Le fait qu'en 2007 le niveau des inégalités ait battu le record de 1929, juste à la veille d’une grande crise financière, fait réfléchir les économistes. Ils sont de plus en plus nombreux à affirmer qu’il y a un lien entre les inégalités et les crises financières, comme le rapporte The Economist. L’hebdomadaire britannique présente plusieurs travaux qui soutiennent cette thèse.
Raghuram Rajan, de l’Université de Chicago, affirme que, du fait de la baisse du pouvoir d’achat des classes moyennes et populaires par rapport aux classes supérieures, l’Etat a laissé se développer le crédit pour leur permettre de compenser le décalage. Rajan souligne le rôle de Fannie Mae et Freddie Mac dans la bulle des subprimes, même s’il y a débat du fait du rôle des banques privées.
The Economist cite ensuite une étude de deux économistes du Fonds Monétaire International, Michael Kumhof et Romain Rancière. Pour eux, la croissance des inégalités mène systématiquement à une crise financière. En effet, la pression du capitalisme actionnarial sur les entreprises pousse à la compression des salaires, ce qui incite les ménages à emprunter pour maintenir leur pouvoir d’achat, créant une bulle qui augmente l’effet de levier du système financier. Puis il cite les travaux de deux économistes de l’Université de Chicago, Marianne Bertrand et Adair Morse. Ils ont étudié l’évolution de la consommation des ménages en fonction de leurs revenus. Ils en ont conclu que celle des ménages modestes est influencée par celle des ménages aisés. Par conséquent, si les revenus n’évoluent pas de la même manière, cela est compensé par un recours plus important à l’emprunt ou aux dépenses publiques.
Une histoire connue
Cette théorie n’est pas nouvelle. Dans son livre sur la crise de 1929, James Kenneth Galbraith soutient la même chose. Pour lui, la croissance des inégalités déforme les marchés. En effet, les ménages aisés consomment une part moins importante de leurs revenus et en placent une plus grande partie. Résultat, une augmentation des inégalités tend à augmenter la demande de placements, ce qui créé un déséquilibre sur les marchés financiers où l’offre ne suit pas. Du coup, les prix des actifs ont tendance à monter, créant une bulle financière et immobilière. L’effet est encore renforcé par le fait que les classes moyennes et populaires tendent alors à s’endetter pour compenser la stagnation (relative ou non) de leurs revenus, que ce soit pour leur consommation ou pour l’achat de leur logement. Assez naturellement, l’augmentation de l’endettement créé des déséquilibre qui peuvent alors provoquer une crise financière.
Bref, pour un développement économique harmonieux et durable, il est largement préférable que les fruits de la croissance économique soit bien répartis. Et s’il devait se poursuivre, le creusement des inégalités provoquera une nouvelle crise dans les années à venir.
(Source : Le blog de Laurent Pinsolle)
NDLR : Le jeune gaulliste Laurent Pinsolle découvre le fil à couper le beurre. Ce raisonnement a déjà été tenu par l'économiste Dominique Plihon — aujourd'hui “atterré” —, altermondialiste et président du conseil scientifique d'Attac, qui était invité sur le plateau de "C dans l'air" début octobre 2008 : il affirmait alors que — hors flambée du pétrole — la crise financière actuelle, issue des Etats-Unis et qui s'est propagée en Europe, est avant tout une crise du surendettement qui trouve ses racines dans la modération salariale pratiquée depuis un quart de siècle dans nos pays dits «développés». La répartition des richesses, de plus en plus mauvaise et favorisée par un chômage de masse, ainsi que la désastreuse culture du crédit sont le cocktail empoisonné qui nous entraîne systématiquement dans le mur.
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