Les principaux opérateurs privés de placement (OPP) du marché se portent fort bien et affichent une croissance enviable. Les plus petits et les nouveaux arrivants se démènent pour avoir leur part du gâteau : 100.000 chômeurs, une manne ! Sans compter les 41.000 déjà confiés au privé par l’Unedic en plusieurs étapes. De quoi aiguiser les appétits.
Et il faudrait avoir l’esprit tordu pour douter des bonnes intentions, de la profonde philanthropie et de la conscience sociale des sociétés qui se dévouent à une si noble tâche. Soucieux de l’emploi, ils n’ont bien sûr de cesse de contribuer à la stabilité de leurs salariés...
Des précaires au service des chômeurs
Les spécialistes de l’outplacement et de l’accompagnement ont régulièrement recours à des «chargés de projet» et à des «consultants emploi» en CDD qui, au rythme des contrats, pilotent ou animent les antennes-emploi et autres cellules de reclassement.
Quant aux futurs recrutements en CDI, la flexibilité risque d’être au rendez-vous. L’avocat de la première entreprise européenne de Conseil en management et Ressources humaines — outplacement, bilans de compétences, accompagnement des demandeurs d’emploi… — a déclaré en préambule de sa plaidoirie, le 22 mai dernier, devant la 5ème Chambre du Conseil de Prud’hommes de Paris : «Monsieur le Président, bientôt, grâce au nouveau contrat de travail à rupture négociée, nous ne serons plus obligés de venir devant vous pour ce genre d’affaire» (à savoir, un litige concernant la rupture du contrat de travail d’un cadre représentant syndical). Conception très libérale et posture très libérée. Une tendance de fond ?
Et par un étrange concours de circonstances, juste en amont puis dans la foulée de la publication du rapport Boulanger, qui propose de confier 100.000 chômeurs de plus par an à ces fameux cabinets privés bien qu’il n’existe aucune preuve générale de leur efficacité par rapport au secteur public, des offres d’emploi alléchantes fleurissent sur le site de l'Apec... Startpeople USG Restart, BPI, Alerys, Adecco, Sodie recrutent des «Consultants Emploi ou Accompagnement» pour des missions auprès d’un public de demandeurs d’emploi. En CDD de 6 à 9 mois renouvelables. Salaire annoncé : environ 2.000 € bruts par mois.
La bergerie : un nouveau business-model ?
L’accompagnement des 100.000 chômeurs annoncés, facturés 3.600 € par personne à l'Unedic (c'est-à-dire l’assurance-chômage), représente donc un marché de 360 millions d’€. Supposons un consultant qui accompagnerait 30 demandeurs d’emploi sur un an. On le paye 24.000 € sur cette durée. Et on facture 30 fois 3.600 €, soit 108.000 € à l’Unedic, vache à lait de la future «France Emploi». Même en retranchant la mise à disposition de moyens, il restera de la marge !
Des chômeurs sortent donc provisoirement des chiffres de l’ANPE pour accompagner d’autres chômeurs, avant de retourner pointer à l’Assedic où tous pourront se retrouver quelques mois plus tard, puisque la réussite de l’accompagnement, à l’aune de l’OCDE, c’est 6 mois dans l’emploi...
Des «accompagnants» précaires qui pourraient peut-être eux-mêmes bénéficier ultérieurement d’un accompagnement pour les faire ressortir du chômage post-CDD ?
On tond les moutons chaque année…
Florence LG
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