Les partenaires sociaux l'attendent avec une certaine anxiété et l'Elysée avec un appétit certain : Gérard Larcher rendra début avril le rapport sur une «réforme radicale» de la formation professionnelle commandé mi-janvier par Nicolas Sarkozy. Charge à l'ex-président du Sénat de trouver les moyens d'optimiser l'utilisation de ces 31 milliards d'euros, avec mission première de les orienter vers les demandeurs d'emploi.
Actuellement, 12% des fonds (3,8 milliards d'euros) leur sont consacrés et moins de 10% en bénéficient. Très insuffisant, tempête l'exécutif, en cette période de crise et alors qu'un chômeur formé sur deux retrouve un emploi stable dans les six mois [1]. Nicolas Sarkozy en a fait un thème de campagne en évoquant, mi-janvier, une «révolution» pour les chômeurs sans perspective de retour rapide à l'emploi : il propose de leur garantir une formation, obligatoire, vers les métiers d'avenir; en contrepartie, dans une logique de «droits et devoirs», le chômeur devra accepter un poste proposé dans ces métiers.
Gérard Larcher, qui achève ses consultations — il a vu le Medef la semaine dernière et rencontre l'UIMM cette semaine —, a précisé vendredi au Figaro son objectif : faire passer de 10% à 40% la part de chômeurs formés. Et ce par simple redéploiement des 25 milliards d'euros sur la table (il exclut de sa réflexion les 6 milliards consacrés aux fonctionnaires), sans augmenter les recettes et donc la contribution des entreprises, vent debout sur ce point. «On a beaucoup de formations qui coûtent très cher pour un petit nombre de chômeurs formés et qui ne sont même pas efficaces, précise son entourage. Le travail doit porter sur ce rapport coût-efficacité.» Ce qui passe par la remise à plat d'un système où la multiplicité des acteurs (Etat, régions, Pôle emploi, partenaires sociaux) est source d'incohérences et, au final, selon François Fillon, de «gâchis», avec en toile de fond de lourds enjeux de pouvoir pour le contrôle des fonds.
Gérard Larcher veut «territorialiser» la formation pour mieux adapter l'offre «aux besoins de chaque bassin d'emploi» — la CFDT préconise de créer des plates-formes locales réunissant l'Etat, la région et Pôle emploi. Il indique par ailleurs vouloir faire des OPCA des prescripteurs de formation, et non plus de simples collecteurs de fonds.
Dépassant le strict cadre de sa mission, il veut aussi profiter de son rapport pour faire entendre sa voix sur le financement des partenaires sociaux, en partie assuré par les fonds de la formation [2], et sur la représentativité patronale, deux sujets très sensibles.
Et indique ne pas être favorable au référendum évoqué par le chef de l'Etat en cas de «blocage» des partenaires sociaux sur la réorientation des fonds de la formation vers les chômeurs. «Je crois aux corps intermédiaires, ils sont utiles», explique celui dont le sens du dialogue est loué par les syndicats et le patronat. Une manière de les rassurer avant d'aborder les questions qui fâchent.
(Source : Les Echos)
NDLR :
[1] En y regardant de plus près, on note que l'enquête de Pôle Emploi sur la formation des chômeurs dit : «Si la majorité des reclassements à six mois (74%) se font sur des emplois dits "durables" (au moins un CDD de six mois), plus d’un quart le sont sur des emplois précaires (intérim, CDD inférieur à 6 mois…). [...] Ce sont les hommes, les jeunes ainsi que les demandeurs d’emploi les plus expérimentés, qui retrouvent plus fréquemment un emploi à l’issue des 6 mois qui ont suivi la fin de leur formation». Ce qui signifie clairement que les entreprises continuent à réintégrer les plus employables et que pour tous les autres, les formations ne sont d'aucune utilité à court, moyen ou long terme.
[2] Selon le rapport Perruchot issu de la commission d'enquête parlementaire sur le financement des organisations syndicales et patronales, les fonds de la formation professionnelle (Fongefor et préciput formation ponctionné sur la collecte des Opca) représentent environ les deux tiers de l'ensemble des fonds paritaires qui leur sont dévolus.
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