Jean-Marc Morandini : J’ai moi-même posé cette question : où était en ce moment Nicolas Sarkozy ? Vous souhaitez répondre à tous ceux qui se plaignent de ce silence présidentiel en ces temps difficiles...
Frédéric Bonnaud : Mais oui ! Il avait raison, son porte-parole - qui n’est pas Laurent Ruquier -, disons que les gens ne sont jamais contents ; quand il parle trop il est omnipotent, et quand il parle pas, il ne fait rien. À vrai dire, Jean-Marc, on ne voit pas bien pourquoi Nicolas Sarkozy s’exprimerait aujourd’hui sur cette grève des fonctionnaires qui sont inquiets pour leur pouvoir d’achat. Il faut quand-même se mettre à sa place : c’est une revendication catégorielle. Or, Nicolas Sarkozy est fonctionnaire, que je sache, et question pouvoir d’achat, avec la petite augmentation qu’il s’est auto-augmenté-là, vous savez, ces dernières semaines de ce côté-là, tout va bien. Pourquoi voulez-vous qu’il fasse grève, cet homme ? En fait je trouve que l’ambiance rappelle celle d’après la campagne de 1995, vous vous souvenez, quand Jacques Chirac avait été réélu avec ce slogan génial qui était «la fracture sociale». Au bout d’à peu près la même période, 6, 7 mois, on s’est aperçu que Chirac ne faisait rien pour la fracture sociale. Et personne ne serait allé lui dire : Dis quelque chose sur la fracture sociale. Jacques Chirac disait en privé : les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Eh ben Sarkozy, c’est exactement pareil. Il a fait campagne sur le pouvoir d’achat, toute la campagne était sur le pouvoir d’achat avec cette formule que j’adore : «travailler plus pour gagner plus». Que voulez-vous qu’il dise, Jean-Marc ? Eh ben non, il ne tient pas ses promesses. Voilà, les promesses n’engagent que ceux qui y croient. J’ai regardé hier sur France 2 "Complément d’enquête" (d’ailleurs c’est l’émission de notre rédacteur en chef Benoît Duquesne), il y avait un reportage fascinant sur Neuilly. On oublie toujours ça, nous avons élu à 53% le maire de Neuilly, la commune la plus riche de France. Et ce maire de Neuilly, ses meilleurs copains, c’est des patrons du CAC 40. Il y a des gens qui sont étonnés qu’il fasse sa politique pour ses administrés de Neuilly et pour ses copains du CAC 40. Mais il faut vraiment être absurde pour être étonné de ça. Les gens sont incroyables, Jean-Marc.
Jean-Marc Morandini : Mais c’est le rôle du président, de s’occuper des choses vraiment importantes...
Frédéric Bonnaud : Mais il s’occupe des choses vraiment importantes, c’est clair ! Le président appartient à une oligarchie financière, et il s’occupe de cette oligarchie financière. Par exemple on a appris que le 16 novembre (c’était vendredi dernier), il a reçu les journalistes des Echos, qui étaient un peu inquiets, paraît-il, qu’est-ce qui va se passer, et patati, et patata, parce que vous savez le journal Les Echos, premier quotidien économique de France, est racheté, Jean-Marc, par Bernard Arnault, grand copain de Nicolas Sarkozy, ça a été son témoin de mariage et il était à la fameuse nuit du Fouquet’s où aucun de nous trois était invité. Donc Bernard Arnault achète Les Echos, et qui nomme le rédacteur en chef, le grand patron ? Nicolas Sarkozy ! Et après on va me dire qu’il ne fait rien, que soit-disant il suit la grève. Non, il a reçu les journalistes des Echos vendredi dernier à l’Élysée. On a eu le script de la conversation et il leur a annoncé, très calmement, qu’il nommait lui, Nicolas Sarkozy, Nicolas Beytout à la tête des Echos. Voilà c’est vraiment un président qui fait tout : il nomme même les chefs de rédaction !
Jean-Marc Morandini : Nicolas Beytout, qui était au Figaro avant. Finalement, ça doit être Bernard Arnault qui doit être content que le président s’occupe si bien de lui !
Frédéric Bonnaud : Bernard Arnault est très, très très content ! Voilà, il faut arrêter de se plaindre. Est-ce qu’il manifeste, Bernard Arnault, l’homme le plus riche de France ? Mais pas du tout. Il ne manifeste pas. Parce que figurez-vous qu’en douce, il y a eu une réforme de la fiscalité des dividendes. Alors c’est très compliqué, je ne vais pas vous expliquer, mais j’ai quand-même bien compris le résultat. Donc ça concerne les revenus versé par les entreprises à leurs actionnaires. Or, on apprend qu’il va y avoir une très très nette baisse fiscale pour ces gens qui touchent beaucoup beaucoup de dividendes. C’est ainsi que Bernard Arnault, donc un des meilleurs amis du président, a touché la coquette somme en 2007 – pas des salaires, Jean-Marc, se sont des dividendes - de 327 millions euros. Il faut le répéter : 327 millions euros. C’est pas des slotys, c’est pas des yens, c’est pas des francs anciens ou nouveaux, ce sont des euros, 327 millions d’euros. Et grâce à cette petite réforme de la fiscalité des dividendes, vous savez combien il va économiser, Bernard Arnault, pour l’année 2007 ? Il va économiser 19 millions 560 mille euros, soit 1.000 ans de salaire annuel d’un Français. Et ensuite on nous dira que le président ne fait pas son travail, n’applique pas le programme pour lequel il a été élu. Vous savez, faire des cadeaux fiscaux aux riches, c’est très simple. Augmenter le pouvoir d’achat des pauvres, c’est beaucoup plus difficile. On est en train de s’en apercevoir.
(Source : Europe 1)
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