Le 6 septembre 2007, lors de son discours de Colmar, Nicolas Sarkozy a donné le ton en annonçant la mise en œuvre d’un «gigantesque plan contre la fraude au chômage», laissant entendre que celle-ci est une pratique généralisée chez les chômeurs. Ce même jour, le Président de la République a cru bon d’en rajouter une couche bien nauséabonde : «À la fin du mois, celui qui travaille ne peut pas avoir la même situation que celui qui ne travaille pas». Ben voyons !
Lire ici l’analyse que nous fîmes de ce discours scélérat…
Des provocations saluées par le patronat
En ce début d’année, en guise de vœux aux millions de personnes qui galèrent pour trouver un VRAI emploi, Nicolas Sarkozy persiste et signe en annonçant que les chômeurs seront sanctionnés «en cas de refus de deux offres acceptables», laissant entendre, là encore, qu'ils refusent de travailler malgré les propositions qu'on leur ferait. Cette déclaration de guerre aux chômeurs (mais pas au chômage !) a immédiatement été saluée par le président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) Jean-François Roubaud, qui s'est félicité de la volonté du Président de la République. Et ce dernier d’user d’un argument massue qui justifierait cette chasse aux fainéants : «Je suis tout à fait d'accord puisque nous avons 400.000 offres d'emploi (500.000 selon le Medef - NDLR) qui ne sont pas pourvues dans les métiers comme l'informatique, les services à la personne, l'hôtellerie/restauration, le bâtiment, les travaux publics».
Une passivité pour le moins suspecte
Les propos du Président de la République et des représentants de la CGPME et du Medef, nous inspirent la réaction suivante : Nous dénonçons formellement le mensonge des 500.000 emplois non pourvus qu’on nous assène depuis maintenant 3 ans !
Voici nos arguments : S'il y a réellement 500.000 emplois non pourvus dans notre pays, qu’attendent le gouvernement et le patronat pour engager des plans massifs de formation à destination des personnes qui pourraient les occuper ? Et qu’attendent-ils pour «revaloriser» les salaires correspondants à ces emplois ? Car depuis ces dernières années, aucune mesure concrète n’a été prise pour rendre ces 500.000 emplois plus attractifs ! Cette passivité du patronat et du gouvernement suscite bien des interrogations...
Des conditions de vie déplorables
La vérité, c'est que les emplois évoqués sont majoritairement pourvus, sous une forme déclarée OU NON. Ils le sont par des Français et, le plus souvent, par des immigrés originaires d'Europe de l'Est (dans le bâtiment et les travaux agricoles), des Africains et des Pakistanais (dans les cuisines de la restauration), des Asiatiques et des Turcs (dans le prêt-à-porter…), et par des femmes de toutes origines (nounous, aides ménagères…). Autant de travailleuses et de travailleurs en situation de grande précarité qui «s'accommodent» de rémunérations inférieures ou égales au SMIC. La plupart de ces personnes vivent dans des conditions déplorables, contraintes au minimum vital : de quoi manger et s’habiller, de quoi partager une chambre de bonne ou d'hôtel à 3 ou 4, et mettre quelques euros de côté pour les envoyer au pays…
Un discours idéologique et électoraliste
La contre-vérité des 500.000 emplois non pourvus vise uniquement à légitimer des pratiques d'embauche illicites («au noir») ou inférieures aux minima légaux. Ce discours est donc IDÉOLOGIQUE, dans le but de satisfaire une partie de l'électorat, celui des «petits employeurs» de l'hôtellerie/restauration, de l'agriculture, de la confection, du bâtiment, des travaux publics… mais aussi des dizaines de milliers de particuliers qui, en puisant dans le «marché parallèle» des travailleurs sous-payés ou sans statut, réalisent d'énormes économies sur les salaires et les cotisations sociales.
Le système mafieux d’une économie parallèle
Évidemment, tous les «petits employeurs» ne sont pas à mettre dans le même panier, la plupart respectant les dispositions et obligations légales en matière d'embauche, de rémunération et de durée de travail. Mais, comme on a pu le constater dans une multitude de reportages, même les grandes entreprises du BTP font appel à des sous-traitants qui emploient de la main-d’œuvre «au black». Ce système mafieux arrange beaucoup de monde. On peut même affirmer qu’il contribue à la compétitivité de pans entiers de l’économie, tout en creusant les déficits sociaux (Sécurité sociale, caisses de retraite, assurance-chômage…). Par ailleurs, ce système a un effet «de pression à la baisse» sur les salaires et permet de détourner la législation encadrant les conditions de travail : durées légales d’activité, sécurité, assurances...
Vers une disparition des salaires minimums ?
En usant de cet argument mensonger, le gouvernement et le patronat préparent l’opinion publique à une dérèglementation généralisée du marché du travail (déjà en cours). Derrière la guerre déclarée aux chômeurs qui «refuseraient des emplois disponibles» se cache deux objectifs : déréglementer la durée du temps de travail (qui pourrait être négociée directement entre employeurs et salariés, comme l’a récemment envisagé le Premier ministre) et, à terme, supprimer les «salaires minimums».
On fait le pari ?
=> À lire aussi en revue de presse : L’obscur calcul des «emplois non pourvus», une analyse de Libération suivie d'articles du Nouvel Obs ou du Monde, en commentaires.
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