(...) L’analyse de ces différents matériaux d’enquête montre que les raisons d’aimer son travail l’emportent largement sur celles de le détester, et la place du travail dans la société et la vie des individus n’est pas près de se réduire. Mais le fait d’aimer son travail n’éteint pas la critique des injustices qui s’y développent ; parfois même, plus on aime son travail, plus on est critique.
Au nom de l’égalité, deux grandes familles de critiques se dégagent. La première dénonce les conduites de «caste» et le déni du respect de base dû à des égaux : les distances sociales sont vécues comme blessantes et irrespectueuses : «ceux d’en haut», les cadres, les diplômés, les riches, traitent «ceux d’en bas» comme une humanité inférieure, comme des personnes qui n’auraient ni les mêmes besoins, ni les mêmes aspirations que les autres, comme des travailleurs indignes, invisibles et interchangeables. À des degrés divers, ce sentiment d’injustice-là se diffuse et s’étend à toute la structure sociale. Il atteint les diplômés déclassés, la plupart des femmes, les employés des grandes organisations dont les «rangs» ne sont pas respectés, les travailleurs manuels, ceux qui sont au service d’autrui.
Le second type de critique est sensiblement différent. Il dénonce moins l’inégalité des positions sociales elles-mêmes que l’inégalité des chances permettant aux individus d’accéder équitablement à la «lutte des places». Ce sont les «challengers», les femmes, les migrants et les jeunes, qui s’inscrivent dans une logique dite libérale de l’égalité. Ainsi, le monde du travail apparaît-il injuste à double titre : d’une part des inégalités de castes se superposent aux inégalités fonctionnelles tenues pour normales, d’autre part, l’égalité initiale à l’entrée dans la division du travail n’est pas assurée.
Le principe du mérite entraîne aussi un ensemble de critiques relativement distinctes. La plus violente reste celle de l’exploitation issue d’un sentiment de profond déséquilibre entre les contributions et les rétributions et, plus encore, celle provoquée par le fait que ce déséquilibre serait une spoliation. Ce sentiment émerge particulièrement chez les ouvriers dont les conditions de travail sont les plus dures et chez ceux dont le revenu est directement et quotidiennement indexé sur leurs performances. Ensuite, le mérite se mesure au plus proche et quand les individus se comparent entre eux, le principe du mérite ouvre alors une chaîne continue de frustrations relatives engendrant un monde de jalousies et d’envies.
Enfin, tous soupçonnent les épreuves qui mesurent le mérite : favoritisme, persécutions, passe-droit. Mais la vigueur de ces critiques n’efface pas l’emprise du principe du mérite et l’on dénonce toujours et partout la négation du mérite par l’organisation du travail. Ainsi, en dépit de son apparente clarté et de son emprise, le principe du mérite est-il un des moins stables qui soit. Le mérite est-il la bonne volonté ou la performance, comment articuler notamment le mérite professionnel et le mérite scolaire ? (...)
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