N'appréciant pas l'efficacité ni la médiatisation des interventions du bureau soissonnais de l'Inspection du travail (lire en commentaire), Edith Errasti a "épinglé" ses méthodes qu'elle juge «régaliennes» lors d'un conseil exceptionnel de la communauté d'agglomération, promettant que «l'équipe va changer très prochainement» au profit d’«une équipe plus souple et plus équitable», à l'égard notamment «des commerçants et des artisans».
Un dérapage verbal que n'a pas apprécié Bruno Labatut-Couairon, inspecteur du travail soissonnais et président national CFTC des inspecteurs du travail : «Les déclarations de Mme Errasti sont de nature à dresser les gens les uns contre les autres, et je le déplore. L'Inspection du travail ne met pas de timbre-amende : dans 90% des cas elle demande la régularisation des infractions, tout particulièrement en matière de durée du travail. Alors, certains de ceux qui refusent de régulariser tentent d'intervenir dans la procédure en actionnant leurs réseaux. C'est la particularité de la délinquance en col blanc. Ce qui est grave dans cette affaire, c'est que le premier magistrat donne voix à ce chapitre !»
«L'Inspection du travail fait respecter la concurrence en ne permettant pas à ceux qui faussent le jeu de continuer dans l'infraction. Par exemple en ne rémunérant pas les heures supplémentaires, ce qui est qualifié de travail dissimulé», poursuit-il. De fait, «en donnant du crédit aux quelques employeurs qui font du chantage à l'emploi, Mme Errasti n'a qu'une image partielle du dossier». Un exemple : «Pas plus tard que mardi, j'ai été saisi à propos du courrier adressé à Edith Errasti par un employeur. Il se plaint d'être harcelé par mon service. Dans la réalité, il s'agit de relances afin de permettre à l'employeur de régulariser ses infractions au lieu de recommander des poursuites judiciaires à son encontre !»
Une attitude irresponsable. Le syndicaliste soissonnais met aussi les pendules à l'heure à propos du "changement d'équipe" : «Contrairement au bruit qui court, personne ne peut déplacer un inspecteur du travail sans l'aval de la commission administrative paritaire. Pour ce qui me concerne, j'ai obtenu récemment ma mutation devant cette commission. Quant au second départ, c'est une mise à la retraite. Il ne s'agit donc pas d'un changement d'équipe mais de l'arrivée de deux nouvelles têtes sur un effectif de quatre», explique Bruno Labatut-Couairon. Et de conclure : «J'aurais préféré que Mme le maire soit plus présente dans des dossiers constructifs plutôt que de faire des déclarations inutiles et d'adopter une attitude irresponsable.»
Pour sa part Christiane Delahaye, contrôleuse du travail à Soissons et en instance de départ à la retraite, déplore les mots du maire. D'autant, dit-elle, «qu'en 35 ans de carrière au ministère du Travail, c'est la première fois qu'un élu local se permet de remettre en cause notre probité.»
Les syndicats protestent eux aussi. «Nous apportons un soutien total à l'Inspection du travail de Soissons qui doit appliquer le droit du travail et par là même, le droit des salariés», a affirmé Philippe Camacho de l'Union locale CGT. Un soutien partagé par son homologue CFTC Thierry Depret pour qui «aujourd´hui, on attend de Mme Errasti qu'elle donne des exemples d'employeurs ayant eu à subir le prétendu acharnement de l'Inspection.» Partagé aussi par Richard Touyre pour l'Union locale CFE-CGC : «Mme Errasti n'a pas analysé tout ce qu'on lui a rapporté. Dans cette affaire, elle a fait preuve d'un manque total de mesure et de discernement.»
(Source : L'Union du 23 juin)
NDLR : pour le célèbre inspecteur du travail Gérard Filoche, 85% du travail dissimulé est constitué des heures supplémentaires non rémunérées ni déclarées par les employeurs (lire en commentaire). Beaucoup de salariés peuvent se reconnaître dans cette injustice. Sans compter le considérable manque à gagner pour l'URSSAF... et pour la création d'emplois.
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