Si les entrées en formation promises par François Hollande se traduisent par une baisse du taux de chômage (catégorie A), les inscriptions massives des bénéficiaires du RSA exigées par les départements vont le faire exploser.
En habile tacticien, François Hollande a conditionné sa candidature en 2017 à l’inversion de la courbe du chômage. Pour ce faire, rien de plus simple quand on détient les clés du pouvoir : On ouvre grand les portes de la formation pour y laisser s’engouffrer 500.000, 700.000 ou 1 million de chômeurs qui, statistiquement, basculeront d’une catégorie à l’autre.
Le président espère ainsi (et obtiendra) une baisse significative des demandeurs d’emploi inscrits en catégorie A, celle qui détermine le taux de chômage mensuel en France.
Sur le papier, l’affaire semble pliée. 500.000 chômeurs sont en cours de «recrutement», souvent pour des stages qu’on leur refusait il y a moins d’un an. Même ceux qui sollicitent une formation fantaisiste ou ne répondant pas aux exigences fixées préalablement (correspondre aux opportunités d’embauche dans des métiers en tension) ont aujourd’hui la possibilité d’y accéder. Le but, on l’aura compris, est de désengorger la catégorie A, donc de faire baisser le taux de chômage.
À n’en pas douter, certains chômeurs y trouveront une porte de sortie pour peu que la formation qu’ils convoitent réponde à des postes vacants. Il est cependant probable qu’une majorité d’entre eux se retrouvera sur le carreau à son terme et rebasculera alors en catégorie A.
Dans combien de mois : 4, 5 ou 8 ? Qu’importe, entre temps le chômage aura baissé et la bataille des présidentielles sera lancée. Il reviendra à François Hollande ou à son successeur de gérer ce retour massif en catégorie A qui se traduira dans les statistiques au second semestre 2017.
Pourquoi alors affirmons-nous que le chômage va malgré tout augmenter sous peu ? Parce que les Conseils départementaux sont en passe de déjouer les plans pour inverser la courbe.
En juin, Le Monde nous apprenait que le département du Nord s’apprêtait à serrer la vis de ses allocataires RSA (information confirmée par Europe1 le 10 septembre) : «On s’est rendu compte que 45.000 bénéficiaires n’étaient ni suivis par Pôle Emploi ni par nos services», expliquait alors le centriste Olivier Henno. Ainsi 40% des 115.000 Rsastes du Nord ne sont suivis par personne ! Un chiffre ahurissant qui illustre la pagaille et l’absence d’accompagnement de dizaines de milliers de laissés-pour-compte.
Dépassé par son incapacité à canaliser ce tsunami, le Conseil départemental du Nord impose dorénavant à ses bénéficiaires RSA une inscription à Pôle Emploi. On peut alors supposer que dans les prochains mois des dizaines de milliers de personnes s’y inscriront contraintes et forcées. Autant de chômeurs qui jusqu’ici étaient «invisibles» dans les statistiques mensuelles.
En France, près de 2 millions de personnes perçoivent le RSA. Si 40% d’entre elles ne sont pas inscrites (pourcentage observé dans le Nord), 800.000 bénéficiaires seraient inconnus de Pôle Emploi. Si l’ensemble des départements les contraignent à s’y inscrire, le chômage en catégorie A devrait enregistrer une progression fulgurante malgré les entrées en formation évoquées plus haut.
Selon nos projections (forcément aléatoires), le taux pourrait bondir de 20% si tous les départements exigeaient l'inscription des bénéficiaires RSA, auxquels s’ajouteront les chômeurs dont les formations n’auront mené à rien.
Ce dossier explosif soulève d’autres questions. Ainsi le département du Nord admet implicitement qu’il verse le RSA à 45.000 personnes qu’il abandonne dans la nature, alors qu’il lui revient de leur proposer un accompagnement digne de ce nom. Une fois de plus, face à l’indigence des institutions, on fait porter aux victimes la responsabilité des dysfonctionnements. Car le discours du Conseil départemental du Nord laisse entendre que 45.000 Rsastes ne remplissent pas leur devoir d’insertion. Il s’agit ni plus ni moins d’une inversion des responsabilités, d’autant que la CAF et le ministère des Affaires sociales soutiennent sur leurs sites Web qu’il n’est pas obligatoire de s’inscrire à Pôle Emploi pour toucher le Revenu de Solidarité Active. Les départements doivent assurer par eux-mêmes le suivi des bénéficiaires ou, à défaut, les «renvoyer» vers Pôle Emploi.
Dans le contexte tendu que nous connaissons – nombre de collectivités se déclarent asphyxiées par la charge financière du RSA –, elles pourraient confier à Pôle Emploi l’accompagnement des centaines de milliers d'allocataires qui croupissent aujourd’hui dans les oubliettes des statistiques.
Cette information confirme que le taux de chômage est très largement sous-évalué. Le nombre de chômeurs sans aucune activité (l’équivalent de la catégorie A) dépasse les 4 millions depuis belle lurette.
Yves Barraud pour Actuchomage.org
Est-il obligatoire de s'inscrire à Pôle Emploi pour toucher le RSA ? Le débat est ouvert sur nos forums.
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