En 2006, quelque 286.000 nouvelles entreprises ont vu le jour. L'INSEE soulignait alors que cette initiative est «plus souvent motivée par nécessité économique que par esprit d'entreprise» puisque 67% des nouveaux entrepreneurs déclaraient avoir monté leur affaire dans le but de s'assurer… un emploi. Effectivement, 40% d'entre eux étaient surtout des chômeurs qui, faute d'issue positive sur le marché du travail et profitant des aides qu'on pouvait leur accorder, ont opté pour ce biais afin de s'en sortir. Notant que le nombre de créations d'entreprises sans salarié a progressé de 33% entre 2002 et 2006, l'INSEE confirmait que, cette année-là, 81% des créations n'avaient effectivement généré qu'un seul poste : celui de l'entrepreneur.
Peu ont relevé qu'au dernier trimestre 2006 l'Institut relevait un nombre de faillites qui, lui, avait augmenté de 5,3% : ce n'est pas un hasard quand on sait que 40% des entreprises ne passent pas le cap de la troisième année et que plus de la moitié disparaissent au bout de cinq ans.
En 2007, sur les 321.478 nouvelles venues, 87% n'ont pas… de salarié, constate l'INSEE qui ajoute que «depuis 2002, le nombre de créations d'entreprises sans salarié a progressé de 57% alors que celui des créations avec au moins un salarié n'a augmenté que de 14%». Et 42% ont été montées par des chômeurs, le nombre de bénéficiaires de l’ACCRE ayant explosé de 40% : ils sont ainsi presque quatre fois plus nombreux qu’en 2002.
Effet du durcissement de l'indemnisation du chômage ?
Outre un marché de l'emploi plus dégradé qu'on ne veut le dire, l'INSEE invoque d'autres explications : «Divers changements ont suscité de nouvelles vocations d’entrepreneur, notamment parmi les chômeurs, et expliquent en partie la hausse du nombre des créations d’entreprises depuis 2003. La loi Dutreil pour l’initiative économique d’août 2003 comprend ainsi des mesures visant à simplifier la création d’entreprises, à faciliter le financement des entreprises nouvelles ou encore à favoriser la transition entre le statut de salarié et celui d’entrepreneur. Une autre raison peut être le durcissement de l’indemnisation du chômage intervenu début 2004»...
Et selon la plupart des experts, «l'envie d'entreprendre» n'est pas liée à la «confiance» mais plutôt… au chômage de masse ! De plus, ces entreprises ne grossissent pas assez pour améliorer significativement la situation de l'emploi en France : le secrétaire d'Etat chargé des entreprises Hervé Novelli le reconnaît lui-même... Pour Mathieu Plane, économiste à l'OFCE, c'est bien la hausse du chômage qui provoque des vocations d'entreprenariat : «Entre 1997 et 2002, on avait une croissance d'environ 2,6% et des chiffres de créations d'entreprises stables. Depuis 2002, la croissance tourne autour de 1,8% et le nombre de créations augmente». «Puisqu'il existe des aides à la création d'entreprises, beaucoup de chômeurs en profitent. Mais dès que les aides s'arrêtent, beaucoup d'entreprises font faillite ou disparaissent», renchérit Marc Touati, économiste chez Global Equities. Et le chômeur-créateur qui échoue se retrouve sur la paille.
Conclusion : pour ceux qui claironnent que les Français ont de plus en plus l'esprit d'entreprendre, cet enthousiasme digne de la méthode Coué cache le fait qu'aujourd'hui, devenir son propre patron relève moins de la «vocation» que de l'obligation dans un contexte de sous-emploi grandissant.
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