Voilà aujourd'hui 23 jours que Mayotte est en grève contre la vie chère. Le témoignage que je vous soumets ne peut être qu'un point de vue, quoique le plus objectif possible, ainsi que de nombreux ressentis. Ce n'est par ailleurs qu'un résumé, tant les faits ont été nombreux ces dernières semaines.
Le mouvement a commencé le 27 septembre à l'initiative de plusieurs syndicats, d'associations de consommateurs et avec le soutien d'une partie de la population. Il était principalement concentré sur la capitale, Mamoudzou, et consistait à fermer les commerces. La population demandait la baisse des prix sur des produits de première nécessité (riz, sardines, poulet, gaz par exemple). Le pouvoir d'achat est en effet plus bas que celui de la métropole, et les produits sont à des prix bien plus élevés.
Très rapidement, la tension est montée, accompagnée de violences, et des barrages ont été érigés un peu partout dans l'île afin de bloquer les axes principaux. Il faut dire que Mayotte est très facilement «bloquable» et que cette action est souvent utilisée pour se faire entendre des élus et obtenir ce que l'on revendique.
Seulement, à côté de la «vie chère», d'autres tensions sous-jacentes à l'île sont ressorties, notamment celle du statut de département qui n'est pas appliqué à part entière, ou encore celle des inégalités entre différentes catégories de la population (avec l'amalgame de considérer tous les «Blancs» comme riches, ayant le pouvoir et un comportement colonialiste).
Les médias se sont vite faits sensationalistes selon moi, et la peur a commencé à envahir beaucoup de monde.
Progressivement, toutes les catégories de la population ont rejoint le mouvement. Une marche le jeudi 13 octobre a rassemblé des milliers de personnes, toutes unies et solidaires dans la lutte.
A côté de cela, l'Etat a fait le choix de renforcer les forces de l'ordre, ce qui n'a pas été perçu d'un très bon œil par les manifestants, le vivant comme une provocation. Ces forces de l'ordre avaient l'objectif de débloquer les axes de circulation, alors que c'était là-même ce que voulaient faire les manifestants.
Très vite, des affrontements ont eu lieu, jets de bombes lacrymogènes, de grenades, et riposte des manifestants avec des cailloux. Plusieurs d'entre eux ont été arrêtés et condamnés à de la prison ferme en comparution immédiate. Un garçon de 9 ans a été blessé à l'œil par un tir de flashball et un gendarme mis en examen. Après plusieurs jours de confrontations de ce genre, les forces de l'ordre ont laissé faire les manifestants qui ont organisé des marches pacifistes, sans violence, et les routes n'étaient pas bloquées.
Nouvelle poussée de tensions
La ministre chargée de l'Outre-mer, Marie-Luce Penchard, a aussi fait plusieurs discours, dont un à Mayotte même, mais toujours très décevants selon la population, et orientés à des fins politiques.
Des négociations sans fins perdurent tous les jours, générant un climat plein d'attentes, les gens sont tendus et ces négociations n'aboutissent jamais.
Le lundi 17, beaucoup croyaient sortir enfin de la «crise» et espéraient obtenir des propositions satisfaisantes de la part des grandes distributions et de l'Etat. Seulement, ces propositions ne l'ont pas été, selon l'intersyndicale et une partie de la population, qui a appelé à continuer le mouvement. Les syndicats se divisent, et les revendications perdent parfois leur clarté.
Mardi, les tensions montaient, les feux se rallumaient dans l'île. Ce mercredi, de nouvelles forces de l'ordre sont encore arrivées. Les barrages ont paralysé l'île dès le matin. Puis un homme de 39 ans est décédé ce mercredi après-midi et un autre manifestant a été blessé au ventre par un tir de flashball, ce qui a provoqué de violents heurts et des pillages.
La situation économique et sociale est désastreuse, de nombreuses petites et moyennes entreprises sont proches de la faillite et de nombreux salariés sont sur le point d'être licenciés. Le climat est oppressant, les passions sont déchaînées et le peuple est en colère.
Où va-t-on ? Pourquoi l'Etat, qui gère des conflits de par le monde entier, ne parvient-il pas à gérer de simples revendications au sein de l'un de ses départements ?
Pourquoi la population de France métropolitaine n'est-elle pas au courant de l'ampleur du conflit que l'on vit ici ? Il s'agit d'une guerre civile ! Mayotte, qui est depuis trois semaines en feu, est aujourd'hui à sang. Ici, on le vit comme un désintérêt inacceptable et meurtrier de la part de l'Etat.
(Source : Rue89)
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