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RSA et épargne disponible : Il faut fixer un plafond !

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Les bénéficiaires du Revenu de solidarité active doivent déclarer le montant de leur «épargne disponible». Ensuite, 3% de ce montant - même modeste - est déduit de leur allocation. Un vrai scandale.

En guise d'explications, nous vous invitons à revenir sur cet excellent article de Politis, qui cite des exemples concrets et décortique parfaitement la manœuvre. Il s'agit, ni plus ni moins, d'une discrète taxation contribuant à un autofinancement du dispositif. Quoique marginal, le gain obtenu a des conséquences dramatiques pour ceux qui en font les frais.

Avant qu'on ne l'appelle RSA, le RMI était attribué en fonction des ressources du foyer : salaires, indemnités journalières, pensions et rentes… etc, déclarées trimestriellement. Etaient aussi considérés comme ressources les intérêts issus des placements bancaires non défiscalisés : ceux du Livret A ou du Livret d'épargne populaire n'en faisaient partie, puisque non imposables. Désormais, avec le RSA, c'est l'ensemble de la petite épargne - réglementée ou non, défiscalisée ou non - qui doit être déclaré et taxé.

Ainsi, une personne qui a reçu une indemnité de licenciement et l'a placée sur un Livret A, une personne dans la mouise qui a bénéficié d'un don de sa famille et l'a mis sur son LEP, une personne qui avait prudemment contracté une assurance-vie avant de sombrer dans l'exclusion professionnelle ou bien ouvert un compte d'épargne destiné à son enfant mineur, est désormais sanctionnée par l'amputation drastique de son allocation mensuelle.

3% : une escroquerie

En France, le Smic ne permet déjà pas de vivre : c'est pareil pour les minima sociaux. Ceux qui disposent d'un matelas de sécurité l'utilisent, dans le meilleur des cas, pour faire face aux impondérables; dans le pire, ils le grignotent en se versant un complément mensuel afin de subsister, une fois le loyer réglé...

Mais en France le RSAste, qui n'est plus un citoyen comme les autres, n'a pas le droit d'avoir quelques sous de côté : qu'il ait été prévoyant ou chanceux, au nom de l'égalité entre les pauvres, ses «capitaux» (car c'est considéré comme tel) doivent être taxés à hauteur de 3%… alors que les intérêts de la petite épargne sont loin d'atteindre ce taux actuellement !

Cette règle des 3% annuels figurait déjà dans l'article 7 du décret n°88-1111 du 12/12/1988 instaurant le RMI, puis a été reprise à l'identique dans les textes instaurant le RSA (voir article R132-1 du code de l'Action sociale et des familles). Du temps du RMI, pour des raisons techniques et juridiques, elle était peu appliquée : seuls les allocataires faisant l'objet d'un contrôle CAF spécifique étaient susceptibles d'y passer. A la faveur du RSA, les conditions d'application se sont durcies, la CAF ayant considérablemen t renforcé ses moyens de contrôle, notamment via l'interconnexion de fichiers avec le fisc qui lui permet désormais de fliquer chaque allocataire et de vérifier dans son dos le montant déclaré de son épargne.

Avec le RSA, la «règle des 3%» est désormais systématiquemen t mise en œuvre dans des conditions scandaleuses car la CAF ne respecte pas la loi au sens strict, qui prend en compte l'épargne de la manière suivante (article R132-1 du code de l'Action sociale et des familles) :
- soit les capitaux sont productifs de revenus, auquel cas l'allocataire doit déclarer lesdits revenus (ou intérêts) dans sa déclaration trimestrielle de ressources ou DTR;
- soit les capitaux ne génèrent aucun revenu, et la règle des 3% annuels s'applique : l'allocataire doit déclarer, à la rubrique "autre revenu" de sa
déclaration trimestrielle, une ressource égale à 0,75% desdits capitaux.
Or la CAF, dans ses formulaires de DTR, ne fait absolument pas la distinction entre les capitaux productifs de revenus et les autres. Elle applique indifféremment la règle des 3% à toute l'épargne déclarée par l'allocataire, même celle qui produit beaucoup moins de 3% d'intérêts par an. Il y a là un abus de droit manifeste, voire un délit pénal de concussion
.

Forfait logement : l'autre taxation

Le loyer est le poste qui pèse le plus lourd dans le budget des défavorisés. Imaginez l'enfer pour les minima sociaux qui, avec leur aumône de 460 € par mois, doivent choisir entre manger ou se retrouver à la rue.

En ce qui concerne les 95% de RSAstes qui ont la chance d'avoir encore un toit sur la tête et perçoivent de ce fait une aide au logement, on ampute mensuellement leur allocation d'un forfait qui s'élève, par exemple, à 55 € pour une personne seule (soit 660 € par an de revenu en moins : c'est toujours ça d'économisé pour la CAF !). En attendant, les Français instruits par les médias traditionnels sont persuadés que le RSA est à 455 € par mois alors que c'est un montant maximum qui ne concerne que 5% de ses bénéficiaires, les autres étant soumis depuis des lustres au fameux «forfait logement» - qui ramène leur allocation à 400 € - et, maintenant, à cette taxation sur l'épargne qui la rogne d'autant.

Aussi pourri et inquisiteur soit-il, le système Hartz4 en Allemagne prévoit, sous condition de respecter certaines normes locatives, la prise en charge intégrale du loyer+charges des allocataires de l'Alg2, équivalent outre-Rhin de notre RSA et qui s'élève à 345 € par mois. Tandis qu'en France, si l'allocataire-locataire est «libre» de loger où il peut et bénéficie d'une APL très insuffisante, on la lui donne d'un côté pour, d'un autre, en ôter une partie.

Faut-il fixer un plafond ?

Attention ! Qu'on veuille éviter de distribuer l'argent de la solidarité nationale à des personnes pauvres d'apparence mais pleines aux as par ailleurs, est tout à fait légitime : à l'instar de l'ensemble des prestations sociales, le RSA est de l'argent public destiné aux individus qui sont véritablement dans le besoin.

Mais dans la France de Sarkozy, croissant est le nombre de foyers qui ne sont pas du tout dans la gêne et bénéficient d'exonérations de toutes sortes : la loi Tepa - le «paquet fiscal» assorti de son «bouclier» - votée en 2007 et toujours en vigueur, nous prouve que même en période de crise, il n'est pas question de revenir sur des milliards offerts aux plus aisés tandis que les chômeurs en fin de droits vont sombrer dans la misère. Drôle d'idée que notre gouvernement se fait de la solidarité nationale : pendant que le fisc rembourse les plus riches, la CAF et les Conseils généraux taxent les plus pauvres.

Dans son paquet fiscal, Nicolas Sarkozy avait inclus une réforme des successions. Par exemple, un parent de moins de 65 ans (on se demande pourquoi) peut désormais faire une donation exceptionnelle jusqu'à 30.000 €, exonérée de droits, à chacun de ses descendants. Si un père, disposant d'une épargne conséquente et dont le fils majeur se retrouve au chômage, peut maintenant lui offrir jusqu'à 30.000 € nets d'impôt afin de l'aider à s'en sortir, pourquoi, en toute logique, ne pas harmoniser les seuils et fixer à 30.000 € un plafond d'épargne disponible accordé aux RSAstes, seules les sommes épargnées au delà pouvant être taxées ?

Repenser la notion de «ressources»

Bien sur, ce n'est qu'une idée, un énième pansement sur une jambe de bois. La non prise en compte par la CAF de la distinction fixée par la loi entre «capitaux générateurs de revenus» et «capitaux non productifs de revenus» constituerait le meilleur angle d'attaque pour remettre en cause les pratiques actuelles où celui qui dispose d'un pécule placé à la banque verra son RSA amputé alors que, selon le décret sur le «train de vie des RMIstes», le propriétaire d'un appartement à Paris, valant plusieurs centaines de milliers d'euros et utilisé à titre de résidence principale, ne subira aucune décote; même chose pour le propriétaire d'un véhicule haut de gamme d'une valeur neuve de 40.000 € !

En toute logique, pour le petit épargnant, seul le montant des intérêts doit être considéré comme «ressource». De plus, il n'y a aucune raison qu'il déclare à la CAF des intérêts qui ne sont pas imposés par le fisc, d'autant que l'interconnexion systématique des déclarations faites à la CAF avec les déclarations fiscales va clairement dans le sens d'un alignement de la notion de ressources sur celle de revenus imposables.

Il est donc urgent de repenser la notion extrêmement floue de «ressources» pour lui substituer celle de «revenus fiscaux» : ne seraient ainsi déduits du RSA que les sommes imposables perçues par l'allocataire. Ce qui exclurait d'emblée toute la petite épargne placée sur des comptes y compris défiscalisés.

C'est tout le système qu'il faut mettre à bas !

Car il est globalement/volontairement mal fichu et indigne. C'était déjà comme ça avant la crise; avec celle-ci, son injustice est criante. Des millions d'euros de plus-values faiblement taxées vont dans la poche d'une élite usurpatrice (lire ici); d'autres euros, soi-disant au nom de l'emploi, sont dilapidés par milliards et sans contrepartie (lire là), le tout échappant aux caisses de l'Etat… qui tente de s'en tirer en spoliant les victimes de la crise, les plus durement touchées qu'on flique et qu'on accule. Il faut que cela cesse !

Revenons en Allemagne. Celle-ci vient d'être condamnée par son conseil constitutionnel à repenser tout son système d'allocations sociales. Le gouvernement d'Angela Merkel doit en revaloriser les montants et en réviser les conditions d'attribution d'ici le 31 décembre prochain : un sacré revers dont nous espérons qu'il fasse tâche d'huile. Car sur ce point la France, pays des Droits de l'homme, ne respecte pas non plus sa propre Constitution et ses textes fondateurs. Elle ne vaut finalement pas mieux que ceux à qui elle ose régulièrement donner des leçons.

SH

Article mis à jour le 1er mars 2010 suite aux précieuses informations livrées par nos commentateurs ci-dessous, que nous remercions.

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Mis à jour ( Jeudi, 19 Janvier 2012 14:35 )  

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