pour baliser/encadrer/récupérer les choses. De quelle(s) base(s) non syndicale(s), cette fois-ci, va jaillir l'étincelle, la nécessaire confrontation directe que certains appellent de leurs vœux et que tout le monde redoute encore un peu ?
SH
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