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Le pire ennemi des profits est-il le plein emploi ?

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ATTENTION : cet article fait l'objet d'un différend initié par Guillaume de Baskerville, notre spécialiste du NAIRU (voir ses sites :http://lenairu.blogspot.comhttp://lenairu.free.frhttp://linflation.free.fr) avec l'auteur du présent article ainsi qu'AgoraVox quant au contenu et à l'origine des sources - non mentionnées - dans le texte, et issues pour une partie non négligeable du travail présenté dans les sites ci-dessus. Plus d'infos bientôt...

Le chômage est un redoutable moyen de cœrcition entre l’Etat et le patronat, et constitue le meilleur moyen d’imposer la paix sociale et le contrôle des salaires par le biais de la précarité.

OUI, le pire ennemi des profits financiers, c’est le plein emploi. En effet, si l’on veut continuer à garantir aux investisseurs 15% de ROI (return on investment), il faut savoir le générer de quelque part. Dans un contexte macroéconomique qui génère allègrement 5% de croissance à l’échelle planétaire et difficilement 2% en Europe, il faut peser sur les coûts afin de combler le «gap». La rémunération du travail étant perçue comme un coût, il faut la minimiser en faisant en sorte que l’emploi soit une denrée rare.

Mais existe-t-il un nombre magique qui permette de fixer le point à partir duquel la pression sociale/salariale, les profits et le taux de chômage sont tels qu’ils optimisent [2] l’inflation ? Ce nombre magique existe et a un nom : c’est le NAIRU [3] ou taux de chômage d’équilibre ou encore taux de chômage «naturel». Le postulat de départ est le suivant : lorsqu’on s’approche du plein emploi, la capacité des salariés à négocier des augmentations de salaire s’accroît, les entreprises répercutent le coût du travail plus élevé sur les consommateurs, et l’économie est entraînée dans une spirale infernale salaires-prix. Le NAIRU permet de modéliser la croissance potentielle du PIB (la croissance au delà de laquelle il ne faut pas aller, au risque de faire croître l’inflation), et il est admis que s’il n’y a pas de croissance il y a du chômage potentiel.

L’obsession des économistes et des banquiers centraux est la lutte contre l’inflation (la crise de 29 a laissé des traces indélébiles). L’administration européenne en a également fait son cheval de bataille : stabilité des prix (Traité de Maastricht), la lutte contre l’inflation est un bien commun de l’Union au même titre que l’euro (Traité de Lisbonne). Dans ce contexte la BCE a statutairement pour principal objectif de maintenir la stabilité des prix au détriment de tout autre paramètre, y compris le niveau d’emploi. Comme le dit Modigliani [4] lui-même : «La BCE est responsable du taux de chômage élevé en Europe, [...] la BCE programme le chômage». Chaque fois qu’un banquier central augmente ses taux d’intérêts ou qu’il décide de ne pas les baisser en situation de diminution de l’activité économique (mesurée par le PIB), il sait qu’il met au chômage les catégories les plus vulnérables de la population.

Mais pourquoi la lutte contre l’inflation est-elle importante ? L’inflation, c’est l’augmentation du niveau général des prix, c’est ce qui donne sa valeur à l’argent, et l’argent doit garder cette valeur dans le temps afin de pouvoir transférer/garder les richesses; or, s’il y a trop d’inflation, l’argent perd de sa valeur. Ce qui en soi est une mauvaise chose pour les créanciers, et a contrario une aubaine pour les débiteurs.

En fait, le chômage n’est rien d’autre qu’une variable d’ajustement économique au service du politique. Avec tous les effets négatifs ou positifs, selon sa position dans les «castes» socio-économiques que cela implique sur le taux d’emploi, sur la perte de vitalité de nombre de territoires européens, sur la réduction de rémunération du travail et sur l’augmentation de celle du capital.
Dans le même esprit qui fait que l’externalisation (outsourcing) permet à une entreprise de transformer ses coûts fixes en coûts variables de façon à pouvoir mieux maîtriser sa capacité relative à générer des profits indépendamment du volume de son activité économique, le NAIRU permet de modéliser la croissance potentielle de façon à ce qu’elle ne soit pas supérieure au point à partir duquel l’inflation augmente, c’est-à-dire à partir duquel l’unité de valorisation du capital baisse. C’est aussi dans cette même logique de variabilisation des coûts fixes que s’inscrivent le CPE, le travail temporaire, la filière des stages, les contrats à durée déterminée et autres formules visant à assouplir et à fluidifier le travail.

Plus efficace que la variabilisation des coûts fixes, il existe la mondialisation. Car c’est cela, la mondialisation : une réorganisation du travail à l’échelle planétaire, parce que cela permet aux grandes entreprises, en supprimant toutes les barrières, de trouver une main-d’œuvre docile, de qualité dans certains cas, et en tout cas à un coût défiant toute concurrence, dans des pays dans lesquels on est certain que les travailleurs ne pourront pas se syndiquer ni revendiquer d’augmentations de salaires.

L’inflation se définit normalement comme une hausse durable du niveau général de tous les prix (c’est-à-dire des prix de tout ce qui s’échange, s’achète et se vend dans une économie), dans les faits, l’inflation est mesurée par l’indice des prix à la consommation. On serait en droit de se demander pourquoi l’augmentation/diminution des valeurs mobilières (actions, obligations) et des valeurs immobilières (bâtiments, sicafi) n’est pas prise en compte dans le calcul des prix à la consommation. Parce qu’un bien de consommation, par définition, perd de sa valeur avec le temps (vous le revendrez sans doute moins cher un an après l’achat), alors qu’un investissement est par définition (ou par convention) supposé correspondre à l’inverse. Or le système financier, comme nous l’avons déjà souligné, transfère dans le temps les plus-values produites par les investissements. Il serait donc contre-productif de tenir compte, dans le calcul de l’inflation, d’un paramètre qui a pour vocation d’augmenter, puisque, ce faisant, il viendrait augmenter l’inflation qui, par voie de conséquence, diminuerait la valeur de l’investissement. De plus, comme le fait remarquer l’économiste Friedman : «Si les ménages sous-estiment le taux d’inflation effectif, ils seront enclins à offrir plus de travail, puisqu’ils surestiment le salaire réel proposé, ce qui les conduit à accepter des propositions d’emplois qu’ils refuseraient si leurs prévisions étaient correctes.»

Pour être complet, voici une autre définition du taux naturel de chômage non accélérateur d’inflation : norme qui fait monter ou baisser la Bourse en fonction du nombre d’emplois créés ou détruits.

Toutefois, dans certain pays, l’utilisation du concept du NAIRU n’est pas très répandue. En Belgique, par exemple, cela résulte sans doute en partie du fait que le taux de chômage observé a été la plupart du temps significativement plus élevé que le NAIRU au cours des vingt dernières années. En 2003, le NAIRU pour la Belgique était de 7,2% alors que le taux de chômage était de 12,3%. De façon générale, pour le reste des pays qui sont attentifs à ce paramètre, le taux de chômage reste de 1,5% supérieur au NAIRU.

Au-delà du discours économico-financier, ne nous voilons pas la face, il y a un inquiétant problème d’emploi. Les jeunes ont des problèmes d’emploi, mais aussi les femmes, les immigrés, les personnes de plus de cinquante ans... Bref, tout le monde a un problème d’emploi, et de précarité relative. Or le travail est le meilleur rempart contre la pauvreté [5]. Ne serait-il pas urgent que nos élus osent poser la question de la finalité de l’organisation politique d’une société ?
L’actuelle, complètement focalisée sur la maximisation des profits à court terme au bénéfice de la finance mondialisée, ou une autre, qui pourrait permettre de mettre l’humain d’une façon pérenne au centre des préoccupations... Certes, le marché est utile, et ses contraintes sont génératrices de dynamique créatrice de valeurs. On ne peut cependant lui laisser libre champ, toujours et partout, dès lors que cela met en cause la stabilité même de nos sociétés humaines et leur capacité à assurer leur cohésion sociale.

[2] Objectif de Maastricht : inflation <2% an
[3] Non accelerating inflation rate of unemployment, taux de chômage minimum qui n’accélère pas l’inflation.
[4] Créateurs du concept du NAIRU (les économistes Franco Modigliani et Lucas Papademos, qui est aussi vice-président de la BCE depuis 2002)
[5] 14,8% de la population belge appartient au groupe présentant un risque élevé de pauvreté (revenu disponible <777€/mois)

par Luigi Chiavarini pour AgoraVox

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Mis à jour ( Dimanche, 28 Mai 2006 15:27 )  

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