Avec la hausse du coût du travail, la France a perdu son avantage compétitif par rapport à l'Allemagne
Alors que le débat sur le modèle allemand s'est imposé dans la campagne présidentielle, l'Insee en repose les termes. Si l'on se contente de regarder l'évolution du coût horaire, le constat est indéniable. En 1996, l'Allemagne était le pays le plus cher de l'Union européenne. Mais depuis, c'est aussi Outre-Rhin que le coût horaire a le moins progressé (+1,9% par an). Résultat : en 2008, dans l'industrie manufacturière, le pays n'était plus au premier rang du palmarès du coût du travail. Et surtout, il a été rattrapé par la France où cet indicateur a progressé beaucoup plus vite sur la période : +3,4%, en ligne toutefois avec la moyenne de l'UE à 15.
En revanche, insistent les experts de l'Insee, ces résultats ne disent pas grand-chose de l'évolution de la compétitivité des différents pays. "Un pays avec un coût de production élevé peut être plus compétitif qu'un autre avec un faible coût de production, si sa productivité est supérieure", expliquent-ils. Pour l'Insee, l'indicateur important est donc le coût salarial unitaire, qui mesure le coût moyen de la main d'œuvre par unité produite. Et de ce point de vue, les performances françaises et allemandes dans l'industrie manufacturière sont comparables, avec une même tendance à la réduction, et des rythmes respectifs de -0,5% et de -0,7% par an. Difficile, donc, de dire que la France a perdu son avantage compétitif par rapport à l'Allemagne.
La hausse du coût du travail en France est due aux 35 heures
L'idée est régulièrement avancée par le Medef et par l'UMP et Nicolas Sarkozy. Mais c'est faux, expliquent les experts de l'Insee. Selon eux, la diminution du temps de travail effectif n'explique "qu'environ 10%" de la hausse du coût horaire de la main-d'œuvre entre 1996 et 2008. Si le nombre d'heures était resté stable entre 1996 et 2008, cet indicateur aurait progressé à un rythme annuel de 3,1% contre 3,4% observé dans l'industrie manufacturière. Dans les services, la hausse aurait été de 2,8% contre 3,2% observé.
Le taux de cotisations employeurs est un déterminant important du coût du travail
C'est l'argument avancé par le gouvernement pour justifier la réforme de la "TVA sociale", qui consiste à baisser les cotisations employeurs et à faire financer le manque à gagner pour la Sécurité sociale par une hausse de la TVA. Le tout, bien sûr, dans l'idée de baisser le coût du travail pour améliorer la compétitivité de la France. En réalité, constate l'Insee, il n'y a pas de "lien significatif entre le niveau du coût horaire et le taux de charges" parmi les pays de l'ex-UE à 15.
Ainsi, au Danemark et en Suède, qui ont tous deux un haut niveau de protection sociale, le coût horaire du travail est assez proche. Le premier, pourtant, a des cotisations sociales patronales limitées (7% du salaire brut) alors qu'elles sont très élevées en Suède (30%). Sauf que les salaires bruts sont plus élevés au Danemark : les salariés payent plus d'impôt sur le revenu, qui finance en partie la protection sociale. "Toutes choses égales par ailleurs, à moyen terme, le taux de cotisations sociales employeurs n'est pas un déterminant du coût horaire. Seul le niveau global de taxe compte, pas la répartition entre cotisations sociales employeurs, cotisations salariales et impôt sur le revenu", relève l'Insee.
Les conditions de travail sont moins difficiles aujourd'hui
En réalité, une enquête menée par sondage auprès d'un échantillon représentatif de salariés de différentes générations montre que les "pénibilités physiques" n'ont pas diminué. En revanche, les contraintes organisationnelles et psychosociales se sont considérablement accrues.
Ce sondage reposant sur la façon dont les salariés perçoivent leur travail, faut-il y voir le fait que les plus jeunes seraient aussi plus exigeants par rapport à leurs conditions de travail ? "Peut-être, répond Thomas Coutrot, un des auteurs de l'étude. Mais en la matière, c'est bien le ressenti qui compte, car c'est cela qui a des conséquences sur la santé. Donc si les plus jeunes considèrent qu'ils ont des contraintes importantes, et plus importantes que les générations précédentes au même âge, leur travail aura aussi plus tendance à les rendre malade".
(Source : L'Expansion)
Toujours plus de "mobilité", toujours plus de précarité :
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