La CFDT démarre aujourd'hui la dixième édition de sa campagne "Jobs saisonniers : vos droits ne sont pas en vacances". L'occasion de faire le point sur cette population très émiettée avec le sociologue Richard Dethyre, auteur de l'ouvrage «Avec les saisonniers» (éditions La Dispute). Interview.
Vous travaillez sur et avec les travailleurs saisonniers depuis longtemps. Quelles sont les caractéristiques de cette population ?
Parmi les 400.000 saisonniers, une partie sont des jeunes qui travaillent pendant leurs vacances, dont 41% disent travailler pour payer leurs charges et assurer leur quotidien pendant l'année, selon une enquête de la JOC réalisée en 2008. Les autres sont des professionnels du tourisme qui travaillent jusqu'à huit mois par an en plusieurs contrats et parfois sur plusieurs sites. Ce sont des salariés à la fois qualifiés et précaires. Ils n'ont en général pas choisi cette précarité, car le temps des « Bronzés font du ski » est révolu. Ils sont parfois employés au noir : 14% des jeunes saisonniers travailleraient sans contrat. Et quand ils sont déclarés, ils sont en CDD saisonnier, donc avec des droits réduits, sans parler de leurs conditions de logement, notamment. Il n'est pas étonnant que ce soit un désert syndical, malgré les efforts des confédérations.
Qu'entendez-vous par droits réduits ?
La nouvelle convention d'assurance-chômage est revenue sur l'interdiction d'être indemnisé au-delà de trois ans à cumuler les CDD saisonniers, mais le patronat va revenir à la charge en 2010. Il reste un double malus pour le salarié : il n'a pas de prime de 10% de fin de contrat comme dans les CDD classiques et il est indemnisé à peine plus de la moitié de ce que perçoivent les autres salariés alors qu'il cotise comme eux. Et puis, allez emprunter ou louer un logement avec ce type de contrat. La crise renforce encore tous ces inconvénients. Les gens prennent moins de vacances, donc les contrats sont plus courts et il est plus difficile de trouver du travail. Un certain nombre de saisonniers vont venir grossir les rangs des bénéficiaires du RSA.
Cette précarité n'est-elle pas inéluctable du fait de la saisonnalité ?Non. Nous avons engagé avec plusieurs associations intervenant auprès de saisonniers, dont notamment la JOC, un travail de réflexion qui doit aboutir dans un peu plus d'un an à la tenue d'un forum social des saisonniers auquel seront associés les syndicats. Il reste à inventer un statut du saisonnier qui permettrait de reconnaître l'intermittence de ces salariés. Il pourrait prendre appui sur le contrat à durée indéterminée intermittent (CDII) qui existe déjà, sous réserve de l'améliorer. Les saisonniers créent d'importantes richesses : la France accueille 78 millions de touristes chaque année pour un chiffre d'affaires de 140 milliards d'euros. Ils ne doivent pas être les oubliés de la sécurisation des parcours professionnels.
(Source : Les Echos)
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