Les accusations de coup fourré émises par les syndicats et l'opposition n'y auront rien changé. Ni, par deux fois, le rejet du Sénat au motif que «les dispositions du texte excèdent le cadre d'une loi de simplification et constituent des réformes de fond qui appellent des débats spécifiques approfondis». La loi Warsmann «relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives» a donc été adoptée mercredi. Selon Frédéric Lefebvre, elle «simplifiera l'environnement juridique et le quotidien des PME françaises dans de nombreux domaines».
Véritable point noir, son article 40 qui prévoit que «la mise en place d'une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année prévue par un accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail». La majorité complète ainsi une loi de l'été 2008 qui permet de moduler la répartition du temps de travail - sans en changer le volume - par accord d'entreprise, mais nécessite l'accord individuel de chaque salarié : une condition que supprime cette nouvelle mesure.
Le salarié n'aura plus le choix
Désormais, «le salarié n'aura d'autre choix que d'accepter le chantage emploi contre nouveaux horaires et/ou baisse de salaire, sinon c'est le licenciement sans recours», dénonce la CGT. Outre le fait qu'il s'agit d'«une remise en cause du contrat de travail des salariés, sans contrepartie de salaire», «les nouveaux horaires peuvent s'avérer incompatibles avec la vie familiale d'un salarié», a fait valoir hier le député PS Jean-Michel Clément en défendant sans succès une motion de rejet du texte.
Opposition et syndicats y voient aussi un tour de passe-passe pour faciliter la mise en place des «accords compétitivité-emploi» sur lesquels Nicolas Sarkozy a sommé les partenaires sociaux de trouver un accord d'ici à mi-avril. «C'est un premier pas dans la volonté du gouvernement de permettre à l'employeur d'abaisser à la fois le temps de travail et la rémunération sans l'accord du salarié», a écrit le 6 février Jean-Claude Mailly (FO) à Bernard Accoyer, président de l'Assemblée. Lors des débats parlementaires, Alain Vidalies (PS) a lui aussi dénoncé «un antidote à une décision de la Cour de cassation» qui, dans un arrêt du 28 septembre 2010, tend à conforter la primauté du contrat de travail sur un accord d'entreprise, ce que veut justement remettre en cause l'exécutif pour donner plus de flexibilité aux entreprises.
Des négociations de dupe ?
Le 8 février, François Chérèque (CFDT) avait écrit à François Fillon pour réclamer la suppression de l'article 40, pointant qu'«il serait contradictoire que le Parlement légifère sur un élément de la négociation» compétitivité-emploi avec le patronat, qui a débuté mi-février, l'ouverture de cette négociation le rendant inutile. Rien à voir, a rétorqué par écrit Xavier Bertrand, ministre du Travail, aux syndicats : «Cette disposition est relative aux seuls aménagements du temps de travail et non, contrairement à la logique des accords de compétitivité-emploi, à l'articulation dans un même accord entre temps de travail, organisation du travail et rémunération». De fait, l'article 40 ne permet pas de modifier le volume global d'heures travaillées et n'aurait donc pas d'impact sur les salaires. «Si, au niveau national, les partenaires sociaux veulent faire évoluer l'article 40, nous procéderons à sa modification», a pour sa part assuré le député Warsmann.
Reste que ce bras de fer perdu risque d'accentuer la méfiance des syndicats dans les négociations sur les accords compétitivité-emploi qui doivent reprendre le 20 mars. «Soit on nous donne l'intégralité du débat, soit ce n'est pas la peine de négocier. En nous dessaisissant d'une partie du sujet, on veut nous laisser faire le sale boulot des baisses de salaires et de l'augmentation du temps de travail», dénonce la CGT.
(Source : Les Echos)
DERNIÈRE MINUTE : Les sénateurs et députés socialistes doivent saisir aujourd'hui le Conseil constitutionnel au motif que ce texte contient de nombreux cavaliers législatifs.
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