En réalité, Tout Va Augmenter... même les profits !
Revenons d’abord sur le raisonnement économique qui est à l’origine de cette idée :
• la TVA est un impôt qui s’applique à tous les produits vendus en France, importés ou produits localement,
• les charges sociales, quant à elles, ne pèsent que sur les entreprises françaises,
• si donc on diminue les secondes en compensant par une augmentation des premières, on renforce la compétitivité des entreprises françaises, on relance la production et on lutte contre les délocalisations.
A cet argumentaire économique, la droite s’est lancée ces jours-ci dans une justification politique. Afin de justifier que cela réduira le coût du travail, on nous dit que les entreprises paieront moins de charges sociales sur les salaires qu’ils versent à leurs salariés. Mais d’un autre côté, afin de répondre aux craintes qu’en augmentant la TVA on porte un coup dur au pouvoir d’achat des Français, on nous explique que ce ne sera pas le cas, puisque d’un autre côté les salariés paieront moins de charges sociales sur leurs salaires. Deux arguments largement contradictoires et qui jouent sur la confusion entre charges patronales, payées par les entreprises, et charges salariales, payées par les salariés.
C’est évidemment les charges patronales qui bénéficieront de la mesure, on ne pourrait dans le cas contraire parler de baisse du coût du travail - c’est-à-dire du coût de revient pour l’entreprise d’un salarié. D’ailleurs, l’aide de camp Fillon parle maintenant, et très opportunément, de "TVA anti-délocalisation" : il s’agit bien d’alléger les charges des entreprises et d’en faire payer la note par les consommateurs - et les salariés, quant à eux, n’y gagneront rien.
Cette TVA sociale est donc constituée de deux mesures largement indépendantes : d’un côté l’allégement des charges patronales - et c’est bien pourquoi il serait en réalité plus juste de parler de "TVA patronale" plutôt que "sociale" -, d’un autre côté, le financement de cette baisse par une augmentation de la TVA. Envisageons ces deux mesures, l’une après l’autre.
Pour ce qui concerne l’allégement des charges patronales, ce n’est de loin pas la première fois que la droite s’essaie à cette mesure, sans avoir pourtant jamais rencontré le succès : les salaires ne s’en sont jamais trouvés augmentés, les entreprises françaises n’en ont jamais été plus compétitives, les délocalisations n’en ont jamais été freinées, pas plus que le rythme des licenciements. Mais, soyons justes, il est vrai que les profits ont pu largement poursuivre leur augmentation constante.
On notera à ce sujet que Ségolène Royal proposait de cibler les allégements de charges sur les entreprises qui en ont besoin, par exemple les petites et très petites entreprises, ainsi que de demander le remboursement de tels allégements aux entreprises qui choisiraient ensuite de délocaliser. Rien de tel bien entendu dans le projet du gouvernement Fillon : on va continuer d’arroser uniformément l’ensemble des entreprises, en pure perte et sans contre-partie.
Pour ce qui concerne le financement de ce cadeau aux entreprises, l’augmentation de la TVA, notons d’abord que Fillon évoque une augmentation de 5 points, ce qui porterait donc le taux de la TVA à 25,6%, ce qui est un taux tout à fait délirant. Souvenons-nous également que ce taux était de 18,6% avant que Mr Juppé ne le porte à 20,6% en 1995, puis que Mr Jospin la réduise en 1997 à 19,6%. Dans un cas comme dans l’autre, si toute l’augmentation ne se retrouve pas en augmentation des prix, l’expérience montre que 60 à 70% de l’augmentation de la TVA se répercute effectivement sur les prix à la consommation, ce qui pénalise d’autant le pouvoir d’achat des ménages. Pour les plus pauvres, cela correspondra à des fins de mois encore plus difficiles. Pour tous ceux-là, il sera nécessaire de travailler beaucoup plus - si l’opportunité leur en est donnée - pour simplement vivre moins bien...
Ainsi, d’une part on allège le coût du travail avec pour conséquence l’augmentation des profits des entreprises, et d’autre part on augmente la TVA avec pour conséquence une diminution du pouvoir d’achat des ménages. Mais ce n’est pas tout.
Il faut également noter qu’augmenter la TVA correspond à augmenter l’impôt le plus fondamentalement injuste : non seulement c’est un impôt non redistributif - il est proportionnel, contrairement à l’impôt sur le revenu qui est lui progressif (plus votre revenu est important, plus vous payez plus d’impôt) - mais en sus, c’est un impôt qui ne pèse que sur la part consommée des revenus, et non sur la part épargnée - plus votre revenu est important, plus votre capacité d’épargne est grande et donc moins vous payez de TVA.
Il est là aussi intéressant d’avoir à l’esprit que ce même gouvernement vient d’annoncer la semaine passée qu’il allait consacrer 15 milliards d’euros par an pour alléger les impôts des plus riches - et à la marge des classes moyennes les moins défavorisées : il s’agit de l’instauration d’un bouclier fiscal, de la suppression des droits de succession et de la défiscalisation d’une partie des intérêts d’emprunts.
Ainsi, il est important de remettre ici en lumière l’engagement de Nicolas Sarkozy de ne pas augmenter la part globale des prélèvements obligatoires. On comprend bien aujourd’hui que si en effet, peut-être, le total des prélèvements obligatoires n’augmenteront pas, ce sera d’une part pour favoriser les entreprises (baisser les charges) au détriment des ménages (augmenter les impôts), et ce sera d’autre part, au sein des ménages, pour favoriser les plus aisés (intérêts d’emprunt, droits de succession, bouclier fiscal) au détriment des plus en difficultés (augmentation de 5 points de la TVA).
Il s’agit bien d’une politique de droite. La même que celle qui est mise en oeuvre dans notre pays depuis 2002. En pire. Et connaissant les résultats obtenus (explosion de la dette, creusement record des déficits sociaux, déficit record du commerce extérieur, accroissement de l’échelle des salaires et de la fracture sociale, augmentation constante des précarités…), on peut gager que ce sera la même chose cette fois encore. En pire.
par Dedalus pour AgoraVox
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