Sans bruit, Pôle emploi prépare un grand chambardement. Le suivi mensuel personnalisé est définitivement enterré. A partir du 1er janvier, tous les demandeurs d'emploi vont être classés en trois catégories en fonction de leur éloignement de l'emploi. Et plus ou moins suivis ou convoqués en conséquence.
En comité central d'entreprise (CCE), lundi 19 et mardi 20 novembre, la direction a explicité aux syndicats de l'organisme comment allait s'opérer ce changement.
De 70 à 350 demandeurs d'emploi par conseiller
Les chômeurs les plus en difficulté — environ 180.000 — pourront bénéficier d'un "suivi renforcé" avec des conseillers qui ne compteront pas plus de 70 demandeurs d'emploi dans leur portefeuille. Deux à trois conseillers par agence se chargeront de ce suivi, selon plusieurs sources syndicales jointes par Le Monde.
Le reste des chômeurs se répartira entre un "suivi guidé", catégorie intermédiaire où les conseillers suivront chacun entre 100 et 150 inscrits, et un suivi "simple" qualifié d’"appui" pour les plus autonomes et "proches de l'emploi", avec des portefeuilles qui iront de 200 jusqu'à 350 demandeurs accompagnés essentiellement de manière dématérialisée. "Il s'agit d'une fourchette indicative qui pourra varier d'un bassin à l'autre et en fonction des saisons", explique-t-on à la direction de l'organisme.
Actuellement, un conseiller suit en moyenne 165 chômeurs, avec de grandes variations d'une agence à l'autre. Chaque demandeur d'emploi était censé bénéficier d'un suivi mensuel personnalisé, mais ce dernier n'a jamais pu être effectif faute de moyens. La direction de Pôle emploi espère qu'avec sa nouvelle méthode de suivi, les conseillers puissent consacrer leurs efforts à ceux qui en ont le plus besoin. Les 2.000 CDI supplémentaires promis à Pôle emploi par le gouvernement s'occuperont exclusivement du suivi "renforcé" [1].
Totale discrétion
Dans les prochaines semaines, tous les conseillers Pôle emploi de France devraient se plonger dans leur portefeuille pour tenter de déterminer dans quelle catégorie les chômeurs qu'ils suivent pourront être répartis. "La direction nous a dit qu'elle allait laisser une grande marge de manœuvre aux conseillers de chaque agence pour faire ce choix. Tout dépendra aussi de la situation du territoire. Sur certains, il y aura plus besoin que d'autres de suivis renforcés", affirme Dominique Nugues, délégué de l'UNSA Pôle emploi. En sachant que le suivi "renforcé" ne pourra pas concerner plus de 2.585 conseillers et que le suivi "simple" se fera en grande partie par Internet, la majorité des chômeurs devraient toutefois être orientés vers la catégorie intermédiaire.
Ce bouleversement se fait jusqu'ici dans une totale discrétion pour les chômeurs. Pôle emploi communique très peu, expliquant que tout doit se faire de manière progressive. "Il ne s'agit pas de créer des attentes que nous ne serions pas en mesure d'atteindre dès le 1er janvier", justifie-t-on à la direction. Les demandeurs d'emploi devraient donc être informés individuellement au fil de l'eau du suivi dont ils pourront bénéficier.
Consultés à l'issue du CCE, la majorité des syndicats de personnels se sont opposés à cette nouvelle modalité de suivi. "Donner beaucoup plus de marge de manœuvre aux conseillers pour réaliser l'accompagnement des demandeurs d'emploi est une bonne chose, mais on va avoir du mal à mettre en œuvre le suivi différencié avec le manque de postes actuel", explique Christian Fallet, délégué CFDT, qui s'est abstenu.
"Les demandeurs d'emploi devront être reçus physiquement au moins une fois tous les quatre mois. Avec 350 demandeurs d'emploi dans son portefeuille, cela fera tout de même plus de 70 rendez-vous par mois, tout en gardant le contact avec les 280 autres", abonde M. Nugues. "La segmentation des publics n'est qu'une gestion de la pénurie. Un million d'inscrits n'ont pas travaillé depuis plus de deux ans, et 350.000 chômeurs de plus devraient arriver en 2013", plaide de son côté Jean-Charles Steyger du SNU, qui a voté contre.
(Source : Le Monde)
[1] Parmi ces 2.000 CDI supplémentaires, 1.000 proviendront de la titularisation de CDD travaillant à Pôle Emploi depuis 6 mois ou un an, et 1.000 seront de nouvelles recrues à former. Sans remettre en question leur bonne volonté, il semble évident que ces nouveaux conseillers ne seront pas très chevronnés. Or, si ces 2.000 CDI supplémentaires devront s'occuper exclusivement du suivi "renforcé" — ce qui signifie que la majorité des 2.585 conseillers alloués à ce suivi pourtant plus complexe seront peu ou pas expérimentés —, on peut se demander à quoi il va ressembler, et s'interroger sur la pertinence de ce choix...
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