C'est la crise, mais tout dépend de quel côté on se trouve...
L'Allemagne libérale-chrétienne-démocrate, qui s'en tirerait mieux que tout le monde malgré un taux de pauvreté de 19%, affiche un taux de croissance à faire pâlir ses voisins. Quant à l'Espagne socialiste, qui s'est engouffrée dans le mirage ultralibéral, elle se prend un cuisant retour de bâton avec l'effondrement de pans entiers de son économie assortie du taux de chômage le plus élevé de l'UE.
Mais, dans les deux cas, c'est la même violence sociale qu'on inflige aux salariés et aux chômeurs.
Dans le pays où tout va bien
Vendredi, en Allemagne, fortes de leur succès à l'export qui sont le grand atout du pays, deux fédérations de PME ont proposé de réduire la durée des congés payés de leurs salariés : "Six semaines, c'est trop; quatre semaines, c'est amplement suffisant", a déclaré Ursula Frerichs, qui dirige la fédération UMW, au quotidien Bild Zeitung. "Nous pourrions mettre des congés de quatre semaines à l'essai en 2011 pour soutenir la reprise", a-t-elle suggéré. Le président de la fédération BVMW, Mario Ohoven, a de son côté expliqué que "les PME ont à nouveau des carnets de commandes pleins, nous avons besoin de chaque salarié. Les congés payés devraient pour le moment être ramenés à cinq semaines pour préserver la reprise". Il ne propose pas de réduire définitivement la durée de congés, non… mais de stocker les vacances non utilisées sur un compte temps, qui pourrait être utile en cas de fléchissement des commandes.
Réduire les vacances au lieu d'embaucher : en voilà une idée de génie !
Ah oui : en Allemagne, il n'y a pas de Smic; 6,55 millions de travailleurs (soit un sur cinq) ont un bas salaire; 26% de la population active bosse à temps partiel (contre 17% en France - chiffres de 2007). Voilà sur quoi s'appuie le fameux "miracle allemand".
Certains avancent que l'Allemagne affiche une "croissance asiatique" : la métaphore est juste. Par ses méthodes, l'Allemagne est un peu la Chine de l'Europe et c'est pour ça que son PIB va bien... Ce qui ne l'empêche pas de faire, elle aussi, la danse du ventre devant les marchés en participant activement au grand concours de rigueur budgétaire européen !
Dans le pays où tout va mal
Malgré un taux de chômage qui dépasse 20% ainsi qu'un taux de pauvreté similaire, le gouvernement espagnol, étranglé, persiste dans ses mauvais choix. Sous prétexte que le chômage recule un peu et qu'une reprise se ferait sentir, il vient de décider de réduire "de 90 à 30 jours" le délai pendant lequel un chômeur peut refuser des offres d'emploi — comme s'il y en avait suffisamment ! — et de formation tout en touchant une allocation. "Nous ne pouvons pas continuer avec un taux de chômage qui est le double de la moyenne en UE", a déclaré, honteux, le ministre du Travail. "Les chômeurs doivent se réorienter, et les agences de l'emploi doivent avoir un rôle plus actif".
Et voilà nos deux vieux boucs-émissaires tous trouvés : le service public (qui fait moins bien que le privé, en l'occurrence l'intérim) et les chômeurs profiteurs & fainéants (à qui l'on va, peut-être, sortir l'argument des "500.000 offres non pourvues" alors qu'ils sont 4 millions ?).
Le gouvernement a aussi réduit le nombre de bénéficiaires de l'aide mensuelle de 426 € aux chômeurs en fin de droit, excluant désormais les 30-45 ans sans enfant. Cette allocation ne doit plus être "une aide passive" mais "une aide d'accompagnement" à la recherche d'emploi, justifie le sinistre.
Enfin, une réforme drastique du marché du travail (qui, notamment, réduit les indemnités de licenciement et gèle les pensions de retraite) sera finalisée pour l'automne. Opposés à ce dépeçage, les deux principaux syndicats espagnols, CCOO et UGT, ont annoncé une grève générale pour le 29 septembre — la première en Espagne depuis 2002.
Ces décisions gouvernementales sont un vrai signal d'impuissance et de bêtise. Zapatero fait la danse du ventre devant la Banque mondiale tandis que les Espagnols, eux, se contentent de subir. Vive la crise !
SH
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