Ce qui porte leur total à 2.524.500 personnes «disponibles de suite et n'ayant exercé aucune activité» (la progression annuelle restant de 25,7%). Mais cette apparente bonne nouvelle est un leurre car, parallèlement, le nombre de demandeurs d'emploi ayant exercé une «activité réduite» (courte ou longue, catégories B et C) sont, eux, toujours en hausse : + 27.800 pour un total de 1.110.300 actifs goûtant aux joies de la précarité, faute d'emplois dignes de ce nom... Il ne s'agit donc que d'un effet de transfert d'une catégorie sur l'autre.
Ainsi, le total des inscrits en A, B ou C — le gros des chômeurs tenus d'accomplir des «actes positifs de recherche» — s'élève à 3.634.800 en métropole (9.200 personnes de plus par rapport à mai, soit + 0,3%). Avec les DOM, on grimpe à 3.850.500 ! Et, toutes catégories confondues (ABCDE), y compris les mal nommés «dispensés de recherche» (seniors en DRE), le nombre total d'inscrits à Pôle Emploi ressort à 4.097.800, soit 29.700 personnes de plus sur un mois. Il est justifié, en vertu de ces données, d'affirmer que le chômage ne recule pas...
Hausse de la précarité et du chômage de longue durée
Comme abordé ci-dessus, si l'on prend en compte le total des catégories ABCDE, le nombre de demandeurs d’emplois a continué d'augmenter car ceux qui exercent une «activité réduite» sont de plus en plus nombreux : environ un tiers des inscrits sur les listes de Pôle Emploi. Si la catégorie B (moins de 78 heures dans le mois) a diminué de 2,6%, c'est au profit de la catégorie C (plus de 78 heures) qui a pris 7,1%… Et il s’agit le plus souvent d’emplois précaires, peu ou pas qualifiés, tandis que les contrats en CDI se raréfient de manière inquiétante.
Il est aussi judicieux de se pencher sur la catégorie D — ex catégorie 4, demandeurs d'emploi non immédiatement disponibles en arrêt maladie, en stage/atelier bidon, en formation ou en CRP/CTP — qui a vu en mai ses effectifs croître de 3,4% sur un mois et 19,3% sur un an avec 207.500 inscrits. Au 1er juillet, on y recensait 70.800 CRP (+ 250% en un an) et 5.000 CTP (même progression), deux dispositifs peu convaincants qui doivent être étendus. De quoi escamoter des chiffres officiels des milliers de licenciés économiques dont le nombre d'inscriptions continue de progresser (+ 53,1% sur un an).
On note aussi que les plus de 50 ans sont toujours plus nombreux à faire partie des charrettes (+ 1,5% sur le mois et + 23% sur un an, soit 407.800 à fin juin), contrairement aux préconisations gouvernementales sur l'emploi des seniors... Quant au nombre de chômeurs à la recherche d'un travail depuis un an et au delà, il a connu une hausse record de 4,6% au premier trimestre (+ 2,5% en juin à Pôle Emploi, catégories ABC) : la barre du million est largement franchie (1,197).
Boom inexpliqué des radiations
Sur cette évidente tromperie statistique, on parle de baisse «inattendue». C'est même une «bonne surprise» pour Laurent Wauquiez et un «signe encourageant» pour Christine Lagarde qui, du coup, peuvent partir en congés tranquilles... On remarque que le gouvernement qui, depuis des mois, prépare l'opinion aux mauvais chiffres en les annonçant un peu à l'avance dans les médias, n'a cette fois-ci rien laissé filtrer.
Et surtout pas les mystérieuses sorties de Pôle Emploi pour «cessations d'inscription pour défaut d'actualisation», qui ont progressé de 19,3% sur le mois et concernent 33.300 personnes de plus qu'en mai. Il s'agit, nous dit-on, «de chômeurs qui ne sont plus décomptés par Pôle Emploi faute d'avoir mis leur dossier à jour, mais qui pourront être repris en compte une fois cette actualisation effectuée»... En quelque sorte, un petit jeu de cavalerie bien connu. Les syndicats de Pôle Emploi évoquent un éventuel «effet vacances» : des chômeurs non indemnisés se «désinscriraient» l'été pour ne pas avoir à assumer d'obligations administratives. Mouais...
Pas d'inversion de tendance
Autre détail important : la décrue des entrées à Pôle Emploi pour fins de CDD (- 0,9%) ou fins de missions d'intérim (- 6,3%), déjà perceptible en mai, signifie que les premiers «plans sociaux silencieux», qui concernaient les emplois précaires, arrivent à leur terme. A la rentrée, à leur tour balayés et détruits par le tsunami de la crise, ce sont les CDI jusqu'à présent en sursis — chômage partiel puis PSE, restructurations opportunistes ou faillites… — qui prendront la relève.
En conclusion : «Ces chiffres ne signifient pas une reprise durable du marché du travail, car il suffit que l’activité ralentisse et les entreprises utiliseront de nouveau des CDD et des intérimaires comme variable d’ajustement. En fait, il n’y a pas d’inversion de tendance», estime Mathieu Plane, de l’Observatoire Français des conjonctures économiques (OFCE).
Pour finir, vous trouverez en commentaires un récapitulatif des dégâts depuis le début de la crise. Les données relatives aux inscriptions Pôle Emploi de juillet seront disponibles le 26 août. Quant au taux de chômage officiel produit chaque trimestre par l'INSEE, il sera rendu public le 3 septembre. L'INSEE, qui prévoit au minimum 10% de chômeurs à Noël.
Sophie HANCART
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