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L'étude détaille qu'en 2006, 410.000 personnes ont été employées pour garder des enfants, 550.000 comme aides à domicile, et près d'un million pour d'autres services (ménage, soutien scolaire, repassage…), certaines combinant plusieurs de ces activités. Et quelque 45.000 employés du privé - des travailleurs pauvres - ont aussi complété leur salaire en exerçant un emploi de service pour des particuliers. Ces derniers bénéficiant d'allègements ou d'exonérations de cotisations sociales.
L'INSEE observe «une main d'œuvre féminine, et relativement âgée». Elles sont 90% dans les services à la personne dont 99,7% chez les assistantes maternelles ou 98% des gardes d'enfants à domicile, et 87% dans les autres activités. Leur moyenne d'âge est de 43 ans alors qu'elle est de 39 ans pour l'ensemble des salariés du privé. Plus de 7% d'entre elles ont 60 ans et plus, alors que cette proportion est de 2% chez les autres actifs.
«Le secteur des services à la personne propose des emplois de proximité pour lesquels aucun diplôme n'est actuellement exigé, et qui peuvent donc être recherchés par des retraités pour lesquels ils constituent un complément de revenu», commente l'INSEE qui note que ces salarié(e)s ont en moyenne 2,2 employeurs, une «pluriactivité liée au faible nombre d'heures effectuées dans le cadre de chaque contrat». Une main d'œuvre isolée, peu protégée, qui se débrouille.
Et les rémunérations, «relativement homogènes», sont misérables : 80% des salarié(e)s gagnent entre 6,2 et 9,4 € nets de l'heure (en 2006, le Smic horaire s'élevait à 6,18 € nets au premier semestre puis à 6,37 € au second). «C'est essentiellement le nombre d'heures travaillées qui détermine le salaire annuel perçu», souligne l'Institut. Alors que la durée annuelle légale du travail est de 1.600 heures pour un temps complet, seules 10% de ces personnes ont travaillé plus de 1.162 heures au domicile de particuliers-employeurs, la moitié a travaillé plus de 227 heures, tandis que 10% n'a pas travaillé plus de 18 heures.
Au total, tous contrats additionnés, la moitié d'entre elles n'a récolté qu'un salaire annuel net inférieur à 1.666 €. Et si 10% ont perçu plus de 8.782 € (les assistantes maternelles étant plutôt bien loties, vu la particularité de leurs prestations), 10% ont gagné moins de 141 € dans l'année, soit 60 fois moins. Pas de quoi vivre dignement.
C'est ça, l'avenir ! Pourtant, la majorité de ces activités (dont la demande est forte et qui sont d’utilité sociale, comme la garde d'enfants ou l'aide aux personnes âgées) pourraient être développées et rationalisées afin de tendre vers des équivalents temps plein avec un meilleur statut et une réelle formation. Mais l'Etat ne souhaite pas développer son service public et préfère promouvoir… l'emploi en miettes.
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Commentaires
• Le nombre des particuliers-employeurs avoisine les 2 millions.
Selon l'ACOSS, plus de la moitié d'entre eux bénéficie d'un allègement de leurs cotisations sociales, dont notamment les plus de 70 ans qui en représentent les deux tiers, sont totalement exonérés, et dont le nombre continue d'augmenter.
• Quand on focalise sur le nombre d'emplois créés, il ne faut pas se leurrer : le total des heures effectuées - déclarées - par ces 1,6 million de salarié(e)s ne correspond qu'à environ 300.000 emplois équivalents temps plein. Répondre | Répondre avec citation |
L'explosion des emplois dans les services aux personnes est-elle une bonne nouvelle ?
Quand on parle services aux particuliers, on se focalise sur le nombre d'emplois créés. Ce n'est pourtant pas l'enjeu principal. Méfions-nous des effets d'annonce. Depuis vingt ans, les politiques gouvernementale s veulent développer ces emplois, mais jamais une véritable évaluation n'est menée. Derrière ces chiffres se cachent des horaires en miettes, du temps partiel, des degrés de dignité très divers… On mélange des réalités qui n'ont rien à voir : des services de ménage ou de repassage, et des services relationnels auprès des enfants et des personnes âgées, déterminants pour l'avenir de notre société.
Longtemps, les femmes s'en sont occupées dans la sphère domestique. Dans les années 50, l'Etat-providence s'en est chargé. Mais avec l'explosion des besoins depuis quinze ans, la baisse du coût de ces services est devenue la priorité des gouvernements. On évoque désormais le marché, les exonérations fiscales… On ne parle pourtant pas de l'achat d'un bien de consommation, mais bien du rapport entre les générations. Ces métiers doivent-ils être laissés au privé ? Faire partie du service public ? Ces questions n'ont jamais été posées, sauf très récemment avec la proposition d'un service public de la petite enfance par le Parti socialiste.
Quelles conséquences sur le système productif français ?
En France, les services représentent déjà 75% de l'emploi total. Et parmi ceux qui progressent le plus vite, les services à la personne : entre 1990 et 2000, ils avaient déjà créé 300.000 emplois. Ce qui remet en cause le salariat : quand l'économie était avant tout industrielle, l'emploi, c'était une rémunération correcte et l'assurance de faire partie d'un collectif détenteur de droits. Les emplois de services à la personne, où l'on travaille à domicile au gré d'horaires fractionnés, remettent en cause cette idée d'intégration. Sans collectif, il n'y a plus de garde-fous face aux abus.
Les services à la personne ébranlent aussi la notion d'innovation…
Contrairement aux emplois industriels, où la cadence peut être sans cesse accélérée, les services de proximité ont une productivité stagnante : les employés sont obligés d'être en relation directe avec les usagers, il y a un «temps de contact» que l'on ne peut pas réduire. D'ailleurs, si la croissance française est aujourd'hui deux fois moindre que dans les années 60, c'est notamment à cause de la faible productivité des services.
Mais, si ces emplois ne génèrent pas de gains de productivité, comment les financer ? Là, deux modèles s'opposent : soit on baisse les rémunérations des employés des services à la personne (en France, elles sont inférieures à celles des emplois industriels), quitte à multiplier les travailleurs pauvres ; soit on décide d'augmenter les prélèvements (impôts sur le revenu ou cotisations patronales) pour financer le secteur, comme le font certains pays scandinaves. Avec le développement de ces métiers, la question n'est plus celle des progrès techniques, comme au temps de l'industrie, mais celle de la qualité de relation. Il ne faut plus parler technologie, mais innovations socio-économiques.
Au lieu de s'intéresser au nombre d'emplois créés, penchons-nous sur leur structure : il faut organiser le secteur, refonder un collectif, éviter les relations de gré à gré entre employé et usager. En Italie, des coopératives sociales associent les salariés du secteur, les usagers et des bénévoles. En Suède, les services aux personnes font partie d'un service public qui regroupe entreprises et associations. Répondre | Répondre avec citation |
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Le Conseil pour l'emploi, les revenus et la cohésion sociale (CERC), présidé par l'ancien ministre socialiste Jacques Delors, rappelle que les services à la personne comptaient 1,2 million de salariés déclarés en 2006, dont 58% de femmes de ménage, 31% d'assistantes maternelles et 11% d'aides à domicile hors ménage.
"Le développement quantitatif de ces emplois est indéniable. Le jugement des analystes sur la qualité de ces emplois est plus contrasté", constate le CERC. "Ce sont souvent des emplois très féminisés, à bas salaire", "souvent à temps très partiel", avec "fréquemment plusieurs employeurs (47%)", occupés par des femmes sans qualification, celles-ci souhaitant "fréquemment travailler davantage", selon le CERC.
Dépeignant la "forte précarité du statut des salariés du secteur", le rapport pose en filigrane la question suivante : comment trouver des recrues pour un secteur mal rémunéré qui n'ouvre pas de perspectives de carrière ? Actuellement, "à l'exception des enseignants faisant de l'aide au devoir", "nombre d'emplois d'aide à la dépendance, de garde d'enfants ou de tâches ménagères sont occupés par des femmes de 40 ans et plus, sans diplôme et reprenant une activité après être restées longtemps inactives, généralement pour élever leurs enfants". Mais le niveau de formation des nouvelles générations de femmes augmente, l'interruption pour élever les enfants tend à se réduire, et "ce vivier traditionnel sera restreint". Si rien n'est fait, le CERC voit "un risque de concurrence" entre les différentes familles d'activité de service à la personne, soutien scolaire, ménage-repassage, garde d'enfant, au détriment du handicap et de la dépendance.
Les salariés intervenant à domicile auprès des personnes âgées dépendantes rencontrent comme problème principal le "morcellement des interventions". "Les aides à domicile réalisent en moyenne 15 visites par semaine, ce qui représente un temps passé dans les transports et les coupures entre deux interventions de l'ordre de 25% du temps de travail. Or, ces temps intermédiaires ne sont pas rémunérés quand l'employeur est un particulier, et pas toujours bien pris en compte par les organismes prestataires", explique le CERC. De plus, ce type de travail pâtit des "variations d'horaires, et donc de la rémunération d'un mois à l'autre, par exemple en cas d'hospitalisation de la personne âgée", et d'un "isolement" qui conduit à "gérer seuls les conflits qui surviennent avec les personnes dont elles s'occupent".
Le CERC rappelle pourtant que les besoins vont augmenter, du fait du vieillissement de la population qui verra 1,2 million de personnes dépendantes en 2040.
Au passage, il rappelle que les services à la personne bénéficient d'un soutien public "plus important que d'autres secteurs", chiffré à plus de 10 milliards d'euros en 2006 (huit sous forme d'allocations ou exonérations et deux en réductions fiscales). Un crédit d'impôt s'appliquera pour la première fois aux déclarations de revenus de 2007.
Si l'Etat veut rendre les carrières plus intéressantes, selon le CERC, il serait avisé de moduler ses déductions fiscales, en faveur des prestataires de service à la personne susceptibles de construire des temps complet pour leurs salariés. Répondre | Répondre avec citation |