Il faut «qu'un chômeur sur deux se voie proposer une formation dans un délai de deux mois» après la perte de son emploi, a déclaré lundi le chef de l'Etat. Lui aussi a décidé de lancer une réforme de la formation professionnelle qui devra être prête «à la fin de l'année», à l'issue d'un processus de concertation avec les "partenaires sociaux" — patronat et syndicats jaunes, de plus en plus illégitimes et capables du pire...
Déplorant qu’«aujourd'hui, un chômeur sur quatre [puisse] passer quinze mois à Pôle Emploi sans se voir offrir une formation» (ce qui signifie que pour les trois autres, c'est le néant), «on va doubler les moyens pour que très rapidement une formation soit proposée», a-t-il promis.
Tel les chiens qui pissent par dessus l'urine de leurs prédécesseurs afin de marquer leur territoire, chaque président a son désir de "réformes"... En 2011, Sarkozy s'était — tardivement — réveillé. Face à la montée du chômage, il avait déclaré que Pôle Emploi recevrait «dans les trois mois» tous les chômeurs de longue durée afin de leur proposer «soit une formation qualifiante, soit un emploi» (en fait, des ateliers bidons et des pauvres CUI). Agitant l'idée d'un référendum sur les droits des chômeurs, dans la droite logique les accusant d'être responsables de leur situation et de profiter de leurs allocs sans rien faire, il comptait les obliger à accepter une formation sous peine de ne plus être indemnisés alors que, suite à un véritable parcours du combattant, moins de 10% d'entre eux réussissaient à en décrocher une ! Puis, juste avant de quitter l'Elysée, il avait confié à Gérard Larcher l'élaboration d'une «réforme radicale» de la formation professionnelle, poisson d'avril qui a fini dans un tiroir (et c'est tant mieux, vu les penchants de l'ancien président à l'improvisation et à déshabiller Pierre pour habiller Paul).
Alors voilà : comme son prédécesseur, François Hollande envisage de mettre de l'ordre dans «un maquis de 55.000 organismes qui gèrent un pactole de 32 milliards d’euros» et un système peu efficace car inégalitaire, laissant de côté ceux qui en ont le plus besoin : les salariés les moins qualifiés et, bien évidemment, les chômeurs. Y parviendra-t-il ? Affaire à suivre.
La formation, pansement sur une jambe de bois ?
La formation est-elle un remède au chômage de masse tel que nous le vivons actuellement ? Rien n'est moins sûr. Selon une enquête de Pôle Emploi, en 2011, un chômeur sur deux ayant suivi une formation déclarait être en activité six mois après, même si, pour beaucoup, il ne s'agissait que d'un emploi précaire. «Ce sont les hommes, les jeunes ainsi que les chômeurs les plus expérimentés qui retrouvent plus fréquemment un emploi à l’issue des 6 mois qui ont suivi la fin de leur formation», disait l'étude. Ce qui signifie clairement que les entreprises n'intégrent que les plus "employables" et que pour tous les autres, les formations ne sont d'aucune utilité à court, moyen ou long terme. A l'heure où Pôle Emploi recense 2 millions de chômeurs de longue durée devenus "inemployables" aux yeux des recruteurs, on se demande à quoi ça va rimer. En effet, à quoi sert-il de suivre une formation s'il n'y a pas l'emploi derrière pour mettre rapidement à profit ce que l'on vient d'apprendre ? A quoi sert-il d'investir de l'argent là-dedans si l'emploi ne suit pas et qu'au final, la formation n'aura été qu'une d'activité occupationnelle parmi d'autres ?
En outre, de quelles formations parle-t-on ? Année après année, bien avant l'arrivée de Nicolas Sarkozy et de sa fusion qui n'a rien arrangé, les formations longues et qualifiantes ont disparu de la circulation au profit de modules courts (4 mois en moyenne), des "formations commando" essentiellement centrées sur les "métiers en tension" (ce qui limite considérablement le choix de ceux qui veulent se reconvertir), tandis que les budgets ont été drastiquement réduits. Pas plus que le précédent, le gouvernement actuel n'a la fibre écologique et, de fait, aucune stratégie industrielle à développer : dans ces conditions, sur quels nouveaux secteurs/métiers d'avenir pourrait-on miser, quelles formations — autres que ciblées sur ces "métiers en tension" fallacieusement définis par l'enquête BMO de Pôle Emploi — pourrait-on prodiguer ? C'est toujours le néant.
Enfin, à l'heure où quelque 1.000 nouveaux chômeurs s'inscrivent chaque jour à Pôle Emploi et où le nombre d’"inemployables", seniorisés avant l'heure, explose, le projet a tout d'une gageure. Mais François Hollande aura pissé par dessus l'urine de Nicolas Sarkozy, jusqu'à ce que son successeur recouvre le tout de sa propre miction. Pendant ce temps, le gâchis financier — et surtout humain — n'aura pas cessé.
SH
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