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Accord sur l'emploi : «Un jour sombre pour les droits des salariés»

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Comme d'habitude, les sociaux-traîtres CFDT et CFTC ont signé. Contre quelques miettes de droits nouveaux aux salariés, le texte renforce leur précarisation en accordant plus de sécurité… aux employeurs.

Au terme d'une journée marathon et de 3 mois de discussions, la négociation sur la sécurisation de l'emploi des employeurs a abouti hier soir à un projet d'accord entre le patronat (Medef, CGPME, UPA) et trois organisations syndicales : la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC. La CGT et FO ont dit non à ce texte déséquilibré, très largement en faveur du patronat.

Côté flexibilité, figurent notamment l'encadrement de feu les accords "compétitivité-emploi", devenus "accords de maintien dans l’emploi", permettant de baisser salaires et/ou temps de travail en cas de difficulté de l'entreprise (article 40 de la loi Warsmann), des mesures pour faciliter et "déjudiciariser" les licenciements, et la possibilité de restructurer sans plan social via une mobilité obligatoire. En contrepartie, de nouveaux droits sont octroyés aux salariés et aux chômeurs : généralisation d'une complémentaire santé, limitation des temps partiels, ou encore droits rechargeables à l'assurance-chômage.

Voici les principaux points qui, pour s'appliquer, devront être traduits dans la loi pour une promulgation fin mai.

Sécurisation des salariés et des chômeurs


• surcotisation chômage patronale sur les CDD
de "surcroît d'activité" de moins d'un mois (+3 pts), de 1 à 3 mois (+1,5 pts) et sur les très nombreux CDD dits d'usage, dérogatoires (+0,5 pt). Les contrats saisonniers, les CDD de remplacement et l'intérim, qui échappent à cette taxation, vont devenir plus avantageux : il aurait fallu taxer tous les contrats courts.
En échange, exonération de 3 à 4 mois — selon la taille de l'entreprise — pour l'embauche d'une personne de moins de 26 ans en CDI, et CDI pour les intérimaires à définir par la branche. Horizon : juillet 2013.

accès généralisé à une complémentaire santé collective, financée pour moitié par l'employeur, avec un panier "minimum" : 100% de la base Sécu pour une consultation, 125% pour les prothèses dentaires et forfait optique de 100 € par an. Mise en application : avant le 1er janvier 2016.

• "droits rechargeables à l'assurance-chômage"
pour que les chômeurs conservent une partie de leurs reliquats. Horizon : renégociation de la convention Unedic fin 2013 (ce qui laissera le temps aux opposants d'en empêcher l'entrée en vigueur). Maintien des droits santé et prévoyance pendant 12 mois pour les chômeurs. Mise en application : d'ici 1 à 2 ans.

• temps partiels
: minimum de 24h par semaine, à l'exception des salariés de particuliers employeurs et étudiants; lissage possible sur l'année. Majoration au-delà de la 1ère heure (10% ou 25% selon cas). Une durée d'activité inférieure est possible si le salarié le demande pour être au service de plusieurs employeurs.

• "mobilité volontaire sécurisée"
: avec accord de l'employeur, les salariés des entreprises de plus de 300 personnes, avec 2 ans d'ancienneté, peuvent "découvrir un emploi dans une autre entreprise" avec l'assurance du retour.

• "compte personnel de formation"
transférable, alimenté à raison de 20h/an dans la limite de 120h. Utilisable par les chômeurs. Horizon : 6 mois.

• voix délibérative pour 1 à 2 représentants de salariés
dans les organes de décision des grands groupes (5.000 salariés en France ou 10.000 dans le monde), une mesure qui ne concernera que 200 entreprises.

• accès des représentants de salariés à une "base de données unique" (investissements, rémunérations, flux financiers, sous-traitance, etc.) pour "anticiper", grâce à un "dialogue renforcé", les évolutions. Horizon : 1 an.

Flexibilité pour les entreprises


• accords "de maintien dans l'emploi"
: en contrepartie de l'engagement de ne pas licencier, une entreprise en difficulté peut conclure un accord majoritaire pour "ajuster" temps de travail et rémunérations, sans passer par un plan social si elle licencie au moins 10 salariés refusant ces changements. Durée : 2 ans maximum. Quand l'entreprise va mieux, elle doit "partager le bénéfice économique" de l'accord avec les salariés.

• des plans sociaux facilités, "fixés" (procédure et contenu) soit par accord majoritaire avec les syndicats, soit par une homologation administrative dans les 21 jours, avec des délais de contestation maximum préétablis.

• restructurations facilitées
: mobilité interne obligée, à salaire ou classification maintenus, si un accord d'entreprise l'organise (conditions d'éloignement, etc). Licenciement pour "motif personnel" en cas de refus.

• pour les licenciements individuels : en cas d'accord en conciliation aux Prud'hommes, "indemnité forfaitaire" à l'ancienneté (plafonnée à 14 mois de salaire pour 25 ans). Si pas de conciliation, le juge reste souverain.

prescription des contestations de licenciement après 2 ans (3 ans pour les litiges sur les salaires) au lieu de cinq auparavant.

• pour les entreprises de moins de 50 salariés : expérimentation du recours direct au CDI intermittent, alternant périodes travaillées ou non, dans trois secteurs (chocolaterie, formation, articles de sport).

• l'entreprise peut "privilégier", dans "l'ordre des licenciements" économiques, la "compétence professionnelle".

• Fermeture de sites rentables
: le texte énonce qu’"il convient d'envisager la recherche de repreneurs dès l'annonce du projet de fermeture" d'un site, pas d'obligation.

L'accord final à télécharger ici en pdf

(Source : L'Humanité)

NDLR : Soulagé, François Hollande a aussitôt salué ce "succès du dialogue social" qui lui a évité de prendre la main sur ce dossier. Comme l'avait prédit Jean-Claude Mailly de FO, soupçonnant le gouvernement de se défausser : «Je sens bien que du côté gouvernemental, ils aimeraient bien que les syndicats acceptent de la flexibilité pour qu’ils puissent la reprendre dans la loi sans qu’ils en soient responsables». C'est chose faite grâce à la CFDT, branche syndicale du Medef, et à la très suiveuse CFTC, deux organisations soi-disant "représentatives" des salariés, qualifiées de "réformistes" (traduire : à la compromission élevée, et au stylo toujours décapuchonné face au patronat), puisque trahir ceux que l'on devrait protéger est payant.

Comme le dit Gérard Filoche, «il n’y a rien de "gagnant-gagnant" là dedans ! Une taxe pour les contrats courts qui ne les touchera même pas tous, qu’est-ce à côté du droit fondamental de licencier sans motif ? Qu’est ce qu’une "complémentaire" santé privée, pour moitié à charge des salariés, à coté de l’acceptation de pactes de compétitivité baissant les salaires, allongeant les durées du travail et augmentant le nombre de chômeurs ?»

L'encensement de cet «accord» par les médias ne durera pas : il est régressif et, dans les jours à venir, quand le détail des mesures sera connu et décortiqué, tout le monde découvrira que Stéphane Lardy, négociateur de FO, avait raison en déclarant que ce vendredi 11 janvier fut «un jour sombre pour les droits des salariés».



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Mis à jour ( Vendredi, 25 Janvier 2013 14:16 )  

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