Nicolas Sarkozy, désormais candidat à sa réélection, veut changer la logique des droits et devoirs des demandeurs d'emploi. En les obligeant à se former à un métier en tension et à accepter ensuite la première offre correspondant à cette nouvelle qualification. "L'assistanat n'a pas sa place" en France, a déclaré le chef de l'Etat sur TF1 mercredi soir. "La solidarité pour ceux qui ne peuvent pas travailler. La formation ou l'emploi pour ceux qui ont la force de travailler. Le travail, c'est une valeur centrale", a-t-il poursuivi.
En s'en prenant aux privés d'emploi, après les bénéficiaires du RSA qu'il veut obliger à travailler 20 heures par semaine, Nicolas Sarkozy est monté d'un cran dans sa guerre contre "l’assistanat". Néanmoins, il ne pose pas les vraies données du problème. Le chômage est-il dû à une économie qui n'arrive pas à créer de l'emploi, ou est-ce que les chômeurs le sont parce qu'ils ne veulent pas travailler ? Généralement, la France crée des emplois quand la croissance du PIB est supérieure à 1,6%. En 2011, la croissance a atteint 1,7%.
Sauf que la France vient seulement de renouer avec ses niveaux d'activité d'avant la crise, un sursaut dont la pérennité n'est pas assurée. Elle souffre donc d'un déficit de croissance de l'ordre de 5% du PIB. Pour renouer avec une croissance dynamique créatrice d'emplois, il faudrait que le PIB progresse d'au moins 2,5% au cours des deux prochaines années. On en est loin. Cette année, la croissance peinerait à atteindre 0,5%. C'est pourquoi l'économie française continue de détruire des emplois — 32.000 au quatrième trimestre 2011 — et que le chômage continue de grimper.
L'indemnisation chômage est un système assurantiel
La proposition de Nicolas Sarkozy d'offrir une formation professionnelle à tous les chômeurs va dans le bon sens. Plus de 60% des bénéficiaires de formations financées par Pôle Emploi sont en effet en emploi six mois après, et les trois quarts ont accédé à un emploi au cours des 6 mois qui ont suivi. Le problème est que Pôle Emploi n'a pas assez de moyens pour former les chômeurs : l'organisme ne dispose que de 15% des offres de formation et que de 13% des fonds de la formation continue, soit 4 milliards d'euros sur un total de 31 milliards.
En 2009, 576.000 demandeurs d'emploi avaient entamé une formation d'une durée supérieure à un mois — soit 8% des demandeurs d'emploi —, un chiffre en baisse de 5% sur un an alors que le chômage était en forte hausse (plus de 400.000 nouveaux inscrits à Pôle Emploi). 40% des demandeurs d'emploi pour lesquels une formation a été prescrite ne sont toujours pas en formation six mois après. "Les chômeurs ne demandent pas mieux que d'être formés, mais il n'y a pas assez de formations et surtout pas assez d'emplois", souligne Matthieu Angotti, directeur général de la Fnars (Fédération nationale des associations de réinsertion sociale).
Par ailleurs, l'indemnisation du chômage ne repose pas, contrairement à ce que laisse entendre le chef de l'Etat, sur une logique d'assistanat ou de solidarité du contribuable, mais sur un système assurantiel : salariés et employeurs cotisent, ce qui permet au salarié de percevoir une allocation s'il perd son emploi, à certaines conditions que tous les demandeurs d'emploi ne rassemblent pas — un chômeur sur deux n'est pas indemnisé. Le principe est "un jour cotisé, un jour indemnisé", à partir de quatre mois de cotisation. Le montant de l'allocation est en moyenne de 60% de l'ancien salaire brut (75% pour les salaires inférieurs à 1.000 euros). Le versement de l'allocation chômage ne peut en outre excéder deux ans (sauf pour les plus de 50 ans). Au-delà, les personnes basculent vers les minima sociaux (ASS, RSA).
La solidarité nationale est faible
Quant aux devoirs des chômeurs, Nicolas Sarkozy les a déjà considérablement renforcés pendant son quinquennat. Il a fait voter en août 2008 une loi prévoyant, en plus de l'obligation de rechercher un emploi, celle d'accepter les offres correspondant à leur projet, sous peine de radiation temporaire après deux refus "sans motif légitime" d'offres dites "raisonnables". Les bénéficiaires du RSA suivis par Pôle Emploi sont eux aussi obligés d'accepter les offres ou les contrats aidés qui leur sont proposés, sous peine de voir leur prestation réduite voire supprimée.
Enfin, laisser croire que la France est un pays d'assistés est peut être porteur électoralement, notamment du côté de l'extrême droite, mais ce n'est pas la réalité. "Surfer sur cette thématique de la lutte contre l'assistanat offre une réassurance morale à l'électorat traditionnellement conservateur et permet à la droite d'envoyer des signes aux strates fragilisées de l'électorat salarié, dont le vote est plus fluctuant entre les extrêmes", explique Nicolas Duvoux, maître de conférence en sociologie à l'université Paris Descartes. La France a un système de protection sociale très généreux, mais c'est un système basé sur l'assurance : le salarié cotise donc a le droit de bénéficier d'une assurance maladie, chômage et vieillesse de qualité. "En revanche, la solidarité nationale, c'est-à-dire la protection sociale pour ceux qui ne sont pas assurés, qui ne cotisent pas — les bénéficiaires de minima sociaux — est extrêmement faible", souligne Olivier Ferrand, président du think tank socialiste Terra Nova.
Le RSA socle, ex-RMI, c'est 470 euros par mois (hors "forfait logement"). Depuis 1988, sa revalorisation est uniquement indexée sur l'inflation. Ce qui signifie que depuis vingt ans, ce minimum vital diminue année après année en comparaison du revenu médian de la population. En 1990, le RMI équivalait à 60% du revenu médian, c'est-à-dire l'équivalent du seuil de pauvreté. Aujourd'hui, le RSA ne représente plus que 40% du revenu médian. Sur les 600 milliards d'euros dépensés chaque année par la protection sociale, 590 milliards reviennent aux assurés, seule une dizaine de milliards finance la solidarité nationale.
(Source : L'Expansion)
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