C'est Laurence Parisot qui doit se réjouir, elle qui plaide pour une «revalorisation non politique», uniquement basée sur les «critères économiques repérables et incontestables»… émanant de l'INSEE. Et Laurent Wauquiez de rajouter : «Quand on est au Smic, c'est très difficile ensuite d'arriver à en sortir et d'arriver à des augmentations de salaires». Quelle jugeotte de la part d'un si jeune homme : stupéfiant !!!
Logique comptable. Il est vrai qu'en France, 15% des salariés à temps plein sont concernés : imaginez ce que ça donnerait en incluant ceux qui bossent à temps partiel. Heureusement que le Smic existe… sinon, ils seraient tous payés moins ! Car les détracteurs du salaire minimum estiment que celui-ci nuit à l'emploi, non dans le sens où il y aurait une corrélation entre salaire minimum et taux de chômage mais dans le sens où, en entreprise, il y a des postes qui ne "rapportent" rien (caissière, pas exemple). Ils ne voient plus l'entreprise comme une entité, un tout où chacun a son rôle à jouer, mais comme un rosbif découpé en tranches dont certaines sont plus juteuses que d'autres. Effectivement, suivant cette logique purement comptable du travail où celui-ci n'a plus de «valeur» mais un vulgaire coût, obliger les pauvres employeurs à rémunérer au Smic du personnel occupant des emplois "non qualifiés" n'est franchement pas rentable.
La France, recordman du Smic ! Sur les 27 pays de l'Union européenne, 21 ont un salaire minimum. Selon Guillaume Duval du magazine Alternatives Economiques, «contrairement à une idée reçue, le Smic français n'est pas le plus élevé : il est inférieur à ses équivalents belge, néerlandais, irlandais ou encore britannique. Mais, parmi tous ces pays, la France présente un profil très particulier : avec 15% de Smicards, elle est de très loin le pays où le pourcentage de salariés "abonnés" au salaire minimum est le plus important. Au Royaume-Uni, par exemple, seuls 2% des salariés touchent le Smic et les proportions sont analogues dans la plupart des autres pays riches. Le seul pays qui se rapproche de la France sur ce plan, c'est la… Bulgarie. La France est aussi, pour cette raison, le pays d'Europe où la distribution des salaires est la plus concentrée vers le bas de l'échelle. D'où évidemment l'extrême sensibilité de la question du pouvoir d'achat chez les salariés».
On déqualifie le travail. Il ne faut pas se leurrer : le Smic, autrefois réservé aux salariés sans qualification, touche de plus en plus de personnes qualifiées. Pour l'économiste Bernard Maris, c'est la manne des allègements de "charges" consenties par l'Etat qui multiplie les Smicards. «Et, du fait de la forte progressivité des cotisations sociales autour du Smic, un employeur y regarde à deux fois avant d'augmenter un salaire, car le coût du travail augmente proportionnellement plus vite. Conclusion : lorsqu'on est au Smic, on a de grandes chances d'y rester». Et ce n'est pas le RSA de Martin Hirsch qui arrangera les choses... En voilà, des explications beaucoup plus sérieuses que celles du bon petit soldat Wauquiez.
Chèques en bois ? Cette année, les allègements généraux sur les salaires entre 1 et 1,6 Smic devraient représenter 21,5 milliards d’€, soit une progression de 4,3% par rapport à 2007. «Ne retombons pas dans les vieilles errances où le politique fait semblant de faire des cadeaux qui sont en fait des chèques en bois», a dit le secrétaire d'Etat. Les «chèques en bois» dont il parle sont, évidemment, pour les salariés qui peinent à survivre avec de telles rémunérations ainsi que la Sécurité sociale dont l'Etat ne compense pas ses dettes, mais certainement pas pour les employeurs qui s'en tirent à bon compte. De la même façon qu'il vante le bien fondé du projet de loi relatif aux «droits et devoirs des demandeurs d'emploi», les «droits et devoirs» des entreprises qui exploitent leur personnel et ne répondent pas aux candidatures, Laurent Wauquiez, connaît pas...
C'est donc fini, les «coups de pouce». Sauf à l'Elysée pour l'argent de poche du Président, dont la dotation a bondi de 19% à elle toute seule l'année dernière (attention, l'augmentation du traitement présidentiel de 172% votée par le Parlement ne prendra effet qu'à partir de 2008)... Et les salaires des patrons du CAC 40, «scotchés» en 2007 sur une "revalorisation" moyenne de 58% ? L'INSEE a-t-elle sur ces points établi des «critères économiques repérables et incontestables» ?
SH
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