C'est une impression assez trompeuse. Le «paquet fiscal» tel que soumis au Conseil d'Etat pourrait laisser croire que le gouvernement de Nicolas Sarkozy s'est converti à une politique de relance de la demande. Keynésienne. Presque de gauche, comptant sur un accroissement du pouvoir d'achat immédiatement disponible pour relancer la consommation, donc la croissance, donc le pays.
Seulement voilà : entre la déduction des intérêts d'emprunt, la défiscalisation des heures supplémentaires ou l'accroissement du bouclier fiscal, quiconque serait bien en peine de dire ce que fabrique le gouvernement Fillon. Seule certitude, le «choc de croissance» vanté au sommet de l'Etat va coûter entre 11 et 19 milliards d'euros au budget de l'Etat en année pleine. Soit 1 point de PIB. Dont il n'est pas acquis qu'il se reportera sur la consommation et donc améliorera les comptes de l'Etat et les déficits. Et finira par rendre les Français plus riches, pour ceux qui ont du travail.
Bon sens. A droite, sous le sceau de la confidentialité, les parlementaires orthodoxes en matière budgétaire, couinent. «J'ai du mal à voir ce qu'on fabrique», dit l'un d'entre eux. Un autre, invoquant un devoir impérieux de se taire à 48 heures des élections législatives, explique cependant : «Bon, il y a des éléments positifs qui vont dans le sens d'une politique de relance par l'offre. La mesure sur les heures supplémentaires, elle, stimule la demande. C'est bien. Mais on va tâcher de recadrer tout ça pendant le débat parlementaire.»
Recadrer, c'est-à-dire bien mesurer si la dépense en vaut la peine. Jean Arthuis, le sénateur UDF de la Mayenne, parle plus franchement. Et regrette, lui, que les mesures n'aillent pas assez dans un sens franchement libéral. «Il fallait plus de réformes structurelles, dit-il. La déduction de 50.000 € de l'ISF contre un investissement dans une PME va dans le bon sens.» Pour le reste, le «choc de croissance», il «ne l'a pas vu...».
Casse-tête. La crainte d'un dérapage maintenant inévitable des comptes publics fait dire aussi à droite que finalement, «il va falloir se mettre au boulot sur la faisabilité de la TVA sociale plus vite que prévu», note un député. C'est le scénario noir du «paquet fiscal». «Une situation qui se dégrade, une augmentation de la TVA d'un point, une TVA sociale de l'autre pour soulager les entreprises, prédit Michel Sapin, député et chargé de l'économie au PS. Au final, Nicolas Sarkozy aura mené une politique de classe.» Une politique de classe que les socialistes chiffrent à 19 milliards d'euros. Et qui pose au-delà de ses objectifs de justice sociale un vrai casse-tête législatif.
En 2004, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Economie et des Finances, avait fait voter un texte stipulant que les éventuels surplus fiscaux dégagés en fin d'année devaient uniquement servir à désendetter l'Etat. Trois ans plus tard, difficile de savoir si une cagnotte potentielle servira bel et bien à désendetter ou bien à financer ces nouveaux cadeaux. «Il peut s'asseoir sur ses propres règles, dit un expert. Mais on le fera savoir.» Ce qui veut dire qu'à défaut de pouvoir utiliser cet argent, c'est le déficit budgétaire qui va se creuser. Difficile par ailleurs d'imaginer que le gouvernement trouvera l'équivalent, dans les six mois à venir, en économie sur le train de vie de l'Etat ou sur le nombre de fonctionnaires.
La gauche fustige une politique à destination de ceux qui peuvent faire des heures supplémentaires, au détriment des chômeurs. A destination aussi de ceux qui peuvent s'endetter pour acheter un appartement, ou peuvent donner de grosses sommes d'argent à leurs enfants et donc exclut d'office ceux dont l'amélioration des revenus passe directement dans la consommation. Pas exactement ce qu'on peut attendre d'une politique qui se pare des atours de Keynes.
(Source : Libération)
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