Dans la rue, une agitation inhabituelle. Un huissier de justice représentant la mairie, des policiers, quelques journalistes, et un collectif de Sans domicile fixe. Le 20 janvier 2006, place du Ravelin à Toulouse, des SDF ont scié un arceau disposé au milieu d’un banc public. Une action symbolique pour protester contre la politique menée par la ville à l’encontre des indésirables. Un «acte de vandalisme, selon la mairie. Les bancs ne sont pas faits pour qu’on s’allonge dessus».
Le message est limpide. Pour la première fois, des élus reconnaissent publiquement la finalité du mobilier urbain actuel. Non pas accueillir les individus dans l’espace public, mais en exclure certains. «C’est devenu systématique, on cherche à cacher la misère», s’insurge Daniel Terrolle. Depuis quinze ans, cet anthropologue enquête sur les conditions de vie des sans-logis : «Sous couvert d’évolution esthétique, on rejette les exclus», dit-il. Aussi, fleurit dans toutes les villes un mobilier urbain «avant-gardiste». Des fontaines dont les jets d’eau arrosent les alentours, des barres circulaires scellées sur les bordures des massifs de fleur, des pics disposés sur les rebords de certaines banques… le dispositif est varié.
«Ça rend l’espace violent. Socialement, ils visent les plus démunis, mais ils sont subis par tous», renchérit Gilles Pathé. En 2003, il a co-réalisé un court métrage intitulé "Le Repos du fakir" dans lequel un personnage tente tant bien que mal de s’allonger sur ces nouveaux composants urbains, devant certains magasins, des bâtiments administratifs et dans les couloirs du métro parisien.
La RATP a justement été pionnière dans la transformation de son mobilier. Aujourd’hui, pour attendre son métro paisiblement, il faut s’installer sur des mini-sièges spécialement creusés pour une paire de fesses et séparés les uns des autres de 60 cm, ou alors contre des appuis tubulaires en métal baptisé du doux nom de «miséricordes». La Régie des transports parisiens assume sa politique. Ses cahiers des charges précisent que le mobilier est fait pour accueillir les voyageurs, et eux seuls. «Nous sommes une entreprise commerciale en compétition avec d’autres moyens de transport, confie Yo Kaminagai, responsable du design. L’attractivité du réseau est très importante. Nous ne voulons pas imposer à la majorité une cohabitation dont ils ne veulent pas. Le métro n’est pas organisé pour que les gens puissent y rester longtemps.»
La RATP est loin d’être isolée dans cette chasse aux indésirables. Municipalités, organismes publics ou entreprises de transports, tous mettent en pratique la théorie de «situation prévisionnelle» imaginée par Oscar Newman dans les années 1970. Selon cet architecte américain, il existe des espaces criminogènes qu’il faut aménager pour endiguer la délinquance. Le mobilier urbain n’est que la partie visible d’une vaste évolution du design urbain censé sécuriser l’espace public. «Par exemple, on arrête de construire des halls traversant dans les grands ensembles qui pourrait faciliter la fuite, explique Jean-Pierre Garnier, sociologue. Les paysagistes dessinent des tracés circulatoires pour faciliter des rondes de police.» Et de conclure : «Les pouvoirs publics ne maîtrisent pas les conditions générales qui favorisent le développement des violences . Alors ils se rabattent sur l’aménagement du cadre bâti. Mais toute démarche qui prétend résoudre des problèmes sociaux en les réduisant à une question de forme urbaine est vouée à l’échec.»
(Source : www.poivrerouge.org)
L'espace urbain sous contrôle : des exemples en image.
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