Ça y est, le RSA Jeunes entre en vigueur ce 1er septembre. Pour espérer le percevoir en octobre comme on nous le claironne, il faut se manifester dès mercredi auprès de la CAF et vite remplir son dossier : une mission qui risque d'être assez compliquée.
D'abord, les sans emploi de moins de 25 ans ayant épuisé leurs droits au chômage pourront demander le RSA "socle" (460 €/mois, ou 405 € s'ils sont indépendants et bénéficient d'une APL qui justifie que la CAF leur retire 55 € de "forfait logement"…) après avoir fourni l'attestion de rejet à l'ASS de Pôle Emploi. Pour ceux qui l'ont foutue à la poubelle, il va falloir la redemander... Ensuite, pour ceux qui vivent toujours chez leurs parents, gare aux embrouilles !
Quant aux moins de 25 ans qui ont "la chance d'avoir un travail" et dont les ressources mensuelles (salaires, pensions, prestations sociales…) sont, théoriquement, inférieures à 1.196 € pourront, à partir d'octobre, toucher un "complément d'activité". Par exemple, "un jeune qui perçoit 500 € de revenu d'activité par mois recevra 215 € de RSA", a indiqué le ministre de la Jeunesse et des Solidarités actives, Marc-Philippe Daubresse.
Le calcul n'est pas si évident. Pour estimer son montant, voici une piste. Quand au test d'éligibilité de la CAF, le module n'est pas encore à jour... Par curiosité, je me suis fait passer pour un jeune salarié célibataire de 26 ans — puisque c'est toujours interdit aux moins de 25 — gagnant 800 € par mois, ne vivant plus chez ses parents mais recevant de leur part une aide mensuelle de 150 €, et percevant une APL de 150 € : il m'a été répondu que "d'après nos calculs, vous ne remplissez pas la condition de ressources pour bénéficier du RSA"... Bref, passons !
Un dispositif irréaliste et discriminatoire
Avec ou sans emploi, "jeune" ou pas, on le rappelle, l'attribution du RSA est soumise à une déclaration trimestrielle de ressources (DTR) particulièrement intrusive.
Et, avec ou sans emploi, pour être éligible au RSA Jeunes, il faudra justifier de 3.214 heures, soit deux années d'activité salariée à temps plein, sur les 36 derniers mois... De quoi bien garnir son dossier. L'enchaînement de petits boulots précaires étant le lot de la plupart d'entre eux, le ministre a reconnu que, pour beaucoup, il pourrait être difficile de rassembler tous les justificatifs des différents emplois passés.
Surtout, cette restriction — qui est à mille lieux de la réalité du marché du travail pour les jeunes aujourd'hui ! — n'est pas appliquée aux autres, demandeurs et/ou bénéficiaires plus âgés. La clause est non seulement discriminatoire, mais particulièrement inéquitable car elle favorise des jeunes plus "employables" que la moyenne au détriment des très précaires, des stagiaires, ou ceux qui achèvent une mission de service civique. Julien Bayou, conseiller régional d'Ile-de-France pour Europe Ecologie et fondateur de Génération précaire, invite tous ces exclus d'office à saisir en masse le tribunal administratif pour violation de l'égalité des citoyens devant la loi => Voir son interview en vidéo ci-dessous.
Autant en emporte le vent
Selon les chiffres officiels de 2009, il y avait en France 770.000 jeunes de 16 à 25 ans au chômage [1]. Parmi eux, seuls 120.000 étaient considérés comme "non qualifiés"; ce qui signifie que les 650.000 autres, pourtant diplômés, peinent à intéresser les recruteurs. Malgré cela, sur des estimations de la DARES, l'Elysée a décrété que le "potentiel maximum du public" auquel s'adresse cette extension du RSA ne serait que de 160.000 [2].
Avec les conditions drastiques qui lui sont assorties, ce sera encore moins : selon le Secours Catholique, "seul un quart des jeunes concernés, soit environ 40.000 dans les prévisions, sont censés les remplir". Ce qui, outre La Rigueur pour lutter contre Le Déficit, explique la réserve budgétaire associée à ce projet : au départ annoncé à 250 millions d'euros par an, le montant de l'enveloppe allouée au RSA Jeunes a dégringolé à… 20 millions pour le trimestre prochain. Se basant sur cette somme, Christophe Sirrugue, député-maire socialiste de Chalon-sur-Saône, a sorti sa calculette : selon lui, seuls 14.492 jeunes percevront le RSA pendant cette période. Donc, le gouvernement sait que la montée en charge du dispositif sera laborieuse, car tout a été fait pour.
Puisqu'on est dans les histoires de gros sous, sachez que, pour faire connaître son produit, le gouvernement ne va pas lésiner sur la com’ : Marc-Philippe Daubresse a prévu "une campagne d'information ciblée" via des affichettes dans les agences Pôle Emploi ou les missions locales, et via la radio et internet, qui coûtera "un petit peu moins de 500.000 euros". Comparé aux 2,5 millions consacrés à la première campagne de promotion du RSA en mai 2009, ce demi-million pour du vent semble, effectivement, raisonnable.
SH
[1] La véracité du chômage des jeunes est contestée par l'économiste et sociologue Bernard Friot, qui considère que c'est un "bobard démographique" qu'on nous martèle depuis vingt ans en vue d'instaurer un abaissement continu du salaire d'embauche, ce qui participe à l'interruption de la progression salariale et donc à la baisse généralisée des salaires => Écoutez-le ici chez Daniel Mermet (6/11)
[2] Même topo avec le million de chômeurs arrivant en fin de droits en 2010, pour lequel il fut concocté un minable "plan rebond" qui n'en touchera que 320.000 (et encore…).
Génération Précaire va saisir le Conseil d'Etat :
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