C'est l'opération a priori parfaite. En rachetant pour 2 milliards d'euros les 21% d'Alstom détenus par l'Etat, Bouygues initie une nouvelle diversification dans l'énergie à la satisfaction quasi générale.
Celle du gouvernement, tout d'abord, qui sort du capital d'Alstom, deux ans après l'avoir sauvé de la faillite, et deux ans avant la date limite imposée par Bruxelles en échange de l'acceptation du plan de sauvetage. L'Etat empoche au passage une plus value de 1,26 milliard d'euros bien utile en ces temps d'endettement public record. Et stabilise l'actionnariat d'un des fleurons de l'industrie française en transmettant le témoin à un compatriote qui s'est engagé à rester au moins 3 ans. Soit une nouvelle victoire du patriotisme économique.
Celle d'Alstom ensuite, qui est en passe de clore avantageusement une restructuration difficile à laquelle Bruxelles avait posé des conditions. Outre la cession d'actifs à hauteur de 10% du chiffre d'affaires – un objectif bien engagé avec la vente des chantiers navals de l'Atlantique annoncée en janvier -, il trouve en effet en Bouygues le partenaire industriel également exigé par la Commission. Car les deux groupes envisagent de «développer ensemble des projets intégrés en proposant des solutions combinant le génie civil de Bouygues et les équipements d'Alstom». Autre avantage, ce nouvel allié affirme qu'il n'a pas l'intention de monter à plus de 33% du capital. Si l'on y ajoute le fait qu'Alstom devrait publier le 17 mai un bénéfice net de plus de 150 millions d'euros – son premier exercice bénéficiaire depuis 6 ans –, on peut estimer que le groupe dirigé par Patrick Kron peut voir l'avenir en rose.
Reste que Bouygues n'est évidemment pas le moins satisfait de l'opération. Après les routes (Colas), la télévision (TF1) et la téléphonie mobile (Bouygues Telecom), le groupe français de BTP entame en effet une nouvelle diversification, cette fois dans l'énergie. L'entrée au capital d'Alstom s'accompagne de la création d'une filiale commune à 50/50 sur le marché des centrales hydroélectriques, dans laquelle il va investir de 100 à 200 millions d'euros. La nouvelle société, qui héritera des activités hydroélectriques d'Alstom, représente un chiffre d'affaires annuel de départ de 800 à 1 milliard d'euros. Pour le groupe de Martin Bouygues qui rêvait de participer à la privatisation d'Areva, laquelle a été reportée sine die, c'est plus qu'une consolation. Car au-delà de l'hydroélectricité, il peut en effet espérer, via Alstom, quand même mettre un pied dans le nucléaire. Mais il affirme également son intérêt pour les énergies alternatives, qui présentent un fort potentiel de développement dans le contexte de la flambée pétrolière. Au final, Bouygues affirme pouvoir financer cette diversification grâce à sa trésorerie disponible, sans procéder à une augmentation de capital et sans dégrader sa notation financière. Martin Bouygues a par ailleurs balayé les spéculations sur un éventuel retrait de l'activité télécoms, devenue moins porteuse de croissance.
Apparemment, l'optimisme de tous les partenaires de l'opération était partagé par les investisseurs financiers, enfin, qui ont salué l'accord par une hausse de 5,30% de l'action Alstom et de 2,21% de l'action Bouygues. Le tout dans un marché en baisse de 0,74%. Seuls les syndicats, finalement, émettaient des avis discordants. Jean-Christophe Le Duigou, un des secrétaires confédéraux de la CGT, a ainsi déploré le désengagement de l'Etat d'Alstom, en s'inquiétant des conséquences sur l'emploi.
(Source : L'Express)
Articles les plus récents :
- 05/05/2006 03:54 - Les principales mesures de la convention Unedic-ANPE
- 03/05/2006 14:32 - Les précaires au pays du profit
- 03/05/2006 13:40 - L'immigration est stable depuis dix ans
- 01/05/2006 23:01 - Clearstream : l'avis d'Arnaud Montebourg
- 29/04/2006 14:50 - Travailleurs de l'Est : dumping social ?
Articles les plus anciens :
- 27/04/2006 13:17 - L'Unedic recense des fraudes massives
- 26/04/2006 12:48 - Il n'y a pas qu'en France où l'on recule devant la rue !
- 25/04/2006 15:48 - Dis-moi ton prénom, je te dirai ta profession
- 24/04/2006 18:47 - Etat : 59% des fonctionnaires pour une réforme
- 24/04/2006 16:59 - Le gouvernement reporte sa présentation du «plan seniors»