Figurant dans le projet de loi de finances rectificative pour 2005, qui arrive mercredi 7 décembre devant les députés, la première disposition, voulue expressément par Jacques Chirac lors de ses voeux aux Français en début d'année, vise à exonérer d'impôt les plus-values réalisées sur les actions détenues depuis plus de huit ans.
Soutenue par le gouvernement, la seconde disposition a été insérée dans le projet de loi de finances pour 2006, dont l'examen en seconde lecture à l'Assemblée commencera une dizaine des jours plus tard : il s'agit d'un amendement adopté le 25 novembre par le Sénat — avec les voix de la majorité et du PS — supprimant l'exonération fiscale dont profitent les plans d'épargne-logement (PEL) détenus depuis plus de douze ans.
Le gouvernement poursuit ainsi, par petites touches successives, une réforme largement passée inaperçue mais qui est de très grande portée, celle de la fiscalité de l'épargne. A la différence des réformes de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), qui ont alimenté de nombreuses controverses, celle de la fiscalité de l'épargne n'a, de fait, suscité pour l'heure aucune vague, car toutes les dispositions ont été égrenées progressivement depuis 2002, dans des supports législatifs différents.
Moins visible que les autres, cette refonte porte pourtant sur des enjeux financiers beaucoup plus importants. Et puis une même philosophie fiscale sous-tend toutes ces dispositions : au nom de l'efficacité économique, de nombreux avantages liés à la fiscalité des actions, celle qui profite aux revenus les plus élevés, ont été très sensiblement renforcés ; et, au risque d'écorner les principes de l'équité fiscale, de nombreux avantages liés à l'épargne dite réglementée, celle qui a la préférence des revenus moyens et modestes, ont été remis en cause. Sans, pour l'instant, que la gauche ne s'offusque des faveurs accordées aux uns et de la rigueur imposée aux autres...
L'ÉPARGNE RÉGLEMENTÉE
C'est l'épargne du plus grand nombre. Elle ne recouvre pas que les foyers modestes : tous les "petits" épargnants y ont recours. Or ses avantages ont été très fortement amoindris. De la baisse historique de rémunération du très populaire Livret A, survenue début août, jusqu'à fiscalisation progressive du PEL, qui va donc connaître un nouveau palier en 2006 si l'Assemblée ratifie la mesure sénatoriale, en passant par la suppression du plan d'épargne populaire (PEP) et son remplacement par un produit beaucoup moins avantageux pour les foyers modestes, le plan d'épargne-retraite populaire (PERP), une cascade de dispositions est intervenue depuis 2002. Beaucoup de ces mesures ont des justifications techniques (baisse des taux de marché, etc.), mais leur accumulation risque de faire débat, d'autant qu'en sens contraire, la fiscalité mobilière a été fortement allégée.
L'ÉPARGNE EN ACTIONS
Sans même évoquer les effets des autres réformes engagées (celles de l'impôt sur le revenu et de l'ISF, avec en particulier l'instauration d'un "bouclier" fiscal fixant à 60% des revenus le total d'impôts directs exigibles), de très nombreuses dispositions ont en effet été prises, allégeant fortement la fiscalité des foyers les plus aisés, notamment celle qui pèse sur les actions.
Le PEA. Avant toute mesure nouvelle, les détenteurs d'un plan d'épargne en actions (PEA) étaient déjà soumis à une fiscalité très avantageuse. Depuis 1993, la règle fiscale était la suivante : un couple pouvait investir sur un PEA jusqu'à l'équivalent de 180.000 euros en franchise totale d'impôt (impôt sur le revenu et sur les plus-values), le plafond de cette exonération suivant ensuite l'évolution des cours de Bourse.
Or, depuis douze ans, le CAC 40 a doublé. Pour les couples qui ont investi jusqu'au plafond dès le début, l'investissement totalement exonéré est donc dans l'intervalle passé de 180.000 à 360.000 euros. Au fil des ans, ce plafond initial de 180.000 euros pour un couple a lui-même augmenté pour atteindre actuellement 264.000 euros.
Le "super-PEA". Malgré les avantages considérables du dispositif précédent, d'autres mesures ont été décidées, conduisant à la création d'une sorte de "super-PEA" — même si officiellement aucun produit ne porte ce nom. En 2003, le seuil de cession en deçà duquel les plus-values sont totalement exonérées sur un portefeuille titres ordinaire (c'est-à-dire sans la moindre contrainte de blocage) a été porté de 7.500 euros à 15.000 euros.
Dans le cadre de la loi de finances pour 2004, une réforme de l'avoir fiscal a, de plus, été engagée, qui a eu pour conséquence de tripler l'effet de l'abattement sur les dividendes perçus. Cette mesure d'abattement sur les dividendes est de très grande portée, puisque, de facto, cela correspond à un allégement fiscal au niveau du taux marginal de l'impôt sur le revenu (40%).
Les plus-values. Le "collectif" budgétaire de fin d'année contient donc une disposition qui vise à une exonération totale des plus-values réalisées sur les actions au bout de huit ans de détention. Cette mesure nouvelle, également de très grande portée, doit venir se cumuler avec les précédentes. Autrement dit, passé ce délai, le prélèvement de 16% sera supprimé.
Les actions détenues par les contribuables assujettis à l'ISF. En plus du "bouclier" fiscal, la réforme annoncée prévoit que les cadres ou les dirigeants qui détiennent des actions de leur entreprise pourront les déduire, à hauteur de 75% de l'assiette de l'impôt, à partir de 2006. Cette mesure équivaut à un relèvement du seuil de déclenchement de l'ISF (732.000 euros en 2005). Le Sénat a par ailleurs élargi à l'épargne salariale les sommes profitant de cet abattement de 75%, ce qui va repousser encore plus haut le seuil de déclenchement.
L'assurance-vie. Une disposition récente prévoit que les vieux contrats d'assurance-vie en euros peuvent se diversifier en actions. La mesure dispose que les prélèvements sociaux sont alors payés non plus chaque année, mais à la sortie.
par Laurent Mauduit pour Le Monde
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