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Pour ce faire, François Fillon évoque «une réaffectation de recettes ou de dépenses de la branche famille» — supposée excédentaire, ce que conteste la Cour des comptes — de l'assurance-maladie, ainsi que le «relèvement progressif des cotisations vieillesse en trois phases : 0,3% en 2009, 0,4% en 2010 et 0,3% en 2011». Un relèvement qui «interviendrait à prélèvements constants, grâce à la diminution parallèle des cotisations d'assurance-chômage». Manœuvre populiste visant à épargner le pouvoir d'achat de ceux qui travaillent (en opposition à ceux qui ne travaillent pas alors qu'ils sont en âge de le faire), et que François Fillon justifie au vu des «marges de manœuvre dont dispose l'Unedic, compte tenu de l'amélioration apportée à la situation de l'emploi»...
Comme l'explique à juste titre l'économiste Jacques Bichot, «le système des vases communicants est la grande ressource de ceux qui veulent ne pas faire grand chose en réalité, tout en donnant l’impression qu’ils s’activent et résolvent les problèmes : ils bouchent un trou en en creusant un autre» => Lire en commentaire…
Déshabiller les chômeurs pour habiller les retraités
Seulement voilà : malgré ses «excédents» réalisés sur le dos des chômeurs — dont on rappelle que plus de la moitié n'est pas indemnisée par le régime d'assurance-chômage —, l'Unedic affichait fin 2007 un déficit cumulé de 9,5 milliards d'€ (alors que celui du régime vieillesse est estimé à 5,6 milliards pour l'exercice 2008) et, à paramètres constants, l'assainissement de sa situation financière n'est prévu qu'à l'horizon 2010. Or ces paramètres se modifient déjà, puisque le chômage ne baisse plus et qu'il doit même repartir à la hausse cette année ainsi qu'en 2009.
Mais le gouvernement semble avoir anticipé la manœuvre, puisque sa récente loi sur les «droits et devoirs» des demandeurs d'emploi durcit comme jamais le traitement à leur égard. Il table donc sur des radiations massives pour préserver à la fois ses statistiques officielles et les finances de l'Unedic.
Les partenaires sociaux, qui doivent s'atteler à la renégociation de la convention Unedic à la rentrée, sont opposés à cette mesure, de même que son président Geoffroy Roux de Bézieux. Mais ce que l'UMP veut, le gouvernement le fait, quitte user d'ingérence, au mépris du dialogue social. Quant à Nicolas Sarkozy, qui fut élu notamment grâce aux voix des électeurs âgés dont les sondages montrent qu’ils sont, plus que d'autres, hostiles aux chômeurs, trouve ainsi un moyen (dérisoire) de leur renvoyer l'ascenseur.
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Commentaires
• Une «rupture» intergénérationnelle ?
Après avoir monté les salariés contre les privés d'emploi et les Smicards contre les RMIstes, force est de constater que la politique du gouvernement de Nicolas Sarkozy s'évertue à monter les chômeurs… contre les retraités (qui, d'ailleurs, les méprisent).
• Geoffroy Roux de Bézieux osera-t-il affronter le gouvernement ?
Le nouveau président de l'Unedic a pris ses fonctions avec bonne volonté et bon sens. Mais son élan risque d'être coupé par les objectifs du gouvernement.
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«Je suis conscient du fait que l'assurance-chômage a d'autres contraintes, mais nous sommes engagés sur la voie du plein emploi alors que les besoins des retraites augmentent», a invoqué le ministre du Travail en mai dernier.
• Transfert des cotisations chômage vers les retraites, «inacceptable» pour le MNCP
Dans un communiqué du mois d'avril, le Mouvement national des chômeurs & précaires fustigeait le projet du gouvernement. Répondre | Répondre avec citation |
Le ministre du Travail vient de le confirmer : «Le gouvernement va rapidement discuter avec le nouveau président de l’Unedic et les partenaires sociaux de la nécessité d’augmenter, dès 2009, les cotisations retraite en diminuant de manière concomitante les cotisations chômage.» Mais ce «nouveau président» de l’Unedic, Geoffroy Roux de Bézieux, ne s’apprête pas à dire amen : il estime qu’il ne faut «surtout pas» transférer les excédents de l’assurance chômage sur les retraites, rappelant que l’assurance chômage a accumulé 9,5 milliards de dettes pendant ses années de déficit et qu’il «faut d’abord commencer par le rembourser».
Et après ? L’Unedic devrait, selon lui, «créer une caisse de réserve», puis éventuellement diminuer les cotisations et améliorer l’indemnisation du chômage. Il refuse en tous cas énergiquement de «mélanger tous les comptes».
Il s’agit là d’un vrai débat. Pour l’éclairer, que nous dit l’analyse économique ?
En premier lieu, le système de protection sociale joue un rôle de «régulateur conjoncturel automatique», dont l’assurance chômage est l’élément central. Qu’entend-on par là ? Les cycles économiques, c’est-à-dire l’alternance de périodes de forte croissance et de phases de croissance ralentie, voire négative, ne sont pas complètement évitables, mais il est souhaitable d’atténuer la violence de ces fluctuations conjoncturelles en soutenant l’activité et la dépense lorsqu’elles sont faibles, et en les freinant quand elles risquent d’entraîner de la «surchauffe» : inflation, dégradation de la solvabilité, phénomènes qui sont souvent suivis par un brutal retournement de tendance – une récession douloureuse.
Quand on veut agir sur la conjoncture pour la régulariser (action «contracyclique »), le problème est de ne pas arriver en retard. Or le temps qu’un gouvernement prenne conscience que l’activité décélère, qu’il prépare un texte de loi, le fasse voter, publie des décrets d’application et fasse mettre en œuvre les mesures prévues, une phase de croissance forte a souvent succédé à la croissance molle ou négative. Ainsi, la lenteur de l’action publique transforme-t-elle une politique «volontariste» contracyclique en amplificateur de fluctuations !
En revanche, lorsque l’activité décélère et a fortiori si elle ralentit, l’assurance chômage n’a besoin d’aucun nouveau texte pour indemniser les chômeurs qui affluent : en dépensant alors davantage qu’il ne rentre de cotisations, elle soutient la demande au bon moment. Ensuite, quand l’embauche redémarre, les chômeurs deviennent moins nombreux, les dépenses de l’Unedic diminuent, il y a retour à l’équilibre, puis excédent, les emprunts sont remboursés, les réserves reconstituées : l’organisme, en épargnant, freine la demande au moment où elle est trop forte, et se prépare pour jouer à nouveau son rôle de distributeur de revenus quand surviendra une nouvelle phase de croissance faible.
Sans se référer explicitement à l’analyse économique, M. Roux de Bézieux se situe exactement dans cette perspective. En demandant au gouvernement de respecter le rôle de stabilisateur automatique qui fait partie de la mission de l’Unedic, il assume ses responsabilités , non seulement celles de gestionnaire d’un organisme semi-public, mais aussi celles de responsable d’une composante importante de la protection sociale, la plus engagée dans la régulation des fluctuations économiques.
Ne pas mélanger tous les comptes
En deuxième lieu, le président de l’Unedic demande de ne pas «mélanger tous les comptes». Sur ce point également, il a raison. Supposons que l’on transfère des points de cotisation de l’assurance chômage vers la branche vieillesse : que se passera-t-il si un jour le chômage cesse de diminuer, repart à la hausse ? Ce n’est hélas pas le volontarisme gouvernemental qui l’en empêchera ! À ce moment là, alors que l’assurance vieillesse connaîtra des problèmes car les cotisations rentreront moins bien, il faudra augmenter à la fois les cotisations chômage et retraites, ou s’attirer les foudres de Bruxelles en laissant filer le déficit.
Hélas, compter sur le transfert de cotisations d’une branche à l’autre était l’idée centrale de la soi-disant réforme des retraites réalisée en 2003. Le système des vases communicants est la grande ressource de ceux qui veulent ne pas faire grand chose en réalité, tout en donnant l’impression qu’ils s’activent et résolvent les problèmes : ils bouchent un trou en en creusant un autre.
Le drame est que, à l’exception de la réforme de 1993, rien de sérieux n’a été fait pour assurer l’équilibre financier de la branche vieillesse. Les économistes savent ce qu’il faudrait faire, qu’ils soient de gauche comme de droite, mais les pouvoirs publics ne souhaitent pas entendre ce qu’ils ont à dire.
En s’opposant à ce que le gouvernement et le chef de l’État jouent une fois de plus à déshabiller Pierre pour habiller Paul, au lieu de prendre les mesures nécessaires pour que la totalité de notre système de protection sociale soit modestement mais correctement vêtu, le président de l’Unedic rend un réel service à la nation. Mais pourra-t-il faire davantage que le Charles de Gaulle quand, durant la débâcle de 1940, il prit le contrôle d’une brigade de chars en déroute et lui fit remporter quelques succès ? Un colonel, si intelligent soit-il, ne peut inverser le cours des évènements que l’impéritie du haut commandement a rendu inéluctable.
SOURCE Répondre | Répondre avec citation |
"Après avoir décidé la suppression de la dispense de recherche d'emploi et défini l'offre raisonnable d'emploi, le gouvernement nous impose une révision des niveaux de cotisation. Que nous reste-t-il à négocier ?", s'insurge le syndicat. C'est aux partenaires sociaux "de définir ce que seront la cotisation et les conditions d'indemnisation des demandeurs d'emploi. Les excédents de l'Unedic doivent d'abord servir à celles et ceux qui, privés d'emploi, ne peuvent pas vivre décemment", estime la CGT.
Le Medef, très remonté, n'hésite pas à parler de "chantage" sur la négociation Unedic. Même chose pour la CGC, qui dénonce une "intrusion scandaleuse" de Matignon.
La CGPME pointe le ralentissement de la baisse du chômage et la faiblesse des créations d'emploi.
La vice-présidente de l'assurance-chômage Annie Thomas (CFDT) a jugé que cette proposition "pose problème. On a vraiment l'impression qu'en fixant lui-même les baisses et les hausses, le Premier ministre tient la main des négociateurs et ce n'est pas acceptable". La CFDT se dit prête à défendre une baisse des cotisations chômage et un transfert vers les cotisations retraite, tout en rappelant qu’"il y aussi d'autres postes à fournir", "d'abord tarir totalement le déficit de l'Unedic" et ensuite, "construire une meilleure offre de services aux demandeurs d'emploi, ce qui va coûter de l'argent".
Pour FO, "il faut prioritairement améliorer le système d'indemnisation et garantir la situation des saisonniers, fortement pénalisés par la dernière convention d'assurance-chômage non signée par Force Ouvrière". Et de rajouter : "Il est totalement exclu de baisser les cotisations chômage si cela ne s'accompagne pas d'une meilleure indemnisation des chômeurs, notamment précaires".
La CFTC, de son côté, a jugé toute décision "prématurée", prise "au mépris du dialogue social", "alors que la France est en vacances". Elle s'est aussi opposée "fermement au siphonage des excédents de la branche famille au profit de la branche vieillesse", une annonce "indécente de la part d'un gouvernement qui affiche l'ambition d'instaurer un droit opposable au mode de garde de l'enfant". Répondre | Répondre avec citation |