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Hécatombe silencieuse chez les prestataires de l’ANPE

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Les dessous de la fusion ANPE-Assedic se dessinent : 10.000 emplois seraient menacés dans les organismes extérieurs spécialisés dans l’accompagnement des demandeurs d’emploi.

Émoi dans le secteur de l’accompagnement social des chômeurs : à la fin de l’année 2007, l’ANPE a mis fin sans préavis ni concertation aux conventionnements qui la relient à des prestataires extérieurs (associations, cabinets privés, boîtes d’intérim…) auxquels elle sous-traite les bilans de compétence. Ces agréments, qui devaient courir jusqu’à fin 2008, ont été soumis à un nouveau type d’appel d’offres par lots de 20.000 à 30.000 demandeurs d’emplois. «Aucun organisme ne peut répondre seul à ce type de lots. Il faut des locaux, une surface financière qu’aucune petite structure ne peut atteindre», note Yves Chuet, président du Centre de bilan et d’orientation (CBO) de l’Association Ambroise Croizat, un centre spécialisé dans les bilans de compétence approfondis pour les travailleurs handicapés.

En quelques semaines, début janvier, des prestataires à vocation différente comme des associations, des petites boîtes de placement et les mastodontes de l’intérim, sont contraintes de constituer des «groupements» hétéroclites pour atteindre la masse critique afin de répondre à l’appel d’offres. Derrière cette méthode présentée en interne par la direction de l’ANPE comme une mesure de «simplification», selon un syndicaliste, les organismes de taille réduite craignent d’être condamnés à disparaître. Alors que les résultats de l’appel d’offres sont, début mai, en train de tomber, tous se préparent à une hécatombe silencieuse : 10.000 emplois seraient menacés dans les associations et les PME spécialisées.

«L’attitude scandaleuse de l’ANPE»

Le syndicat des professionnels du conseil et de l’accompagnement social (SPCAS), une des organisations professionnelles du secteur, dénonce «l’attitude scandaleuse de l’ANPE dans le traitement de ce dossier et le mépris dont elle fait preuve vis-à-vis de ses sous-traitants». Yves Chuet décrit une pression sur les tarifs des prestations, directement exercées par l’ANPE : «Un bilan de compétences approfondi, cela nécessite une vingtaine d’heures d’entretiens avec des psychologues payés correctement et en CDI. Jusqu’ici, ça nous était payé 800 €, mais désormais l’ANPE cherche à baisser le tarif à 300 €. À ce prix-là, ça n’est réalisable par personne : on reçoit les gens dix minutes, on enregistre le fait qu’ils sont bien passés et on leur donne rendez-vous pour la prochaine fois.»

Mais, au-delà de la dimension sociale sur un secteur, ce bouleversement dans l’externalisation des procédures d’accompagnement social en trahit un autre, au moins, sur la conception même de son utilité : on passe en quelque sorte de l’accompagnement social à l’accompagnement à marche forcée vers l’emploi.

«Placer à n’importe quel prix»

«Il faut diminuer les coûts, raccourcir les temps de prise en charge, raconte Mélanie Halphen, psychologue au CBO de l’Association Ambroise Croizat à la Maison des métallos, dans le 11e arrondissement de Paris. L’objectif, c’est de placer à n’importe quel prix. Je connais le cas d’un maçon inapte à son poste. À la DDTE, on lui demande de justifier de sa recherche d’emploi sur des postes pour lequel il est inapte. C’est aberrant de pousser les gens à gruger pour qu’on ne leur supprime pas tout ou partie de leurs allocations ! Auparavant, les conseillers pouvaient protéger les demandeurs d’emploi.»

Yves Chuet appuie dans le même sens : «De nous, on n’attend plus de résultat; l’ANPE s’en fout, de la qualité de la prestation. C’est du placement. Le hic c’est que nous, nous travaillons avec des travailleurs handicapés qui sont considérés du coup comme implaçables et risquent d’être radiés. Ou on trouve des solutions de placement n’importe comment, ou on radie». Reconnu comme travailleur handicapé après une hernie discale, Pierre Burlet en sait quelque chose : c’est sans doute cette conception, aujourd’hui gravement menacée, d’une orientation de qualité, accompagnée de formations longues et adaptées, qui lui a sauvé la mise. «J’ai connu des stages bidons pour faire de la hotline informatique où, dès que le patron touchait les sous, la formation s’arrêtait. J’ai été au fond du trou, menacé d’expulsion, dans la dèche… J’ai fait une orientation à Ambroise-Croizat, puis une formation de technicien comptable gestion informatique. C’était long, mais il y a eu un résultat. Ça m’a sauvé la vie, ça m’a permis de retrouver un boulot, de reparler aux gens. Et c’est ça qu’on est en train de détruire !»

(Source : L'Humanité)

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Mis à jour ( Samedi, 10 Mai 2008 00:58 )  

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