MOINS d'un demi-euro par mois pour un salaire équivalant au Smic : c'est l'augmentation de la cotisation à l'assurance-chômage (0,04% du salaire pour les employés et autant pour les entreprises) que le patronat et, jusqu'à présent, trois syndicats ont décidée la semaine dernière. Ce douloureux compromis faisait dire (sans rire) jeudi aux représentants du Medef que le poids de l'effort consenti pour sortir l'Unedic de la panade avait été " équitablement " réparti entre salariés, entreprises et sans-emploi.
Le bizutage de Laurence
En échange de cette augmentation, les conditions d'accès aux allocations seront plus drastiques encore à compter du 1er janvier. Concrètement, 28.900 chômeurs vont perdre leurs allocs en 2006, parce que les patrons et certains syndicats de salariés n'ont pas voulu mettre quelques centimes de plus dans le système.
Comble du ridicule : ces 48 centimes jetés dans la sébile de l'assurance-chômage ont donné lieu à d'intenses marchandages au sein du Medef et à une bagarre homérique entre le syndicat des patrons et Force ouvrière. Laurence Parisot vient ainsi de passer un sale quart d'heure, quelques mois seulement après son élection à la tête du Medef. D'abord, l'héritière du baron Seillière a claironné un peu trop vite qu'elle représentait aussi les toutes petites boîtes, ce que la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), qui participe aussi aux négociations sociales n'a pas digéré. Et ses dirigeants le lui ont sèchement fait savoir. Puis, sans excès de diplomatie, Laurence Parisot a balayé la proposition de la même CGPME d'augmenter très légèrement la cotisation (0,2% répartis fifty-fifty entre entreprises et salariés). D'où un grand coup de colère du patron des PME, Jean-François Roubaud. Selon lui, sans augmentation des cotisations décidée avec les syndicats, l'Etat risque de prendre les choses en main.
Lutte des classes au Medef
Plus ennuyeux pour la toute jeune présidente du Medef : Denis Gautier-Sauvagnac, leader de la très puissante Union des industries de la métallurgie, était lui aussi favorable à une - modeste - revalorisation. Et c'est lui qui conduisait la délégation du patronat.
Face au risque de jacquerie, Laurence Parisot a finalement accepté une mini-augmentation des cotisations. Ce recul lui a permis de mesurer le fragile équilibre des forces au sein de l'empire patronal. "II faut bien qu'elle apprenne son métier", ricane un ancien du syndicalisme à la Seillière. Et d'ajouter perfidement que la patronne des patrons a adhéré au Medef il y a seulement deux ans, à la veille de son entrée au conseil exécutif, où elle avait été cooptée. A en croire ce grognard, c'est un peu court pour mener à la baguette les représentants des stars du CAC 40 et des anciens maîtres de forges.
La CGPME, quant à elle, n'est pas mécontente de ce recul de la cheftaine du Medef. Car Laurence Parisot, tout en se présentant, selon ses dirigeants, comme la pasionaria des petites boîtes, offre sur un plateau le Medef aux représentants des multinationales. Ainsi quatre très grands patrons feront leur entrée au conseil exécutif du syndicat des tauliers le 15 janvier : Anne Lauvergeon (Areva), Jean-Paul Bêchât (Safran, issu de la fusion entre Snecma et Sagem), Philippe Houe (Galeries Lafayette) et Michel Pébereau (BNP Paribas). Pas vraiment des petits boutiquiers qui conduisent la camionnette pendant que leur conjointe tape les factures.
Fin de lune de miel
Le bilan est tout aussi calamiteux concernant les relations avec FO. Laurence Parisot tenait à inaugurer son mandat par une grande embrassade avec Jean-Claude Mailly ("patron" de FO), et le premier contact entre les deux dirigeants promettait. Pour cette opération séduction, Denis Gautier-Sauvagnac était sur la même longueur d'ondes. Lors d'un long aparté, dans l'interminable nuit de discussion du 21 au 22 décembre, avec le chef de la délégation FO Jean-Claude Quentin, le négociateur du Medef accédait à une de ses demandes : une contribution de 1,25% du salaire brut serait instaurée sur les CDD afin de permettre à leurs titulaires de bénéficier, ensuite, de stages de formation pouvant aller jusqu'à un an.
Surprise ! Quelques heures plus tard, le texte final proposé par la délégation patronale n'incluait pas cette augmentation. D'où un clash assez théâtral avec la délégation FO. Entre-temps, selon certains dirigeants patronaux, Laurence avait dit "niet". Du coup, Jean-Claude Mailly refusait d'apposer sa signature au bas de l'accord. On en était là après le week-end de Noël. Et l'heure n'était plus aux cadeaux.
Alain Guédé - Le Canard Enchaîné
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