Les deux auteurs y réclament la suppression du droit individuel à la formation (DIF, 20 heures de formation par salarié et par an), créé par les partenaires sociaux et repris par la loi Fillon du 4 mai 2004. Ils l'estiment d'une durée bientrop courte pour pouvoir améliorer les perspectives professionnelles.
Reprenant à leur compte les critiques déjà formulées par de nombreux experts, MM. Cahuc et Zylberberg décrivent une formation professionnelle des adultes "à la dérive", un système "opaque, éclaté, complexe et trop peu transparent pour assurer efficacement l'adaptation de la main-d'oeuvre et la promotion sociale", devenu "profondément inefficace et inéquitable".
Particulièrement peu redistributif
Trente-cinq ans après l'adoption de loi du 16 juillet 1971, qui a instauré un droit à la formation sur le temps de travail et fait obligation aux employeurs d'y consacrer un certain pourcentage de leur masse salariale - 1,6% en 2005 pour les entreprises de plus de dix salariés et 0,55% pour les autres -, l'accès à la formation reste l'apanage des salariés les plus qualifiés, âgés de moins de 50 ans, et travaillant dans les grandes entreprises.
A contrario, les salariés des PME, les personnes peu qualifiées (surtout lorsqu'elles sont au chômage) et les quinquagénaires en bénéficient peu. Autrement dit, le système français, assis sur un droit universel et indifférencié, est particulièrement peu redistributif puisqu'il profite aux personnes déjà les mieux formées.
Parmi ses nombreux "défauts", l'étude mentionne "un amoncellement de dispositifs orchestrés par une multitude d'acteurs (Etat, collectivités locales, partenaires sociaux, associations…), des financements publics importants dont l'efficacité est totalement inconnue ; des financements privés prélevés et redistribués selon des règles peu transparentes". "Ce n'est pas tant le montant des financements publics qui pose problème", précise-t-elle, que "l'absence d'une vraie culture de l'évaluation de leurs effets".
Les auteurs critiquent les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), gérés par les syndicats et le patronat, qui collectent, gèrent et mutualisent les fonds versés par les entreprises. Ces OPCA, qui ont réuni 4,18 milliards d'euros et environ 45% de la dépense des entreprises en 2003, possèdent "un pouvoir exorbitant dans l'orientation du marché de la formation professionnelle". Il en résulte "de fortes distorsions de concurrence", soulignent-ils.
Revenir aux formations longues
Forts de cette analyse, MM. Cahuc et Zylberberg proposent une transformation radicale du système avec l'abandon du principe "former ou payer", qui impose aux entreprises de s'acquitter de leur dépense légale de formation et, si elles ne le font pas, de payer une taxe. Ils préconisent d'y substituer des subventions financées à partir du budget de l'Etat.
Le service public de l'emploi et de la formation professionnelle serait réorganisé autour d'une agence qui s'appuierait sur "des opérateurs externes, mis en concurrence et rémunérés en fonction de leurs résultats" en matière de réinsertion des chômeurs et de stabilité des emplois trouvés. Un guichet unique serait créé pour les chômeurs, ballottés entre l'ANPE, l'Unedic et l'Association pour la formation des adultes (AFPA).
La France étant un des pays européens qui consacrent le plus d'argent à la formation, il convient plutôt, selon eux, de réorienter la dépense publique "en offrant à des publics en difficulté des formations longues, intensives et ancrées dans le secteur marchand". Sur la foi d'enquêtes menées notamment en Amérique du Nord et dans différents pays d'Europe, les deux auteurs font valoir en effet que seuls "des programmes ciblés, longs et coûteux peuvent améliorer significativement les perspectives d'emploi et de salaires des adultes les moins qualifiés".
(Source : Le Monde)
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