La polémique sur la fiabilité des chiffres du chômage publiés se poursuit. Après l'organisme de statistiques européen Eurostat, les personnels de la DARES et le collectif Les Autres Chiffres Du Chômage (ACDC, composé de chercheurs et de syndicalistes), c'est au tour de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) de faire vaciller un peu plus la confiance dans le chiffre publié chaque mois par le gouvernement, et dont la seule et unique source de calcul est la statistique provisoire de l'ANPE.
Ainsi, la baisse du chômage depuis la mi-2005 serait plus faible que ce qu'affichent les statistiques officielles. "L'amélioration de l'emploi aurait bien eu lieu (- 1,1 point de taux de chômage) mais aurait été de moindre ampleur que ne le laissent penser les statistiques provisoires (- 1,8 point)", affirme Mathieu Lemoine dans une analyse publiée mardi dans La Lettre de l'OFCE. Le taux de chômage devrait ainsi s'établir à 8,9% de la population active en avril 2007, et non à 8,3% comme l'affirme le gouvernement sur la base des chiffres de l'ANPE. Mais il faudra attendre septembre pour en avoir la certitude du fait du report de la publication de l'enquête emploi par l'INSEE, qui aurait dû avoir lieu en mars.
L'argument avancé par la direction de l'INSEE pour justifier ce report est la fragilité des résultats collectés. Or, selon Mathieu Lemoine, "l’erreur se situerait surtout du côté des estimations provisoires publiées actuellement". Car la statistique administrative n'est pas neutre : elle reflète la manière dont l'ANPE, qui applique la politique de l'emploi, accompagne les demandeurs d'emploi. Depuis mi-2005, plusieurs changements sont intervenus dans la prise en charge des chômeurs. La modification des règles d'indemnisation par l'Unedic, l'augmentation du nombre de radiations administratives du fait de la mise en place des entretiens mensuels par l'ANPE, le raccourcissement des délais d'actualisation de la situation des chômeurs ou le basculement de demandeurs d'emploi dans une autre catégorie que la 1 (chômeurs immédiatement disponibles à la recherche d'un CDI à temps plein), ont eu pour conséquence d'accroître le nombre de chômeurs exclus du calcul du taux mensuel, qui recouvre la seule catégorie 1, selon l'OCDE. Il en est résulté une baisse du chômage "amplifiée".
Pour restaurer la confiance dans les chiffres du chômage, "il faudrait que l'INSEE abandonne les estimations mensuelles fondées sur les statistiques de l'ANPE et publie à une fréquence trimestrielle un taux de chômage mesuré avec l'enquête emploi", conclut Mathieu Lemoine. D'autant que, rappelle l'économiste, les principes du BIT "exigent que la mesure du chômage ne dépende pas des sources administratives".
(Source : La Tribune)
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